17.04.2007
Dix enjeux de politique étrangère | Sous ce titre prometteur, le Monde a eu la très bonne initiative de poser les mêmes questions aux trois principaux candidats français : Ségolène Royal, François Bayrou et Nicolas Sarkozy. Ils se sont exprimés sur l’Iran, le Darfour ou encore la Russie et Gazprom.
Les réponses respectent entièrement la ligne du Quai d’Orsay. Les 3 candidats sont opposés à des sanctions individuelles hors résolutions du Conseil de Sécurité, tous les trois sont en faveur de l’unanimité des décisions au Conseil de Sécurité et évidemment hostiles à tout ce qui peut mettre en péril le régime des mollahs (comme par exemple un embargo sur la vente de l’essence : question esquivée).
Dans la bonne tradition du Quai d’Orsay, ils font un amalgame permanent entre les Iraniens et leurs dirigeants (sauf à une exception Nicolas Sarkozy), par ailleurs les 3 candidats ne font aucune allusion au caractère terroriste du régime (par peur de parler du Hezbollah) ou à ses violations des droits de l’homme (par peur de parler de l’Islam). Mais en revanche, les uns et les autres font des clins d’œil permanents aux supposés modérés du régime et à la nécessité d’attribuer un rôle régional aux mollahs (sans préciser le territoire concerné).
1er question : Les 3 candidats montreront trois aspects de la pensée unique du Quai d’Orsay.
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Le Monde | Si les Etats-Unis ou Israël décident à un moment donné que la seule façon d’empêcher l’Iran d’acquérir la bombe atomique est de procéder à des frappes militaires sur ses sites nucléaires, considérez-vous que la France devra s’opposer à ce scénario ? De quelle façon ?
François Bayrou | Alors que la société politique iranienne est de plus en plus divisée et que les provocations d’Ahmadinejad la marginalisent, une intervention militaire ressouderait instantanément la nation iranienne derrière son président et plongerait l’ensemble du Moyen-Orient dans le chaos. Il ne s’agit pas de « s’opposer » aux Etats-Unis, car je doute qu’ils solliciteraient dans cette hypothèse l’aval de la communauté internationale, il s’agit de les dissuader de s’engager dans une nouvelle impasse. Je fais confiance à la majorité du peuple américain, telle qu’elle s’est exprimée à l’automne 2006, pour faire échec aux tentations aventuristes.
Notes IRAN-RESIST | Bayrou annonce la couleur, sous sa présidence, les mollahs et leurs lobbyistes auront les mains libres en France pour continuer le Jeu de rôle (réformateurs-conservateurs). Le régime pourra se permettre toutes les provocations car la France ne fera rien qui puisse affaiblir les supposés modérés. Le candidat centriste fait démagogiquement confiance au peuple américain et l’on se demande pourquoi ne fait-il pas confiance au peuple iranien et pourquoi le soupçonne-t-il de soutenir le régime des mollahs ? Bayrou s’écarte de ses propres principes humanistes en suivant la ligne directrice du Quai d’Orsay.
Ségolène Royal | J’ai été la première, en France, à prendre une position très ferme sur le dossier iranien. Nous devons impérativement obtenir de l’Iran l’arrêt de l’enrichissement d’uranium et la reprise des inspections de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique). L’accès de l’Iran au nucléaire militaire déstabiliserait la région. Pour autant, je refuse toute initiative unilatérale. Les pressions sur l’Iran doivent s’exercer par l’intermédiaire de résolutions du Conseil de sécurité et l’action du groupe 5+1. L’Iran doit entendre la voix de la raison et comprendre qu’il ne pourra jouer dans cette région le rôle auquel la géographie et l’histoire lui permettent de prétendre que s’il respecte la légalité internationale.
Notes IRAN-RESIST | La candidate socialiste refuse d’appliquer des sanctions économiques efficaces contre le régime des mollahs, c’est pourquoi comme les 2 autres, elle insiste sur la nécessité de rester dans le cadre des résolutions du Conseil de Sécurité sans évidemment signaler la nature peu réaliste des sanctions décidées par les 5+1 qui sont composés des 5 plus importants partenaires commerciaux de Téhéran. Elle fait également des clins d’œil aux mollahs en leur promettant un rôle régional sans souligner le lien entre eux et le Hezbollah.
