Le site Eucharistie miséricordieuse a publié sur son site, le 12 février, le texte d’un "Entretien avec Mgr Fellay sur la levée des excommunications par Benoît XVI".
Je l’ai lu un peu distraitement d’abord, je l’avoue, jusqu’à ce que mon regard soit attiré par la question suivante de l’intervieweur (Gérard Leclerc):
« A propos du judaïsme, acceptez-vous la formule issue du Concile qui présente les Juifs comme "nos frères ainés" ? »
La réponse de Mgr Fellay, supérieur de la Communauté intégriste St Pie X, est révélatrice d’un problème fondamental. Elle jette une lumière crue sur le refus toujours en vigueur, chez les intégristes, du retournement positif de l’attitude de l’Eglise à l’égard des Juifs:
« L’expression ("nos frères aînés") peut être prise de deux manières, elle est ambiguë. La première est correcte, l’autre incorrecte. Nous avons dans l’Ecriture sainte le Nouveau Testament et l’Ancien Testament. Tout ce que Dieu a transmis au peuple élu se trouve dans la première Alliance. Mais elle a été remplacée par la Nouvelle, la Bonne Nouvelle qu’est l’Evangile. Nous, les catholiques, nous avons tout. L’ancien et le nouveau. Les Juifs sont fidèles à l’Ancien Testament quant à la lettre, mais quelque chose de nouveau est survenu et le judaïsme s’est arrêté là. Il y a eu quelque chose d’essentiel : la venue du Messie. Les Juifs sont nos frères aînés dans la mesure où nous avons quelque chose en commun. Pour autant, cela ne leur suffit pas pour être sauvés. »
Il s’agit là de ce que les théologiens spécialisés dans l’histoire et la théologie des relations entre l’Eglise et le peuple juif, appellent la "théorie de la substitution" (en anglais, 'replacement'). En bref, cette conception tient que l’Eglise a pris la place du peuple juif, premier élu de Dieu, déchu en raison de son incroyance dans la messianité et la divinité de Jésus.
On aurait tort de croire que cette vision des choses n’a plus cours dans l’Eglise. Même si elle est rarement exprimée de manière aussi directe, elle est partagée par un grand nombre de clercs et de fidèles. Ce n’est pas le lieu d’entrer dans les détails de cette mienne affirmation. Je me contenterai d’avertir ceux qui croient que cette problématique est caduque depuis le concile Vatican II et la déclaration Nostra Aetate, § 4, qu’il n’en est rien.
Malgré les textes postérieurs promulgués par le Vatican, depuis Nostra Aetate, et certaines déclarations remarquables du défunt pape Jean Paul II, qui allaient beaucoup plus loin dans la perception de la relation quasi substantielle entre l’Eglise et le peuple juif, il semble que la théologie profondément féconde qui en découle ne soit pas "reçue", au sens que la sociologie donne à ce terme.
Menahem Macina
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Mis en ligne le 13 février 2009, par M. Macina, sur le site upjf.org