Par Caroline B. Glick
‘Jerusalem Post’, 22 février 2008
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Adaptation française de Sentinelle 5768 ©
La déclaration d’indépendance du Kosovo soutenue par les Etats Unis est profondément troublante. En posant pour précédent de légitimer la sécession de minorités mécontentes, elle affaiblit la viabilité à long terme des Etats multiethniques. Ce faisant, elle déstabilise le système international fondé sur les Etats, déjà mis à mal.
Des Etats aussi divers que le Canada, le Maroc, l’Espagne, la Géorgie, la Russie et la Chine sont confrontés actuellement à des problèmes de minorités mécontentes. Ils sont profondément concernés par le précédent du Kosovo. Même les USA ont des problèmes latents de souveraineté avec leur minorité hispanique de plus en plus politisée le long de leur frontière avec le Mexique. Ils pourraient faire un jour l’expérience d’un retour de bâton intérieur pour leur soutien à l’indépendance kosovare à l’égard de la Serbie.
Même en mettant de côté ses implications mondiales, il est difficile de se représenter comment le Kosovo peut constituer un Etat viable. Son taux de chômage à 40 % est lié à l’absence d’infrastructures gouvernementales et économiques adaptées.
En Novembre 2007, un rapport de la Commission Européenne détaillait l’échec de l’Armée de Libération du Kosovo (ALK) dans la mise en place de structures de gouvernement capables de fonctionner. Le rapport notait : « du fait de l’absence d’une volonté politique claire pour combattre la corruption, et de mesures législatives et d’exécution insuffisantes, la corruption est toujours répandue… Des fonctionnaires sont toujours soumis à l’ingérence politique, aux pratiques corrompues et au népotisme ». De plus, « l’administration publique du Kosovo demeure faible et inefficace.
Le rapport poursuivait : « La composition du conseil gouvernemental anti-corruption ne garantit pas assez son impartialité, et peu de progrès sont notés dans le domaine du crime organisé et la lutte contre le trafic des êtres humains ».
De plus, la poursuite en justice des criminels de guerre albanais est « gênée par l’absence de volonté de la population locale de témoigner » contre eux. Cela est dû en partie au fait qu’il n’y a « toujours pas de législation spécifique mise en place pour la protection des témoins ».
L’Etat défaillant naissant apporte un avantage précieux au jihad mondial. Il est vrai que les musulmans kosovars dans leur majorité ne souscrivent pas à l’islam radical. Mais il est vrai aussi qu’ils ont ouvert leur territoire comme base pour les opérations d’al Qaïda ; que des membres de la direction de l’ALK ont des liens directs avec al Qaïda ; et que le monde islamique dans son ensemble a perçu le combat du Kosovo pour son indépendance à l’égard de la Serbie comme un jihad pour la domination islamique sur la province disputée.
Selon un article de 2002 paru dans le ‘Wall Street Journal’, al Qaïda a commencé d’opérer activement au Kosovo, et dans le reste des Balkans en 1992. Oussama ben Laden a visité l’Albanie en 1996 et 1997. On lui a remis un passeport bosniaque de l’ambassade de Bosnie en Autriche en 1993. En 1994, sur les ordres de ben Laden, son adjoint Ayman Zawahiri a mis en place des bases de formation à travers les Balkans, dont un centre d’entraînement à Mitrovica, au Kosovo. Les Taliban et al Qaïda ont mis en place des opérations de trafic de drogue au Kosovo, pour financer leurs activités en Afghanistan et au-delà.
En 2006, John Gizzi a rapporté dans le magazine ‘Human Events’ que le service de renseignement allemand, le BND a confirmé que les attentats à la bombe en 2004 en Espagne, et en 2005 à Londres, avaient été organisés au Kosovo. De plus, « l’homme clé de l’approvisionnement en explosifs dans les deux cas était un Albanais, opérant surtout à partir du Kosovo… qui se trouve être le N° 2 de l’ALK, Niam Behzloulzi ».
Et puis aussi, lors de sa réunion de 1998 au Pakistan, l’Organisation de la Conférence Islamique a déclaré que les séparatistes albanais du Kosovo combattaient pour le jihad. L’OCI a appelé le monde islamique à l’aide dans « ce combat pour la liberté de territoires musulmans occupés ».
Des partisans du Kosovo prétendent qu’en tant victimes d’un “génocide”, les Musulmans kosovars méritent l’indépendance. Mais si les Musulmans du Kosovo ont été visés par les Serbes en vue de leur annihilation, comment se fait-il qu’ils soient passés de 48 % du total de la population en 1948 à 92 % aujourd’hui ? De fait, les Musulmans constituaient seulement 78 % de la population en 1991, année précédant la dislocation de la Yougoslavie.