Nicolas Sarkozy | Je suis convaincu qu’une solution diplomatique est possible si la communauté internationale reste ferme sur ses principes et dans ses demandes. Un nouveau conflit aurait des conséquences très graves pour la région. L’accès de l’Iran à l’arme nucléaire est inacceptable, mais le règlement de la crise avec l’Iran doit être recherché par la négociation et dans un cadre multilatéral. La France doit agir pour que la communauté internationale reste unie, comme elle l’a été en adoptant à l’unanimité les résolutions 1737 et 1747.
Notes IRAN-RESIST | Nicolas Sarkozy est plus didactique que les deux autres et sans doute, ses conseillers sont parmi nos lecteurs, car le candidat de l’UMP est le seul à évoquer des négociations multilatérales, refusant du même coup le principe d’un règlement bilatéral entre les Etats-Unis et l’Iran sans la participation de la France. En ce sens, on peut se féliciter d’une réinterprétation nouvelle de la doctrine Française.
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Le Monde | Etes-vous favorable, au cas où l’Iran continuerait à refuser de se conformer aux demandes de l’ONU et de l’AIEA, à ce que les grandes puissances mettent en place un embargo sur les ventes de produits pétroliers raffinés à l’Iran ? Accepteriez-vous l’idée de sanctions adoptées en dehors du cadre de l’ONU, sur la base d’une « coalition de pays volontaires » ?
Notes IRAN-RESIST | Cette question est déjà plus pragmatique que la première et c’est là que les 3 candidats montrent leur incapacité totale à innover par rapport à l’ère Chirac qui fut marquée par l’échec visible de la Troïka et ses procédures de réexamens sans fin et de nouveaux délais de réflexion accordés sans cesse aux mollahs.
François Bayrou | Il ne faut pas sous-estimer la dépendance de l’économie iranienne par rapport à l’Occident. La politique d’Ahmadinejad a échoué et c’est ce qui explique ses provocations répétées. Les principaux responsables de l’économie iranienne sont, pour cette raison, soucieux d’éviter des mesures de rétorsion américaines et européennes, dans le secteur financier autant que dans le secteur pétrolier. Je crois donc qu’il faut procéder à un examen précis de tous les instruments de pression économiques dont nous disposons. Le pire serait que la communauté internationale se divise sur une querelle théologique sur le droit d’ingérence. Nous devons être assez déterminés pour faire plier l’Iran et assez intelligents pour ne pas nous opposer frontalement à la Chine et à la Russie.
Notes IRAN-RESIST | Le candidat centriste semble avoir oublié que l’échec de la Troïka n’est pas dû à Ahmadinejad mais à Khatami le modéré. Il se répète et se répètera pendant 5 ans. Comme les deux autres, il n’a pas capté que le bras de fer nucléaire est un moyen pour ce régime d’obtenir des garanties régionales de sécurité susceptibles de renforcer son rôle au Liban (via le Hezbollah). Bayrou reste prisonnier de sa rhétorique sur les supposées divisions interne du régime (Sarkozy en parle également dans ses interventions).
Chacun espère exploiter ces « divisions » pour trouver une solution à cette crise aux enjeux géostratégiques. Quant à la méthode, c’est la méthode lente, multiplication des procédures, des conférences, refus de toute confrontation, très Troïka… Refus du droit d’ingérence et silence très pudique sur les intérêts français en Iran : du Pur Quai d’Orsay.
Ségolène Royal | Si l’Iran persiste à ne pas se conformer à ses obligations, nous devrons monter d’un cran dans les sanctions. Mais je n’accepte pas l’idée de « coalition de pays volontaires » qui a été utilisée par l’administration américaine lors de l’intervention en Irak, avec les résultats que l’on sait.
Notes IRAN-RESIST | Ségolène Royal confond l’invasion de l’Irak et les sanctions économiques. C’est accablant.
Nicolas Sarkozy | Si l’Iran continue à ne pas respecter les résolutions du Conseil de sécurité, il faudra aller plus loin dans les sanctions pour faire comprendre au régime que nous n’acceptons pas le fait accompli d’un Iran nucléaire. Dans ce cas, nous rechercherons en priorité l’unité du Conseil de sécurité sur de nouvelles mesures. Rien n’est exclu, a priori, ce qui compte, c’est l’efficacité. S’agissant de sanctions en dehors du Conseil de sécurité, ce n’est pas un problème de principe. Mais il est, bien sûr, préférable d’avoir une résolution de l’ONU.
