5.2.07

INTERVIEW DE DANIEL PIPES

Daniel Pipes interviewé par resiliencetv
Par Iris Canderson le 05/02/2007

Daniel Pipes est sans doute l'intellectuel le plus captivant de sa génération tant ses analyses fouillées et percutantes sur l'islam radical et la situation géostratégique mondiale tranchent avec la désinformation et l'idéologie paresseuse qui nous sont servies désormais comme mamelles de substitution depuis que la pensée émancipatrice et l'idéal du journalisme soucieux de vérité ont déserté la France, cela fait maintenant plusieurs décennies. Daniel Pipes est ainsi devenu une espèce d'air frais qui passe à travers nos barreaux de prison médiatiques que nous avons nous-mêmes mentalement instaurés (syndrome de Stockolm encore une fois).

Resiliencetv : Ne pensez-vous pas que la présence de Jane Fonda à la manifestation contre la présence des troupes américaines en Irak renforce les islamistes ? Elle aurait pu plutôt défiler devant les ambassades d’Iran et de Syrie si elle voulait vraiment la paix...

Daniel Pipes : Sans aucun doute, une telle action sape l'effort de guerre de son propre pays et ne peut qu'aider l'ennemi. La dernière fois que Jane Fonda l'a fait, elle a contribué à la défaite des USA au Vietnam. Elle aurait mieux dû en effet, comme vous le suggérez, aller protester devant les ambassades de Syrie ou d'Iran.

(Unquestionably, those who work against their country’s war effort help the enemy. When Fonda did this last time she participated in the defeat of the United States in Vietnam. She would, as you suggest, do much better protesting the Iranian or Syrian embassies).

Resiliencetv : Plus généralement, ne croyez-vous pas que la génération de Jane Fonda a échoué à faire du monde un endroit plus agréable puisque sa conception multiculturaliste et hypercritique n’a fait qu’accroître les divisions et fragiliser la démocratie comme on le voit aujourd’hui au Royaume Uni et en Hollande ?
Daniel Pipes : Comme je l'ai défendu lors de mon débat avec le maire de Londres, Ken Livinstone, le mois dernier, faire en sorte que le monde devienne de plus en plus un endroit où il fasse bon vivre passe nécessairement par la défaite de l'islam radical, ce qui implique qu'il ne prospère pas grâce à un multiculturalisme de plus en plus conciliant.(As I argued in my debate with London mayor Ken Livinstone last month, the way to making the world a better place is by defeating radical Islam, not by establishing a “get-along multiculturalism.”)

Resiliencetv : N’y-a-t-il pas un vaste recyclage de l’idéologie tiersmondiste dans un millénarisme catastrophiste qui se sert par ailleurs de l'islam radical comme ultime arme pour détruire le mode de vie démocratique ?
Daniel Pipes : oui, et comme l'a écrit l'écrivain iranien Azar Nafisi dans La Nouvelle république (en février 2003), l'islam radical " est en réalité un phénomène moderne, de la même mouture que le fascisme et le communisme qui sont nés et ont grandi également en Occident.On peut même dire qu'il s'en inspire puisqu'il en endosse désormais autant les buts, les aspirations, que les pires formes d'endoctrinement et de dogmatisme que le marxisme a emprunté au religieux. Les principaux leaders de l'islam radical sont ainsi tout autant influencés par Lénine, Sartre, Staline, Fanon, qu'ils le sont par leur Prophète ".

(Yes, as the Iranian author Azar Nafisi wrote in The New Republic in February 2003, radical Islam “is a modern phenomenon, in the same way that fascism and communism, both products of the West, are modern. It takes its language, goals, and aspirations as much from the crassest forms of Marxism as it does from religion. Its leaders are as influenced by Lenin, Sartre, Stalin, and Fanon as they are by the Prophet.”)

Resiliencetv : La montée de l'islamisme radical n'est--elle pas également liée au fait que le mode de vie démocratique est en crise ? N'est-il pas en effet incapable de prendre en compte la présence exacerbée de l’image, la création d’un second monde, celui des médias, ce qui accentue la solitude et l’absence de réflexions sur les fins, laissées alors aux extrémistes? En un mot, le mode de vie démocratique n’est-il pas en fin de compte victime de son succès ? Peut-être parce qu’il n’arrive pas encore à trouver la forme politique la plus adéquate à ses transformations actuelles ?
Daniel Pipes : La grande faiblesse de l'Occident, comme Jean-François Revel l'a déjà indiqué, quelques dizaines années auparavant, consiste en cette haine de soi qui va jusqu'à rejetter les fondations philosophiques, économiques, et politiques qui ont permis l'émergence de la civilisation occidentale. Espérons que les porteurs d'une telle haine soient isolés et neutralisés, même s' il est à craindre qu'un tel confinement reste toujours provisoire.
(The great weakness of the West, as Jean-François Revel pointed out decades ago, are those elements which hate the philosophical, economic, and political foundations of their own countries. One can only hope that this element will eventually be isolated and ignored, but this is by no means assured).

Resiliencetv : Pensez-vous qu’il faille vraiment empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire ? Ne vaudrait-il pas mieux attendre qu’il le possède pour mieux pouvoir le dénoncer ?
Daniel Pipes : J'espère que le peuple iranien empêchera Mahmoud Ahmadinejad d'activer son programme nucléaire. Si ce n'est pas le cas, le rôle des forces armées américaines y remédiera.
(I have some hope that his fellow Iranians will stop Mahmoud Ahmadinejad from proceeding with his nuclear program. If not, then it is up to the U.S. military forces to do this).
Resiliencetv : Croyez-vous que les Palestiniens veulent vraiment un Etat qui vivrait en bon voisinage avec Israël ?
Daniel Pipes : 20% des Palestiniens semblent le vouloir, mais 80% pas du tout. Au contraire même puisque cette vaste majorité persiste à désirer ouvertement la destruction d'Israël.
(Some 20 percent of Palestinians want this but 80 percent do not. Instead, this large majority consistently and overtly makes clear its intention to eliminate Israël).

Resiliencetv : Quel est votre philosophe préféré ?
Daniel Pipes : Karl Popper.

Resiliencetv : Vous intéressez-vous à la campagne présidentielle française ? Et si oui qu’en pensez-vous ?
Daniel Pipes : Oui, je la suis de temps à autre. Et ce qui m'a le plus impressionné, en particulier s'agissant de sujets qui me tiennent le plus à coeur (politique étrangère, action des musulmans en France), c'est bien la façon dont la plupart des leaders politiques s'ingénient à s'éloigner subrepticement de l'approche chiraquienne.
(Yes, I follow it from a distance. What most impresses me is how on the issues I most intensely deal with (foreign policy, Muslims in France), both leading candidates have distanced themselves from Jacques Chirac’s approach).
TEXTE REPRIS DU SITE RESILIENCE