VDH: les trois piliers de la sagesse
Posté le Dimanche 28 mai 2006
3 février 2006
Les Trois piliers de la Sagesse
Trouver nos marques dans cette vaste absurdité
par Victor Davis Hanson
National Review Online
Les relations publiques entre ce qu’on nomme l’Occident et le Moyen-Orient islamique ont atteint un niveau d’absurdité infâme. Le Hamas, dont la charte promet carrément la destruction d’Israël, n’est parvenu au pouvoir que grâce aux pressions d’inspirations américaines pour que se tiennent des élections libres, à l’occidentale, en Cisjordanie et à Gaza. On savait que ce ne serait pas un scrutin municipal de Nouvelle Angleterre, mais il y a quand même de quoi être surpris devant ce résultat digne d’un film de Quentin Tarentino.
Presque immédiatement, les nouveaux élus du Hamas, officiels autoproclamés, ont fait connaître une série d’exigences, notamment qu’Israël modifie son drapeau et que les Européens et les Américains continuent à donner à ses terroristes des centaines de millions de dollars au titre de « l’aide » ; etont réaffirmé qu’il n’y aurait aucune rétractation de leurs promesses quantà la destruction d’Israël.
Apparemment, l’Occident et Israël doivent non seulement donner au Hamas un certain répit (une « trêve»), mais en plus ils devraient le subventionner alors qu’il reprend son souffle avant de poursuivre la lutte pour l’annihilation de l’état juif.
Et cette folie se déroule dans le cadre d’un surréalisme bien plus grand. Le Tibet est absorbé par la Chine ; les forces turques se sont appropriées une bonne partie de l’île grecque de Chypre ; l’Allemagne d’aujourd’hui est plus petite de 10% que celle de 1945. Mais ce n’est qu’au Moyen-Orient que l’on parle de « territoires occupés », territoires qui résultent de la défaite militaire d’un agresseur.
Après la guerre de 1967, Bagdad, le Caire et d’autres villes arabes ont été purgées de plus d’un demi million de Juifs, délogés par la force; mais ce n’est qu’en Cisjordanie qu’on continue de trouver des réfugiés apatrides. Plus d’un million de gens furent massacrés au Rwanda, des milliers meurent chaque mois au Darfour : tout le monde roupille. Mais que moins de 60 personnes soient tuées à Jenin, produit d’une bataille régulière, et le globe se voit sermonné au sujet de « Jeningrad » - évoquant soudainement les 1.5 million de victimes de Leningrad et Stalingrad en tant que points de comparaison morale.
Maintenant, le monde islamique organise le boycott du Danemark parce qu’un de ses journaux a choisi de publier des dessins supposés avoir ridiculisé le prophète Mahomet. Nous sommes censés oublier qu’il est de rigueur, dans la grivoise culture populaire scandinave, d’attaquer le Christianisme en toute impunité. Et nous devons encore moins nous rappeler que des terroristes du Hamas occupèrent et profanèrent l’église de la Nativité à Bethléem lors d’une mascarade retransmise par les télévisions du monde entier.
Ici, des fonctionnaires danois sont menacés, des boycotts organisés, des ambassadeurs rappelés et, bien sûr, Bill Clinton se met en avant pour offrir de nouvelles excuses, tout en engrangeant les honoraires des conférences qu’il donne dans le pétrolifique Golfe, comme pour son mea-culpa de l’an dernier à la mollahcracie iranienne. Il y a maintenant un schéma aux excuses Clintoniennes : elles se produisent presque toujours outre-mer, et sur les subsides de quelqu’un d’autre.
Depuis la peine de mort mémorable prononcée par la théocratie iranienne à l’encontre de Salman Rushdie, le monde occidental a, peu à peu et insidieusement, accepté ces lois d’asymétrie. Peut-être en raison de ce qu’on pourrait légitimement appeler le « principe du déséquilibré » («ces gens sont capable de faire n’importe quoi à tout moment »), le Moyen-Orient musulman peut exiger un comportement-type envers lui et un autre envers le reste du monde. Il ne requiert rien de sa propre population et exige tout de celle des autres, sans avoir à craindre de répercussions graves en ces temps de Politiquement Correct, les riches et oisifs occidentaux étant surtout soucieux d’éviter toute brèche dans leurs vies relativement protégées.
Et puis il y a le « Président » d’Iran, Ahmadinejad, qui, 60 ans à peine après l’Holocauste, renchérit sur Mein Kampf en promettant non seulement, comme Hitler, d’éliminer les Juifs, mais aussi, surpassant le Fuhrer, en entreprenant publiquement ou presque de se procurer les moyens de le faire. Et le reste du monde islamique, nourri quotidiennement des insultes de « porcs et singes » [adressées aux Juifs], peut à peine dissimuler sa jalousie de voir l’outsider chiite persan tenter sa chance avant eux dans cette entreprise risquée.
