Raphaël Grynpas
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31 mai 2006
En Israël - moins de 21.000 km² -, et dans les territoires disputés - moins de 4000 km² -, il y a plus de 800 journalistes qui, à quelques exceptions près, louent les services de caméramans et de preneurs de son palestiniens, et recourent aux services d’interprètes qui sont des fonctionnaires du ministère palestinien de l’information, ou, travaillent en « pigistes » sous son contrôle. Sans ces derniers, la fiabilité de ces reporters, dont l’immense majorité ignore la langue arabe, serait quasiment nulle. Bref, ces journalistes occidentaux fonctionnent comme du temps de l’Union Soviétique où il était impossible de circuler en URSS et de s’adresser aux habitants sans passer par un interprète de l’ « Intourist ». Pour ce qui est de leur travail en Israël, ces journalistes doivent s’en tirer par leurs propres moyens, mais ce n’est pas un problème, vu que plus des trois quarts des Israéliens pratiquent au moins une deuxième langue dont surtout l’anglais. En général, ces « journalistes » préfèrent séjourner en Israël et travailler dans les territoires disputés, sous le contrôle de leurs interprètes palestiniens. Dans cet environnement de censure, ils présentent la réalité palestinienne conformément à la propagande de l’Autorité palestinienne et, ce qui est plus grave, avec la bénédiction de leur rédaction.
La perversité de cet état de faits - qui a participé à créer et continue à verrouiller l’impasse dans laquelle se trouvent les Arabes de Gaza, de Judée et de Samarie - est illustrée par le raisonnement suivant. Si l’on compare ce nombre de 800 journalistes occidentaux, dont plus des trois quarts appartiennent à l’Union Européenne (UE), à la présence d’environ une trentaine de journalistes de l’UE en Inde et en Chine, il apparaît que près de trois milliards d’individus seraient moins dignes d’intérêt que les 7 millions d’Israéliens et les 3 millions de Palestiniens vivant sur un espace global de moins de 24.000 km².
Il est clair que le conflit israélo-palestinien – que l’on appelait judéo-arabe jusque dans les années soixante-dix (Abdelkader, Le conflit judéo-arabe) - charrie tous les symboles familiers de l’Occident, et particulièrement de l’Europe. Les Européens, qui ont toujours été ignorants de la réalité de plus de la moitié de l’humanité, celle qui vit à l’est de l’Indus, trouvent, dans ce conflit, le moyen de s’exonérer de leurs échecs idéologiques du XXe siècle, qui ont généré d’innombrables tragédies. En effet, l’Europe a commencé le siècle passé par la première mondiale, dont elle n’a pu sortir par ses propres forces : il a fallu l’intervention militaire américaine et la doctrine Wilson pour sortir de l’hécatombe organisée de sa progéniture. Il s’en est suivi une vague d’un nationalisme qui a pris les couleurs du fascisme ou du communisme. Seule la Tchécoslovaquie a construit une démocratie moderne, que les puissances démocratiques européennes se sont empressées de sacrifier au chantage fasciste (Munich), si bien qu’ils ont eu « et la honte et la guerre », comme l’a si pertinemment dit Winston Churchill. De surcroît, la France s’est offerte le pétainisme, que Mitterrand a si bien servi et protégé, dans la personne de cette crapule de Bousquet. L’esprit de Vichy, qui persiste toujours dans la majorité des médias francophones, dont les reportages biaisés sur le Moyen-Orient laissent entendre qu’ils souhaitent la défaite des USA en Irak et d’Israël en Israël, comme Laval, en son temps, souhaitait la victoire de l’Allemagne.
Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale - qui a pu avoir lieu grâce à la collusion entre le communisme et le nazisme, l’URSS ayant soutenu l’effort de guerre nazi jusqu’au 22 juin 1941 -, l’Europe occidentale a pu survivre au communisme par la seule vertu de la volonté et de la force des Etats-Unis, une fois de plus.
L’indépendance de l’Inde, la création du Pakistan et l’indépendance d’Israël sonneront le glas des empires coloniaux. Ainsi, dès la fin de la première moitié du XXe siècle, les idéologies dominantes de l’Europe sont soit mortes, comme le fascisme, ou moribondes, comme le colonialisme. Le communisme aura la peau plus dure parce qu’il se réfugie derrière le chantage nucléaire, la guerre froide, comme c’est le cas aujourd’hui des régimes fascismes, rouge, pour la Corée du Nord, et vert pour l’Iran.
Dès le début de la seconde moitié du XXe siècle, les puissances coloniales procéderont à la décolonisation en plaquant sur un continent qu’elles avaient exploité sans scrupule le modèle des Etats-nations européens, qui avait provoqué deux guerres mondiales ? Or, ce modèle ne prenait pas du tout en compte les réalités ethniques et linguistiques des populations qu’ils allaient abandonner à une minorité d’Africains, formés sur le modèle européen et dont les intérêts ne sont pas ceux de nations africaines qui reproduisent les divisions du traité de Berlin de 1885 entre les puissances coloniales de l’époque (la France, la Grande Bretagne, l'Italie et l'Allemagne), mais dont les intérêts sont attachés à des structures étatiques qui ne servent guère les populations.
La conséquence de l’arrogance et de l’incompétence des gouvernements européens des années soixante est la tragédie que vit aujourd’hui l’Afrique, de l’Algérie aux frontières de l’Afrique du Sud, et qui est entretenue par les intérêts économiques de l’Occident en Afrique, et surtout, par les subventions agricoles européennes qui affament les Africains.
