21.3.06

INTERDIRE L'ISLAM

Interdire l’islam légalement
Posté le Mardi 21 mars 2006
Beaucoup d’internautes s’offusquent de l’idée d’une interdiction de l’islam. Ils n’y voient pas très clair et cela, pour plusieurs raisons.
Que signifie “interdire l’islam” ? S’agit-il de prohiber la pratique publique de l’islam ? La construction d’édifices islamiques ? La diffusion des textes canoniques ? Les prêches musulmans ? Et au nom de quoi ?
Pour les besoins de la démonstration, je vais m’appuyer sur des principes très basiques. Les savants m’en excuseront.
Un interdit est techniquement une décision visant à exclure. Or, il se trouve que le corpus des Droits de l’Homme protège, au moins en apparence, la pratique religieuse, quelle qu’elle soit, de l’exclusion sociale, juridique, politique, etc. Donc, bien que l’islam en fasse un usage systématique pour progresser dans nos sociétés et que son projet officel d’instauration de la Shari’a soit politique et irreversible, il parait bien à l’abri au sein même de la civilisation qu’il est déterminé à remplacer.
Et bien non ! Contrairement à une idée trop largement répandue, les Droits de l’Homme ne garantissent pas de mannière absolue l’instauration de l’islam. En Europe, l’instance suprême qui garantit l’applicaiton des Droits de l’Homme, la Cour Européenne du même nom siègeant à Strasbourg (CEDH), a décidé qu’on pouvait interdire l’islam politique.
Par un arrêt fondamental du 31 juillet 2001 (confirmé en février 2003), la CEDH a en effet estimé que l’instauration de la shari’a n’était pas compatible avec les valeurs prônées par la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
Il s’agissait pour la Cour de juger si le gouvernement turc avait le droit de dissoudre (donc d’interdire) un parti islamique turc, le Refah, en raison des valeurs prônées par ce parti, en pratique celles de la Shari’a.
La Cour a validé la dissolution du Refah au nom des Droits de l’Homme d’Europe.
Ce qui siginifie que les dispositions de la loi islamique concernant notamment les libertés publiques, les règles de droit pénal, la place des femmes dans l’ordre juridique, les interventions dans les domaines de la vie privée et publique ont donc déjà été jugées contraires à la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Intéressant non ?
Il existe donc un précédent historique, revêtu de l’autorité de la chose jugée, pour interdire ou exclure, la pratique de l’islam politique. Voilà pour les fondements du débat juridique.
Partant de là et cherchant des références à l’interdit dans le domaine religieux, je suis assez naturellement tombé sur le droit canon que je vais tenter de transposer à un univers laïc, gouverné par les Droits de l’Homme.
En droit canonique, l’interdit est une sanction de type pénal toujours en vigueur. “Jeter l’interdit”, c’est condamner à une excommunication adoucie (canon 1332 du Codex iuris canonici de 1983).
Sont toujours passibles d’interdit latæ sententiæ — c’est-à-dire du fait même de la commission du délit :
• la violence contre un évêque ;• la célébration de l’eucharistie ou du sacrement de pénitence par une personne qui n’en a pas le pouvoir ;• la fausse dénonciation d’un confesseur (can. 1390) ;• le mariage (même civil) d’un religieux (de vœux perpétuels) non-clerc (can. 1394-2).
Transposé à une logique laïque, on trouve:
- la violence contre l’autorité publique, en actes ou en paroles, consommés ou tentés.
- l’usurpation de pouvoir, comme la pratique des jugements clandestins dans les mosquées (dont, on l’oublie trop souvent, c’est l’une des attributions officielles), ou la levée d’impôts clandestine (la fameuse zakat « aumône », dont l’assiette est en fait un revenu contrôlable et contrôlé).
- la hisba, droit de police religieuse attribué à chaque musulman et permettant à certains d’exercer la justice d’Allah, (comme l’assassinat de Théo Van Gogh), qu’on suppute dans la dénonciation calomnieuse.
- tout ce qui touche à la célébration des mariages : forcés, répudiés, polygamiques, de complaisance, etc.
L’interdit canonique peut encore être décrêté (”porté”) par le pape ou un évêque. Son essence est donc ici plus réglementaire que législative. Ce qui est assez conforme au système laïc en vigueur.
Aux termes du Canon 1332, l’interdit a pour effet, jusqu’à son absolution, la privation des biens et actes spirituels : interdiction de participer de quelque façon, en tant que ministre, à la célébration de toute cérémonie du culte et sacrements, interdiciton de recevoir les sacrements (ce qui peut aller jusqu’à l’interdit de sépulture en terre consacrée).
Transposé au monde laïc gérant l’islam, il s’agirait de l’interdiction de procéder aux cultes musulmans, notamment de toucher aux 5 piliers dans ce qu’ils ont d’illicite (profession de foi irreversible, et appels public aux prières quotidiennes, levée prohibée d’une taxe fiscale fut-elle religieuse, sacrifices d’animaux, pélerinages subventionés).
L’interdit canonique peut être local ou personnel.
L’interdit local s’applique à une commune, une ville, un quartier. Autrement dit, il correspond à une sorte d’état d’exception qui pourrait toucher un territoire déterminé un peu trop concentré en islam politique (type vivier à émeutes). Rien de bien nouveau donc, en droit laïc.
Quant à l’interdit personnel, il vise à la neutralisation d’un individu bien précis tout à fait comparable à une suspension ou interdiction de droits civiques, perte de la nationalité, expulsion, etc.
Que nous enseigne ce petit détour historique ? D’une part qu’au nom des Droits de l’Homme, au sens positif, c’est-à-dire applicable du terme, on peut interdire l’islam politique. D’autre part, qu’on peut tout à fait envisager des mesures de contraintes multiples pour préserver l’ordre démocratique en puisant par exemple dans un modèle juridique religieux qui a été, au cours des temps, totalement laïcisé et dont nous n’avons relevé ici que quelques éléments très fragmentaires.