Au cours de années récentes en particulier, ce sont les Serbes chrétiens du Kosovo, et non les musulmans albanais qui sont la cible d’un nettoyage ethnique. Depuis 1999, les deux tiers des Serbes du Kosovo – quelques 250.000 personnes – ont fui la région.
L’émergence d’un Etat potentiellement déstabilisateur au Kosovo est clairement l’exemple d’intérêts politiques outrepassant la loi. Selon la loi internationale, le Kosovo n’a pas le droit d’être considéré comme un Etat souverain. Même la résolution 1244 du conseil de Sécurité de l’ONU de 1999, que l’ALK revendique comme fondement légal de la souveraineté kosovare, reconnaît explicitement la souveraineté serbe sur le Kosovo.
Pour Israël, la déclaration d’indépendance du Kosovo soutenue par les Etats Unis doit être la source d’une alarme suffisamment puissante pour imposer de repenser la politique étrangère. Hélas, plutôt que de comprendre et d’exécuter les leçons du Kosovo, le gouvernement Olmert-Livni-Barak travaille activement à s’assurer de leur reproduction dans le traitement par la ‘Communauté Internationale’ d’Israël et des Palestiniens. Aujourd’hui, Israël permet aux Palestiniens de poser les conditions politiques et légales pour établir un Etat de Palestine reconnu internationalement, qui sera en guerre avec Israël.
En acceptant le plan de la ‘Feuille de route’ pour une solution à deux Etats en 2004, Israël a conféré aux USA, à l’UE, à la Russie et à l’ONU, qui constituent le ‘Quartet’ international, le pouvoir de servir aussi de juges des actions palestiniennes et israéliennes entre eux. En novembre 2007, à la conférence d’Annapolis, le gouvernement Olmert-Livni-Barak à explicitement conféré aux USA le pouvoir de « contrôler et de juger de l’accomplissement de l’engagement des deux parties pour la Feuille de route ».
Que ces décisions aient rendu Israël dépendant de la bienveillance d’étrangers, cela a été clairement démontré cette semaine quand la ministre des affaires étrangère Tzipi Livni a ordonné aux ambassadeurs d’Israël de lancer une campagne pour convaincre la communauté internationale que Israël et les Palestiniens font de grands progrès dans leurs négociations en vue de l’Etablissement d’un Etat palestinien. La décision de Livni a été précipitée par l’insatisfaction croissante de l’UE et des USA sur le rythme de ces négociations, et par des rapports suite à la réunion du Quartette à Berlin le 11 février. Là, tous les participants ont exprimé d’une part leur opposition aux actions militaires d’Israël à Gaza, qui ont pour objectif de protéger le Negev occidental des attaques au mortier et à la roquette ; et d’autre part leur colère face au rythme lent des négociations.
Le représentant des USA à la réunion du Quartette, le secrétaire d’Etat adjoint David Welch, aurait dit à ses collègues : « d’abord, nous ne devons pas permettre que l’attentat suicide à Dimona, et les tirs sur Sderot affectent les négociations ».
Welch aurait ajouté : « il est nous importe aussi que ni les Palestiniens de Gaza, ni les Israéliens à Sderot ne soient blessés. Aussi, nous devons continuer de renforcer le président de l’AP Mahmoud Abbas et le premier ministre de l’AP en Judée et Samarie, Salam Fayad ».
De plus, Ran Koriel, ambassadeur d’Israël auprès de l’UE a prévenu que les Russes poussent au rétablissement du gouvernement Fatah – Hamas. Plusieurs Etats de l’UE, dont la France, revoient leur refus de reconnaître le Hamas.
Si Israël n’avait pas conféré au Quartette en général, et aux USA en particulier, le pouvoir de déterminer si Israël et l’AP se comportent convenablement, une décision européenne ou russe de reconnaissance du Hamas aurait peu d’impact. Mais étant donné leur rôle d’arbitre, les membres du quartette peuvent prendre des mesures punitives contre Israël s’il ne parvient pas à se plier à leurs vœux. Le Quartette peut se substituer à la loi internationale dans la détermination de qui peut affirmer la souveraineté sur Gaza, la Judée, la Samarie ; et comment Israël peut exercer sa propre souveraineté. Ainsi, Livni en est réduite à les supplier de ne pas reconnaître le Hamas.