Notes IRAN-RESIST | « Nous rechercherons en priorité l’unité du Conseil de sécurité sur de nouvelles mesures » : méthode lente, recherche de l’unité, impossibilité d’adopter de nouvelles sanctions réellement efficaces. Comme précédemment, NS est celui qui s’exprime le mieux : ça a l’air moins rigide, mais il reste fidèle à une démarche onusienne et évidemment silencieux sur les intérêts français en Iran. C’est la méthode Sarkozy : Faire des phrases courtes et efficaces, mais face aux mollahs ce sera bien insuffisant.
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Le Monde | Seriez-vous d’accord pour que l’Iran soit autorisé à mener sur son territoire, et sous contrôle étroit de l’AIEA, des activités de recherche et développement dans le domaine de l’enrichissement d’uranium comme compromis éventuel pour sortir de l’impasse diplomatique ?
François Bayrou | Il serait à la fois illusoire et inéquitable d’interdire à l’Iran l’accès au nucléaire civil. Le traité de non-prolifération ne proscrit pas formellement les activités d’enrichissement, sous réserve qu’elles ne débouchent pas sur la fabrication d’armes nucléaires. Tout le problème est dans l’efficacité du contrôle, et les Iraniens ne nous ont pas habitués à beaucoup de bonne foi en ce domaine. Toute la question est donc de savoir ce que pourrait être un « contrôle étroit ». Nous ne pouvons pas cautionner un simple habillage juridique de la marche iranienne au nucléaire militaire.
Notes IRAN-RESIST | Enfin un peu de fermeté.
Ségolène Royal | La question est aujourd’hui que l’Iran arrête son processus d’enrichissement sans contrôle. C’est seulement ainsi que la confiance indispensable à la bonne application du traité de non-prolifération pourra revenir. Et je redis que la meilleure solution me paraît être la proposition faite par la Russie de fournir l’uranium enrichi à l’Iran, ce qui écarterait le risque de prolifération, tout en permettant à ce pays d’accéder à l’électricité d’origine nucléaire.
Notes IRAN-RESIST | « Sans contrôle » : Est-ce une faute de frappe (sous ? contrôle) ou une nouvelle bourde de Mme. Royal ? Malheureusement, elle n’a aucune connaissance géopolitique et elle préconise la Proposition Russe qui est loin d’être sans risque. De plus cette solution pousse l’Iran dans la zone de l’influence de la Russie et permet à cette dernière de contrôler l’Asie Centrale avec l’aide des mollahs.
Nicolas Sarkozy | Ce programme d’enrichissement iranien est dangereux car il n’a pas d’utilisation pacifique identifiable. Le Conseil de sécurité a donc exigé de l’Iran qu’il suspende y compris ce qu’il appelle ses « activités de recherche et développement ». Téhéran doit coopérer sans réserve avec l’AIEA, pour faire toute la lumière sur des années d’activités clandestines. La communauté internationale a fait des propositions ambitieuses, en particulier la possibilité pour l’Iran de développer un programme nucléaire clairement civil. Mais pour cela, l’Iran doit démontrer ses intentions pacifiques.
Notes IRAN-RESIST | Efficace et neutre.
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Notre verdict
Les intérêts de la France en Iran demeurent inchangés et donc ses options restent limitées, les trois candidats s’adaptent à ces contraintes. Tant que ces intérêts seront privilégiés à la nécessité d’un Moyen-Orient stable et d’un Iran libre et neutre, avec les meilleures volontés des 3 réunis, la crise continuera et même s’amplifiera, surtout quand les mollahs auront recours au terrorisme pour contraindre les Français à composer avec eux.
En refusant d’assumer l’existence des intérêts français en Iran ou en refusant d’aborder le caractère terroriste du régime, les candidats se montrent incapables de résoudre cette crise et ses évolutions. Notre verdict est que ces candidats ne sont pas à la hauteur à cette crise, surtout en cas de confrontation terroriste avec la république islamique d’Iran.
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