19.3.07

LA SYRIE PREPARE LA GUERRE



GOLAN 1967 (MENA)
Posté le Dimanche 18 mars 2007 par Sittingbull

Par Jean Tsadik
“La Syrie poursuit ses préparatifs militaires et s’apprête à la guerre”, a récemment déclaré le général Amos Yadlin, chef des renseignements militaires israéliens, à son gouvernement.

Cette mise en garde survient alors que Béchar El-Assad, encouragé par les leçons de la dernière guerre du Liban et par ses mentors iraniens, se lance dans des provocations débridées contre le molosse sophistiqué que constitue l’armée israélienne.

Damas mobilise. Damas déploie, par milliers, le long de la ligne d’armistice dans le Golan, des roquettes de 220 millimètres, et des plus grosses, de 302 millimètres. Les premières sont destinées à Kiriat-Shmona, Métula, Rosh-Pina, Tzfat et Tibériade. Les secondes à Haïfa, ses industries pétrochimiques, son port, à Afula, Hadéra, etc.

Pour les protéger des attaques de l’aviation et de l’artillerie de Tsahal, les Syriens et leurs conseillers perses sont en plein travail, en train de construire une ligne de fortifications et de tunnels souterrains, ressemblant à s’y méprendre au dispositif qu’avait établi le Hezbollah avant la guerre de l’été dernier.

A une quarantaine de kilomètres de Damas, l’état-major syrien a disposé des dizaines de rampes de lancement des roquettes sol-sol désuètes FROG. Démodées certes, mais porteuses de charges explosives importantes, de l’ordre de 500 kilos. Située juste au-delà de la zone de portée de l’artillerie israéliennes, la zone FROG est destinée à protéger les ouvrages et les troupes des termitières du Golan contre une action de l’infanterie israélienne.

C’est plus loin, beaucoup plus loin, au nord de la Syrie, que l’on trouve les grands complexes de fabrication d’armes de destruction massive (ADM) ainsi que les Scuds améliorés, capables de transporter leurs charges chimiques et bactériologiques vers n’importe quelle portion du territoire israélien.

On considérera, tactiquement parlant, qu’Assad dispose d’une quatrième ligne de défense, que lui procure l’allié iranien et ses missiles balistiques Shihab. Les accords de défense réciproque allant dans ce sens on été complétés et élargis entre Damas et Téhéran au début de ce mois en Syrie.

Au niveau du sol, l’Axe du mal a équipé des dizaines de milliers de “commandos Kornet”, des hommes porteurs des missiles antichars russes du même nom, qui constituent probablement la meilleure arme individuelle antitank du moment. Poutine avait assuré son homologue israélien Olmert que la Russie n’avait pas livré des armes de ce type à la Syrie, les renseignements de l’armée israélienne ont prouvé au président russe qu’il mentait. Cela avait donné lieu à un show de la part du Kremlin, qui fit mine d’admonester les responsables de ce business mais, non seulement cette pitrerie fut de courte durée, encore la Russie a-t-elle signé, depuis, un contrat gigantesque d’un milliard de dollars avec Damas, entièrement financé par les pétrodollars des ayatollahs, pour l’approvisionnement des mêmes armes.

De plus, la Russie livre aux mêmes clients des systèmes de missiles sol-air dernier cri, dont les Iraniens ont présenté les prouesses à l’entraînement, en février, aux télévisions occidentales.

Et c’est dans cet environnement pour le moins tendu, que le chef de la diplomatie du l’Union Européenne, Javier Solana, s’est rendu à Damas et a cru bon d’y affirmer, mercredi lors d’une conférence de presse organisée par son homologue syrien Oualid Muallem, “nous désirons travailler autant que possible pour voir votre pays, la Syrie, récupérer les territoires occupés en 1967″. Pour être sûr d’avoir été bien compris, Solana a souligné le même message une seconde fois : “J’aimerais le répéter, ceci est la façon dont nous considérons le processus de paix.”.

