Révélation exclusive ! L’arme secrète du lobby pro-israélien
L'auteur de ce pamphlet n'y va pas avec le dos de la cuillère. D'un ton sarcastique, ill fustige, à juste titre, « le déclin des valeurs académiques et le détournement des titres universitaires par certains pseudo intellectuels américains contemporains. » Il leur reproche de propager le sophisme suivant: «l’investissement stratégique de l’Amérique dans cette région résulte presque entièrement de considérations de politique intérieure, et plus spécialement de l’activité du "lobby israélien" ». Et l'auteur de se scandaliser (et nous avec lui) de l'argument débile auquel ont recours les auteurs de ce rapport pour l'accréditer: « Et comment ce lobby réussit-il tout ça ? Au moyen de sa super arme secrète, "l’accusation d’antisémitisme". » Voici un puissant antidote de la désinformation partisane qui mêle sans cesse ses eaux saumâtres aux sources de l'information. A utiliser et recommander sans retenue. (Menahem Macina).
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Haaretz, 16 mars 2006
Du blog de Shmuel Rosner, correspondant du Haaretz à Washington.
Texte original anglais : Exclusive !!! The secret weapon of the pro-Israeli lobby
Traduction française : Jean Terreneuve, pour debriefing.org.
L’étude récemment parue sur « le lobby israélien et la politique étrangère des États-Unis » [1] pose au commentateur un dilemme intéressant. Faut-il l’ignorer, étant donné qu’elle est biaisée, partiale, stupide, répétitive et, par-dessus tout, qu’elle n’apporte rien de nouveau, ou faut-il en parler, sachant que les labels universitaires, Harvard, University of Chicago, JFK School of Government, la feront de toute façon accepter, et même apprécier, par beaucoup ?
En bref : Est-il besoin d’aller farfouiller dans les poubelles de l’Université ?
J’ai décidé de m’exprimer, et peut-être ai-je tort. Mais je peux quand même conseiller aux autres de l’ignorer, ou encore de s’en servir pour illustrer un sujet plus intéressant, « le déclin des valeurs académiques et le détournement des titres universitaires par certains pseudo intellectuels américains contemporains. »
Jetons donc un coup d’œil sur son argument : « L’intérêt national des États-Unis devrait être le but premier de la politique étrangère américaine. Cependant, depuis plusieurs décennies, et en particulier depuis la guerre des Six Jours, en 1967, le pivot de la stratégie américaine au Moyen-Orient a été le partenariat avec Israël. »
Vous saisissez ? Nixon, Ford, Carter, Reagan, Bush I, Clinton et Bush II ont tous sacrifié l’intérêt national des États-Unis à Israël. Et savez-vous pourquoi ? En voici l’explication savante : « On pourrait penser que le lien entre les deux pays repose sur des intérêts stratégiques communs ou des obligations morales. Cependant, comme nous le démontrons ci-après, aucune de ces raisons ne suffit à expliquer le niveau remarquable du soutien matériel et diplomatique apporté à Israël par les États-Unis. Au lieu de cela, l’investissement stratégique de l’Amérique dans cette région résulte presque entièrement de considérations de politique intérieure, et plus spécialement de l’activité du "lobby israélien". »
Oh, cela semble effrayant. Et comment ce lobby réussit-il tout ça ? Au moyen de sa super arme secrète, "l’accusation d’antisémitisme".
Et ainsi de suite, de citations d’articles de presse en faits et chiffres réchauffés. Vous vous souvenez de ces néo-conservateurs juifs qui ont entraîné les États-Unis dans la guerre d’Iraq ? C’est maintenant scientifiquement prouvé.
Voulez-vous savoir ce qu’il y a derrière l’affaire iranienne ? « On pourrait soutenir qu’Israël et le lobby ont peu d’influence sur la politique américaine envers l’Iran, car les États-Unis ont leurs propres raisons d’empêcher l’Iran de devenir une puissance nucléaire. C’est vrai en partie, mais les ambitions nucléaires de l’Iran ne représentent pas pour les États-Unis une menace existentielle. Si l’Amérique a pu vivre avec une Union soviétique nucléaire, une Chine nucléaire et même une Corée du Nord nucléaire, alors elle doit pouvoir s’accommoder d’un Iran nucléaire. »
Ben oui. Elle aurait pu aussi bien s’accommoder de l’Allemagne nazie, s’il n’y avait eu tous ses alliés européens pour l’entraîner dans une "guerre inutile".