On s’accorde généralement à dire que les architectes de l’attentat du 11 septembre se cachent quelque part le long de la frontière pakistanaise. Une récente frappe aérienne US qui tua quelques-uns d’entre eux fut promptement condamnée par le gouvernement pakistanais. Bien que bénéficiaire de milliards de dollars en aide et en réduction de dette, et bien qu’abritant, de l’aveu général, les responsables du 9/11, le Pakistan réprimande les USA pour une violation de frontière lorsqu’ils pourchassent nos ennemis mortels : ceux qui, depuis ce même territoire pakistanais, se vantent de préparer d’autres tueries.
Le Pakistan exige que l’Amérique cesse ces incursions, ou sinon ; Ce « sinon » recouvre apparemment la menace ou de laisser encore plus de latitude aux terroristes, ou de leur permettre de rentrer en Afghanistan afin d’y détruire l’embryon de démocratie de Kaboul. Naturellement, les diplomates américains frémissent à l’idée de devoir menacer le Pakistan (doté de l’arme nucléaire) si un nouveau 11 septembre, concocté par les membres d’al Qaeda qui y sont réfugiés, venait à se produire.
On pourrait allonger la liste de ces hypocrisies. De grands classiques de ce genre pouvant bien sûr être trouvés dans les fantasques fatwas de Ben Laden. Du pétrole pompé pour 5$ le baril et revendu pour 70$ s’y nomme du « vol de ressources [naturelles] ». Des dizaines de millions d’immigrants musulmans en Europe et aux Etats-Unis contre une poignée d’occidentaux résidant au Moyen-Orient, c’est « l’occupation de nos terres ». Israël, la patrie biblique des Juifs, successivement revendiquée au cours des siècles par les Perses, les Grecs, les Macédoniens, les Romains, les Byzantins, les Francs, les Ottomans et les Anglais, est « occupée par des croisés infidèles » - comme si le monde entier devait accepter que l’Histoire ne commence qu’au VII° siècle après J-C.
Le vrai mystère n’est pas « Comment se fait-il que les dépêches du Moyen-Orient soient si grotesques ? » mais « D’où ces autocrates tirent-ils L’assurance qu’on prendra leurs divagations au sérieux ? ».
La réponse tient en deux éléments : pétrole et armes nucléaires; et parfois la combinaison des deux.
Quelques soient les critères économiques considérés, la plupart des états du Moyen-Orient, qu’ils soient caractérisés par la monarchie, le Baathisme, la dictature ou la théocratie se sont enlisés. Il n’y a guère de découvertes scientifiques en provenance du Caire ou de Damas. Il est tragique et peut-être dur, mais néanmoins honnête, d’admettre que le monde arabe contemporain n’a récemment apporté à l’humanité que deux dispositifs inédits : la ceinture d’explosif et la bombe artisanale improvisée. Même ici, il existe une double ironie : la technologie utilisée par ces engins provient de l’Occident. Et l’emploi de cette tactique découle lui-même de l’admission désespérée qu’il serait suicidaire de mener un combat conventionnel contre des forces militaires occidentalisées sans utiliser les civils comme boucliers.
Pendant ce temps, des millions d’Africains font face à la famine et essayent de mettre en place des régimes démocratiques. L’Asie est en pleine transformation économique. L’Amérique latine subit des bouleversements politiques radicaux. Qui s’en soucie ? Au lieu de s’y arrêter, notre attention est scotchée sur quelques arpents de terres autour de Jéricho, sur les montagnes de l’Hindou Kouch, sur l’ordre de succession au trône des
monarchies du Golfe, et sur les vociférations récentes d’un président iranien apparemment légèrement détraqué, qui sans le pétrole et un réacteur nucléaire serait l’objet de la dérision générale comme le fut Idi Amin Dada à son époque.
Supprimez la dépendance au pétrole de l’Europe et des Etats-Unis, et les milliards de pétrodollars de rente annuelle que le monde envoie à des régimes arriérés comme l’Iran ou l’Arabie Saoudite, et, franchement, le fait que de telles sociétés claniques et patriarcales, ayant coutume de s’apitoyer sur leur propre sort, veuillent rester tribales, n’empêcherait pas les 5 milliards d’autres habitants du globe de dormir. Il n’y aurait plus d’argent pour le Hezbollah, pour les madrasas wahhabites, pour les escouades d’assassins syriens, ou pour payer les apologistes occidentaux.