Lorsque les USA ont décidé en 1999 d’engager leurs propres forces dans le bombardement de la Serbie par l’OTAN, et dans l’occupation consécutive du Kosovo, c’en était fini de la souveraineté serbe sur la zone. Le fait est que les forces de l’OTAN au Kosovo ont été déployées dans le but exprès d’empêcher la Serbie d’exercer sa souveraineté sur le Kosovo, et pas pour empêcher la violence entre les Kosovars et les Serbes, ou les musulmans et les chrétiens au Kosovo. C'est-à-dire que l’OTAN s’est déployée au Kosovo pour lui permettre de gagner l’indépendance.
Et si les USA ou l’OTAN sont déployés à Gaza ou bien en Judée et Samarie, ils ne seront pas là pour protéger les Israéliens contre le terrorisme palestinien, ou empêcher ces zones de servir de bases du terrorisme mondial. Ils seront là pour établir un Etat palestinien.
En ne comprenant pas la signification du Kosovo, le gouvernement Olmert-Livni-Barak refuse de reconnaître ce point. De fait, le gouvernement mène une campagne active pour le déploiement de forces de l’OTAN à Gaza. Exactement comme il a espéré à tort que les forces de la FINUL au Sud Liban combattraient pour lui le Hezbollah, de même aujourd’hui, ce gouvernement répète que les forces de l’OTAN à Gaza combattront le Hamas pour lui.
Si la translation des leçons de la FINUL à Gaza est trop abstraite pour le gouvernement Olmert-Livni-Barak, Israël peut apprendre suivant l’expérience des contrôleurs de l’UE à Gaza même. Croyant à tort que les Européens partageaient l’intérêt d’Israël d’empêcher la pénétration de terroristes et d’armes à Gaza, Israël a demandé que l’UE mette en place un poste au terminal de Rafah, reliant Gaza à l’Egypte après son retrait de la frontière en 2005. Pourtant, à chaque fois qu’ils sont confrontés à des terroristes du Fatah ou du Hamas, plutôt que de combattre, les contrôleurs de l’UE s’enfuient en Israël pour se protéger. Et l’expérience de ses contrôleurs avec les terroristes palestiniens s’emparant de la frontière n’a jamais conduit l’UE à remettre en question son soutien à un Etat palestinien.
Et puisque les USA, l’UE, la Russie et l’ONU considèrent tous Gaza, la Judée, la Samarie et Jérusalem comme une unité territoriale, il n’est pas surprenant que la demande d’Israël de forces de l’OTAN ait été accueillie par un plan des USA de déploiement de forces de l’OTAN en Judée et en Samarie. Si les forces de l’Otan à Gaza ne faisaient rien pour assurer la sécurité de la frontière avec l’Egypte, ou pour combattre les terroristes, et sabotaient les opérations israéliennes dans la zone, les forces de l’OTAN en Judée et en Samarie n’empêcheraient pas seulement Israël de protéger ses citoyens qui y vivent ; elles empêcheraient aussi Israël de prendre les mesures pour empêcher les attaques palestiniennes sur le centre d’Israël, et d’assurer le contrôle sur la frontière avec la Jordanie. Pourtant, comme le ‘Jerusalem Post’ l’a rapporté cette semaine, Israël mène des pourparlers avec les USA concernant précisément un tel déploiement de l’OTAN.
Ce pour quoi les Serbes ont contraint l’OTAN à se battre pour l’obtenir, Israël l’offre à l’OTAN sur un plateau d’argent.
Sans surprise, le conseiller d’Abbas et chef de la propagande de l’AP Yasser Abd Rabbo a réagi à la déclaration d’indépendance du Kosovo en recommandant que les Palestiniens suivent son exemple. Abd Rabbo à dit : « le Kosovo n’est pas meilleur que nous. Nous méritons l’indépendance avant le Kosovo, et nous demandons le soutien des Etats-Unis et de l’Union Européenne pour notre indépendance ».
Pour sa part, le gouvernement Olmert-Livni-Barak a répondu à la déclaration d’indépendance du Kosovo avec sa confusion habituelle. Mais les leçons du Kosovo sont claires. Non seulement Israël doit se joindre à la Russie, à la Chine, au Canada, à l’Espagne , à la Roumanie et à beaucoup d’autres pays dans le refus de reconnaître le Kosovo ; mais il doit aussi déclarer que suite à l’indépendance du Kosovo, Israël rejette le déploiement de toutes forces internationales à Gaza ou en Judée et en Samarie, et refuse de céder à l’arbitrage international son droit légal à la souveraineté en Judée, Samarie, Gaza et Jérusalem.
Contribuant à la JWR, Caroline B. Glick est membre senior pour le Moyen Orient du “Center for Security Policy” [Centre pour la Politique de Sécurité]
à Washington, DC et rédacteur en chef adjoint du « Jerusalem Post ».