Il est difficile de considérer que Solana, si ce n’est l’UE dans son entier, n’a pas ainsi encouragé Al-Assad à poursuivre son escalade militaire. Ou alors, le ministre des Affaires Etrangères est très mal renseigné. Ou encore, il n’est pas très futé et il est tombé dans un piège protocolaire tendu par les Syriens. En tous cas, il a délivré le plus mauvais message possible au plus mauvais moment possible. C’est ce qu’on remarque à Beyrouth et à Jérusalem : ce n’est pas le message que l’Europe était censée faire entendre aux oreilles du dictateur syrien. Le message qu’on attendait au Liban, c’était : “cessez d’essayer de renverser la fragile démocratie qui s’est instaurée au pays des cèdres”. Et à Jérusalem : “cessez de soutenir le terrorisme palestinien, le Hezbollah, et éloignez-vous de l’Iran !”.

Evidemment, par un acte de ce genre, Javier Solana a hypothéqué les chances de voir, à terme, l’Europe jouer un rôle majeur dans la résolution du conflit israélo-arabe, et c’est regrettable. Pendant ce temps, Villepin, à un peu plus d’un mois de sa retraite anticipée, proposait à New York un “plan de paix” pour le Proche-Orient, indiquant l’urgence de déclarer un Etat palestinien et d’envoyer une force armée d’interposition “pour rassurer Israël”. Chirac aura donc professé la “théorie du porte-avions” d’Arafat jusqu’à la dernière minute de son règne. Il s’agit de la seule théorie qui aurait pu effectivement menacer la survie d’Israël sur son flanc Est et vérifier l’axiome de la parenthèse qui a constitué le pilier de la politique moyen-orientale de la France durant les années Chirac.

Mais laissons l’Europe à sa place, attendons les changements politiques qui s’annoncent et remarquons que l’UE ne s’exprime ni ne se conduit relativement à nos problèmes de manière homogène. L’Allemagne, pour ne parler que d’elle, coopère de manière satisfaisante, par son contingent auprès de la FINUL, avec l’armée israélienne. Berlin partage, entre autres, la compréhension évidente de ce que la présence des forces de l’ONU ne sert à presque rien si ces dernières ne mettent pas un terme au trafic d’armes entre la Syrie et les terroristes agissant depuis le Liban. Faute de contrôler la frontière syrienne, la résolution 1701 demeure à l’état de brouillon, et la pérennité de la démocratie libanaise ne peut être assurée.

En Israël, l’armée s’est mise très sérieusement à l’entraînement, sous l’impulsion de son nouveau chef d’état-major, le général Gaby Ashkenazy. Cela va de manœuvres hautement sophistiquées, comme l’exercice israélo-américain de cette fin de semaine, qui avait pour but de vérifier le niveau de préparation et de riposte dans le cas d’une attaque d’ADM en provenance d’Iran, à des exercices de la défense civile. D’après la radio nationale, dans quelques jours va avoir lieu un exercice majeur, mettant en œuvre toutes les forces de sauvetage et de maintien de l’ordre du pays.

De plus, les unités de Miluym (réservistes), qui avaient été surprises en juillet et qui ne s’étaient pas entraînées depuis longtemps (parfois plusieurs années), ont repassé leurs uniformes. On les voit, en nombre, s’exercer à la guerre, sur les routes, dans les campagnes et dans le ciel d’Israël. Nul doute, Israël, cette fois, ne sera pas prise par surprise.

A la Ména, nous partageons globalement les hypothèses dégagées (et publiées) par l’état-major de l’armée, particulièrement celle qui veut que, si la Syrie prend l’initiative d’un conflit, il s’agira d’un conflit limité et non d’une guerre totale. Peut-être d’une guerre d’usure, durant laquelle les deux Etats échangeraient un certain nombre de roquettes sporadiquement.

Ce qui nous permet d’adopter cette hypothèse, c’est le fait que tout, dans le dispositif syrien en construction, pointe vers une localisation de l’effort militaire, dont un enterrement des moyens. Les moyens à disposition d’Assad ne lui permettent pas une guerre de mouvement, il manque de chars et ne dispose pas d’une aviation en état de se mesurer à la Khel Avir. Ses commandos Kornet pourraient se livrer à des attaques contre les positions israéliennes du Golan, sous la protection relative des FROG et des nouveaux missiles antiaériens russes. S’ils poursuivaient une hypothétique avance, ces commandos se retrouveraient rapidement démunis de toute protection et deviendraient de la chair à canon pour Tsahal et son aviation.

