"Plus jamais ?" Charles Krauthammer
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The Washington Post
Original anglais : "Never Again ?".
5 mai 2006
Traduction française : Menahem Macina.
Quand quelque chose se produit pour la première fois en 1871 ans, cela mérite attention. En 70, puis en 135 de notre ère, l’Empire romain a brutalement écrasé les révoltes juives de Judée, détruit Jérusalem, tué des centaines de milliers de Juifs, réduit en esclavage et exilé des centaines de milliers d’autres. Durant près de deux millénaires, les Juifs ont erré dans le monde. Et aujourd’hui, en 2006, pour la première fois depuis lors, il y a à nouveau plus de Juifs vivant en Israël – l’Etat qui a succédé à la Judée – qu’en tout autre endroit de la terre.
La population juive d’Israël vient d’atteindre les cinq millions six cent mille âmes. La population juive d’Amérique, qui était de cinq millions cinq cent mille âmes en 1990, est tombée à environ cinq millions deux cent mille, dix ans plus tard, et son déclin abrupt, causé par la baisse des taux de fertilité et les hauts niveaux d’assimilation, réduira ce nombre de moitié au milieu du siècle.
Quand six millions de Juifs européens furent tués dans l’Holocauste, seuls deux centres majeurs de vie juive subsistèrent : l’Amérique et Israël. Ce système à deux étoiles est toujours en vigueur aujourd’hui, mais il vient d’atteindre un point où il suffirait d’un rien pour qu’il bascule.
Chaque année, tandis que la population juive continue de croître en Israël et de décliner en Amérique (et dans le reste de la Diaspora), Israël devient de plus en plus, comme c’était le cas au temps de Jésus, le centre du monde juif.
Une restauration des plus improbables et aux allures d’épopée. Pour ne prendre qu’une des plus remarquables réussites du retour : l’hébreu est la seule langue morte de l’histoire connue à avoir été remise en usage dans la vie quotidienne, en tant que langue vivante d’une nation. Mais cette transformation a un prix et comporte un danger : elle modifie radicalement les perspectives de survie du peuple juif.
Durant 2000 ans, les Juifs ont été protégés par la dispersion – une protection qui n’empêchait pas les communautés individuelles d’être régulièrement persécutées et massacrées, mais qui était efficace pour le peuple dans son ensemble. Décimés en un lieu, ils pouvaient survivre ailleurs. Persécutés en Espagne, ils pouvaient trouver refuge à Constantinople. On pouvait les massacrer dans les régions rhénanes au cours des Croisades, ou en Ukraine durant l’insurrection de Chmielnicki, en 1648-49, mais ils survivaient dans le reste de l’Europe.
Hitler a mis fin à cette illusion. Il a démontré que l’antisémitisme moderne, conjugué aux technologies modernes – voies ferrées, bureaucraties disciplinées, chambres à gaz meurtrières à l’efficacité industrielle – pouvait s’emparer de gens dispersés et les "concentrer" pour les anéantir totalement.
La fondation d’Israël constitua une déclaration juive, adressée à un monde qui avait permis à l’Holocauste de se produire – après qu’Hitler eut très clairement exposé ses intentions. Il y était proclamé que les Juifs recourraient dorénavant à l’autoprotection et à l’indépendance pour se défendre. Et c’est ce qu’ils ont fait en créant une armée juive, la première en 2000 ans, qui l’a emporté dans trois grandes guerres de survie (1948-49, 1967 et 1973).
Mais, par une ironie cruelle de l’histoire, pour ce faire il a fallu cette concentration, ce rassemblement consistant à mettre tous les œufs dans le même panier : un territoire exigu contigu de la Méditerranée, dont la partie la plus étroite est de quelque douze kilomètres. Une cible tentante pour ceux qui voudraient achever l’œuvre d’Hitler.
Ses successeurs d’aujourd’hui résident à Téhéran. Le monde a été très attentif à la déclaration du Président Mahmoud Ahmadinejad, affirmant qu’Israël devait être détruit. Mais il a prêté moins d’attention aux formulations concernant la manière exacte dont Israël serait détruit, à savoir : « par une seule tempête », selon la promesse d’Ahmadinejad.
L’ancien président, Hashemi Rafsanjani, le prétendu modéré de la bande, a expliqué que « l’emploi d’une bombe nucléaire contre Israël ne laisserait rien subsister sur son sol, alors qu’il ne causerait que des dégâts au monde de l’Islam ». Logique impeccable. L’intention est claire : une attaque nucléaire détruirait totalement le minuscule Israël, alors que des représailles lancées par un Israël mourant n’auraient pas d’effet majeur sur une civilisation islamique d’un milliard d’individus, dont les populations s’échelonnent de la Mauritanie à l’Indonésie.
Dan sa course aux armes nucléaires, l’Iran précise qu’en cas de problème, les Juifs seront les premiers à souffrir. « Nous avons annoncé que, quel que soit l’endroit (d’Iran) où l’Amérique causera des dommages, le premier lieu que nous ciblerons sera Israël », a déclaré le général Mohammad Ebrahim Dehghani, un commandant de haut rang des Gardiens de la Révolution. Hitler avait été légèrement moins direct lorsqu’il avait annoncé, six mois avant d’envahir la Pologne, que, s’il y avait une autre guerre, « le résultat serait… l’anéantissement de la race juive en Europe ».
La semaine dernière, Bernard Lewis, doyen des études islamiques, qui vient d’atteindre ses 90 ans et se souvient fort bien du XXe siècle, confessait que, pour la première fois, il éprouve à nouveau le sentiment d’être en 1938. Il n’a pas eu besoin d’ajouter qu’en 1938, face à la tempête qui se préparait, sous l’égide d’un ennemi fanatique et agressif, qui se déclarait ouvertement ennemi de l’Occident et, plus farouchement encore, des Juifs, le monde n’a rien fait.
Quand, dans les quelques prochaines années, les mollahs d’Iran auront acquis les armes nucléaires qu’ils convoitent, le nombre de Juifs vivant en Israël, atteindra précisément les 6 millions.
Jamais plus ?
Charles Krauthammer
© The Washington Post
[Texte aimablement signalé par Isralert.]
Mis en ligne le 07 mai 2006, par M. Macina, sur le site upjf.org
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