Ce survol historique met en évidence le fait que l’UE hérite de ses propres échecs idéologiques : le colonialisme, le fascisme et le socialisme. Le Moyen-Orient et ses mythes, servent à exonérer l’Europe d’un passé récent et surtout à dissimuler que son influence politique a disparu dans les cimetières militaires, la Shoa et les innombrables cicatrices qu’elle a laissées saigner chez les peuples qu’elle a dominés. Ces idéologies, pur produit du génie européen, ont laissé des traces : l’extrême droite est une sorte de fantôme répugnant du fascisme, et le socialisme ou la social-démocratie sont encore fortement représentés dans les parlement européen. Cette gauche - qui n’a de la gauche qu’un souvenir romantique - persévère dans son discours, mais pas du tout dans ses actes : ce sont des faussaires, des faiseurs de promesse jamais tenues. En effet, quel parti socialiste ou social-démocrate peut encore se prévaloir d’un projet politique socialiste, même quand il est au pouvoir. A cet égard, il faut se rappeler qu’en 1994, quand le GATT a évolué en WTO à la suite de l’« Uruguay round », sur les huit pays qui formaient alors l’UE, six avaient un premier ministre socialiste ou social-démocrate, et aucun de ces gouvernements n’a tenté de résister à ce que les résidus du socialisme reprochent à la mondialisation, qui est aussi une conséquence historique de la fin de l’impérialisme des ex-puissances européennes. En ce sens, l’esprit et la méthode de Vichy se sont installés dans les pays de l’UE qui n’étaient pas sous domination soviétique : c’est sans doute l’une des causes de l’impasse dans laquelle l’UE se trouve aujourd’hui. Elle n’a ni projet pour elle-même, ni la moindre idée de la manière dont elle pourrait devenir un ensemble politique capable de se projeter à l’extérieur de ses frontières. Reconnaissons que l’autre cause importante de son impuissance réside dans son incapacité à définir pour elle-même ses propres limites, ce qui se traduit par l’absence d’une politique étrangère cohérente, dont l’effet se voit et se lit dans la plupart des médias européens où l’information est faisandée, c’est-à-dire où l’exactitude est absente, mais pas le prêchi-prêcha.
La décision, prise le 29 mai par la National Association of Teachers in Further and Higher Education (NATFHE), le plus important syndicat d’enseignants universitaires de Grande-Bretagne, de boycotter les universitaires de Haïfa et de Bar-Ilan, parce que, d’après les fascistes rouges du NATFHE, partisans de l’antisémite maire de Londres, Ken Livingstone, l’université de Haïfa, y compris le Technion, et celle de Bar-Ilan participeraient à la « suppression des Palestiniens » (sic). Ces fascistes rouges, comme tous les fascistes, agissent de manière aussi obscure que possible, dans ce cas, pour dissimuler leur mentalité d’antisémite. Ils ont été suivis par la Canadian Union of Public Employees de l’Ontario (200.000 membres), mais heureusement, cela n’a guère de chance de les aider, parce que la NATFHE doit bientôt fusionner avec l’Association of University Teachers (AUT), où la gauche fascisante du Labor Party ne détient pas la majorité.
Cette mentalité pétainiste, qui est un mélange nauséabond de ressentiment (fascisme) et de vindicte (socialisme), s’exprime, chez les plus rétrogrades et réactionnaires des chrétiens, à savoir, le Conseil mondial des Eglises (CME), qui ose prétendre, dans un communiqué, qu’« Israël porte la responsabilité de la crise actuelle au Moyen-Orient ». L'organisation a déclaré que les actions israéliennes à l'égard des Palestiniens « ne pouvaient être justifiées ni moralement, ni légalement, ni politiquement ». Le CME regroupe 340 églises membres dans 100 pays, et représenterait plus d’un demi milliard de chrétiens orthodoxes, anglicans et protestants. La mauvaise foi de cette démarche est flagrante : jamais le CME n’a protesté contre la dhimmitude de fait qui opprime les Chrétiens dans tout le monde arabe, de l’Algérie à l’Irak. Ainsi, alors qu’il y avait près de 15% de Chrétiens à Gaza, en Judée et en Samarie avant la déclaration de principe israélo-palestinienne, improprement appelée « Accords d’Oslo », il en reste moins de 5% après treize ans de pouvoir de l’Autorité palestinienne.
Cette déclaration d’une grande bassesse me fait penser à feu le cardinal Tisserand, primat des Gaules sous Vichy, qui avait déclaré que « les Juifs portent une responsabilité majeure dans la défaite de la France ». Il est vrai que le représentant syrien à l'Onu a déclaré qu'Israël « était responsable de la première et de la seconde guerres mondiales ». Bref, le NAFTHE, le CME, la plupart des socialistes ou sociaux-démocrates, des écolos et des chrétiens démocrates fonctionnent suivant les mêmes schémas mentaux que Tisserand ou la Syrie, ou leurs amis du Hamas, qui, selon la parlementaire socialiste européenne, Véronique De Keyser, représentent un espoir de paix… Sans doute la paix des cimetières.
Dans ce contexte, où des médias et leurs sponsors, tant politiques que religieux, quel leader palestinien pourra faire accepter aux Arabes de Gaza, de Judée et de Samarie de constituer un Etat, pourtant Judenrein, sur près de 3000 km² ? Les impostures dont nous abreuvent médias et politiciens participent vraiment et totalement au malheur des Arabes palestiniens. L’Etat d’Israël pour sa part a cherché depuis 1948 un accord politique avec ses voisins Arabes, mais jusqu’à présent sans écho, sauf pour l’Egypte et la Jordanie.
© Raphaël Grynpas, Bruxelles
Mis en ligne le 01 juin 2006, par M. Macina, sur le site upjf.org