Avec quoi rime alors l’effort de guerre syrien ? Quels peuvent être ses objectifs ?

- Une hypothèse, la plus courue, est celle d’une attaque limitée en vue de récupérer militairement – même temporairement - une partie du Golan et d’infliger des dégâts aux villes israéliennes.

Cela aurait pour effet escompté de s’extraire – avec l’aide de personnalités comme Solana, cela ne paraît pas très compliqué ! – de la spirale judiciaire suivant l’assassinat de Rafic Hariri par les Al-Assad. Mieux vaut, pour Damas, parler de “ses droits sur le Golan” que d’une condamnation des dignitaires de son régime par un tribunal international.

De plus, une action militaire sur le Golan permettrait à l’Axe du mal de s’affirmer face aux masses arabo-musulmanes comme le dépositaire actif de la vision traditionnelle de l’opposition armée à la paix avec Israël et avec l’Occident. Cela renforcerait également l’autorité de l’Axe au Liban, et de ses supplétifs du Hezbollah.

- L’autre hypothèse consiste à servir de force de dissuasion contre Israël, dans l’optique d’un assaut d’Israël contre les infrastructures nucléaires en Iran.

En bénéficiant d’un dispositif stratégiquement crédible dans le Golan, l’Axe pourrait “réagir militairement” à une entreprise de l’Etat hébreu contre l’Iran. Il pourrait infliger “des dégâts” aux cité israéliennes et, au moins, ne pas perdre la face vis-à-vis des musulmans sans risquer un bombardement nucléaire de la part de Jérusalem.

Dans tous les postulats, ce qui préoccupe Tsahal, c’est comment annihiler les commandos Kornet ; comment organiser une campagne militaire, en profondeur, contre la Syrie ; que faire du régime népotique des Al-Assad en cas d’agression de leur part ; comment neutraliser à temps les roquettes pointées sur Haïfa et Kiriat Shmona, et, surtout, comment neutraliser les sites de Scud du Nord et l’industrie d’ADM au milieu de laquelle ils sont situés.

Ces objectifs ne sont pas hors de portée des compétences de l’armée israélienne, loin s’en faut. Si la préparation au conflit de la Syrie devait dépasser certaines lignes rouges, on assisterait probablement à une guerre préventive menée par Israël. Car, comme le soulignent les officiers de l’état-major de Tsahal, ils disposent d’une supériorité tactique sur les hommes d’Assad dans la quasi-totalité des domaines militaires : sophistication, nucléaire, aviation, missiles, artillerie, chars, puissance de feu, composante humaine…

C’est encore sans comptabiliser l’extraordinaire supériorité scientifique et industrielle d’Israël sur son voisin syrien. Béchar Al-Assad dépend, pour son approvisionnement en armes, presque exclusivement de l’étranger. Il perçoit certains équipements modernes mais d’autres également, dont la place naturelle se trouve dans les Musées de la Guerre. Les Hébreux, pour leur part, rivalisent technologiquement avec le principal pourvoyeur du dictateur-oculiste et s’occupent prestement d’équiper leurs véhicules blindés des solutions qui les protègent des missiles de Poutine.

Bref, si les Iraniens et les Syriens sont en passe de construire une menace stratégique contre Israël, cette dernière dispose amplement de quoi la déjouer, s’agissant d’une menace hybride, limitée et manquant de presque tout ce qui est nécessaire afin de soutenir un conflit contre une puissance de la taille militaire de l’Etat hébreu. De plus, dans tous ses calculs de probabilités, Al-Assad manque d’intégrer un paramètre capital : durant la guerre du Liban, de laquelle il s’inspire, Tsahal faisait face à une organisation de guérilla, ne disposant pas de bases visibles, de véhicules lourds, d’infrastructures propres et de bâti militaire. Le cas est fort différent en Syrie. Faute de le saisir, Assad risque de perdre toute son armée en quelques heures de combat. Ensuite, ce seront ses routes, ses aéroports, son port maritime et sa maigre industrie pétrolière qui y passeraient.

Les périodes à risque d’une tension qui ne cesse cependant de se former : mai à octobre de cette année. Avec un plus grand risque pour que l’abcès éclate en 2008.


TEXTE REPRIS DU SITE EXTREME CENTRE