Les auteurs de cette étude font allègrement l’impasse sur le danger de prolifération, comme s’il était inexistant. Ils n’y font allusion - asseyez-vous bien - qu’à propos d’Israël : « les efforts pour limiter la prolifération nucléaire apparaissent tout autant hypocrites, puisqu’ils acceptent volontiers l’arsenal nucléaire israélien. » Oubliés le terrorisme, le 11 septembre, [le risque de] l’introduction d’une bombe en contrebande, les liens de l’Iran avec les organisations terroristes.
« Même si Israël a pu représenter un enjeu stratégique du temps de la guerre froide, affirment nos auteurs, la guerre du Golfe [de 1991] a montré qu’Israël était devenu un fardeau stratégique. »
Mais attendez ! Israël n’a-t-il pas accepté de retenir ses armes et de ne pas réagir aux attaques iraqiennes pour ne pas gêner la formation d’une coalition anti-iraqienne autour des États-Unis ? Et n’avons-nous pas appris, il y a longtemps, que ce n’est qu’après être parvenue à la conclusion que l’Amérique ne pouvait se fier aux dictatures arabes instables, que l’administration Kennedy, qui inclinait plutôt vers les Arabes, a initié cette merveilleuse amitié avec Israël ?
Mais n’ergotons pas sur chaque petit détail de cet article. Cela prendrait inutilement beaucoup de temps, tant il est sûr que ses auteurs sont insensibles à l’argumentation. « Il se peut que les lecteurs rejettent nos conclusions », écrivent-ils. C’est assurément mon cas.
Ils affirment aussi s’appuyer "sur des preuves incontestables". Voici un excellent exemple de l’entourloupe que cache cet article. Des faits exacts, mais seulement ceux qui les arrangent, et présentés à leur façon. Comme le disait quelqu’un [2], « la vérité existe, seuls les mensonges sont inventés. »
Et le plus rageant dans cette affaire est l’hypocrisie. Vous n’aimez pas le lobby pro-israélien ? Très bien. Vous n’êtes pas les seuls. Vous pensez qu’il a trop d’influence ? Peut-être est-ce vrai. Vous estimez qu’il franchit parfois la frontière ténue qui sépare les intérêts des deux pays ? Il vaudrait mieux que vous présentiez quelques arguments solides, et pas seulement un florilège de citations de commentateurs et de politiciens par toujours au fait des sujets qu’ils abordent, mais soit, vous avez le droit de penser cela.
Mais, par pitié, ne faites pas semblant de n’avoir pour seule motivation que d’aider Israël, car votre nez risquerait de s’allonger démesurément.
« En empêchant les dirigeants américains de faire pression sur Israël pour faire la paix, dit l’article, le lobby empêche de mettre un terme au conflit avec les Palestiniens. » L’argument n’est pas nouveau, quoique, comme me le disait encore, cette semaine, Charles Krauthammer, il est vraiment étonnant, après [les accords de] Camp David, que des gens continuent à prétendre, de bonne foi, qu’Israël est responsable de l’effondrement du processus de paix.
Mais là n’est pas le plus important. La phrase qui m’a le plus mis en colère est celle-ci : « L’influence du lobby est mauvaise pour Israël. » Ah bon ! C’est donc cela qui vous inquiète tant, le sort d’Israël. Mais alors, pourquoi vous en préoccuper, puisque vous vous souciez exclusivement des intérêts américains ?
Shmuel Rosner
© Haaretz
Notes de la rédaction de debriefing.org
[1] Texte original : The Israel Lobby, John J. Mearsheimer [département de sciences politiques de l’Université de Chicago] et Stephen M. Walt [JFK School of Government de Harvard] ; résumé : London Review of Books. Corine Lesnes, correspondante du Monde aux États-Unis, en donne un compte-rendu complaisant sur son blog.
[2] Georges Braque (peintre français, 1882-1963).
Mis en ligne le 21 mars 2006, par M. Macina, sur le site upjf.org
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