Le problème n’est pas simplement celui des fournisseurs propres aux USA, après tout, nous importons beaucoup de notre pétrole du Mexique, du Canada et du Nigeria. Nous devrions plutôt nous inquiéter de ce que cette demande insatiables résulte en une offre globalement trop restreinte pour contenter tout le monde, ce qui conduit à la hausse des cours et aux pétromilliards qui atterrissent dans les mains de pays sinon en panne, et qui utilisent ce cadeau pour financer leurs activités scélérates, depuis l’achat d’armes nucléaires jusqu’à celui du silence de l’Occident, de l’Inde et de la Chine. Si le monde accepte le comportement malveillant du Moyen-Orient, c’est en dernier ressort à cause de notre appétit vorace pour le pétrole D’importation, et de ses répercussions à de multiples niveaux, allant du prix global du pétrole à la politique d’apaisement menée envers le fascisme islamique.
Sans l’acquisition de la force de frappe nucléaire, le Pakistan ou l’Iran ne représenteraient que peu de motifs d’inquiétude. Ce n’est pas un hasard si les responsables d’Al Qaeda se trouvent au Pakistan ou en Iran ; ils y sont assurés de leur immunité, en raison de ce que leurs hôtes ont de vastes réserves pétrolière ou des capacités nucléaires, ou les deux.
La leçon de tout ceci est que, si nous voulons libérer les États-Unis d’un tel chantage et de cette dépendance, nous devons au moins tenter d’assurer notre autosuffisance énergétique, faisant ainsi baisser les prix du pétrole, et veiller à ce qu’aucun régime autocratique du Moyent-Orient n’obtienne d’arme nucléaire. Ces principes, complétés par un soutient des réformes démocratiques, devraient être les trois piliers de la politique étrangère américaine.
Encourager la démocratie est essentiel, afin de présenter un autre choix que la dictature ou la théocratie, et tout spécialement maintenant que nous pouvons discerner une tendance générale au Moyen-Orient : le successeur logique d’un Shah est un Khomeiny ; un Zarqaoui voudrait prendre la place d’un Saddam déchu ; un Arafat que l’on soutient assure un Hamas ; et un Moubarak subventionné mènera aux Frères Musulmans. Le fanatisme puritain se nourrit toujours de la corruption autocratique, comme si couper des têtes et des mains était l’antidote adéquat aux tribunaux militaires et aux pelotons d’exécution.
Nous connaissons le petit jeu du blâme politique chez nous aussi : les échecs passés de certains pragmatiques à soutenir des dictateurs sont, après coup, présentés comme étant de la modération, alors que les tentatives tardives et confuses pour amender cela en soutenant la démocratie sont tournées en ridicule comme étant faire preuve de sottise. Même l’élection du Hamas et le franc-parler que cela amène sont de bonnes nouvelles : [il faut] soutenir le processus, pas toujours le résultat, en stoppant les subventions et le dialogue si de tels terroristes arrivent au pouvoir. Laissez-les mariner dans leur propre jus, pas dans le nôtre.
En attendant, jusqu’à ce que nous parvenions à des gouvernements consensuels et tolérants qui s’avèrent stables, il n’y aura pas de réelle paix. Et si l’Iran, l’Arabie Saoudite, ou la Syrie obtiennent des armes nucléaires, il y aura en fin de compte une guerre d’une ampleur inconcevable, si l’on part du principe que l’Occident sera prêt à tolérer quasiment n’importe quelle horreur imaginable pour s’assurer que ses villes ne soient pas atomisées ou rendues inhabitables.
Mais si les milliards de pétrodollars continuent de se déverser dans ces sociétés rétrogrades, celles-ci ne mèneront jamais à bien le lourd travail politique et économique nécessaire pour mettre en place des sociétés dignes de ce nom. Au lieu de cela, leurs élites finiront par obtenir une réelle force de frappe nucléaire leur permettant de menacer leurs voisins pour en extorquer encore plus de concessions, tandis qu’ils acquerront le soutien de leur population grâce au prestige d’être une nation qui détient « la bombe islamique ». Saddam avait presque compris cela : s’il avait retardé son invasion du Koweït de 5 ans, jusqu’à ce qu’il ait ressuscité son programme nucléaire, le Koweït serait maintenant une province irakienne, ainsi peut-être que l’Arabie Saoudite.
A long terme, la démocratisation dans le cadre d’un gouvernement constitutionnel a les meilleures chances d’apporter une amélioration. Mais dans un avenir proche, les États-Unis et leurs alliés doivent également s’assurer que l’Iran et les états similaires ne deviennent pas des puissances nucléaires, et se sevrer eux-mêmes de leur dépendance au pétrole pour sauver à la fois nous, les « toxicomanes », et nos ennemis, les «
dealers » du Moyen-Orient.
©2006 Victor Davis Hanson
Texte repris du site paf