Rapport Winograd : Olmert soulagé, Tsahal accablé
31 janvier 2008 - israelinfos.net
Les conclusions de la Commission d’enquête sur la 2e guerre du Liban ont été moins sévères que prévu à l’égard du Premier ministre, mais constatent que l’armée n’a pas rempli sa mission. "Nous considérons la guerre comme une grave occasion manquée. Israël s’est engagé dans un long conflit, qu’il avait lancé mais qu’il n’a pas remporté de façon claire du point de vue militaire.
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Une organisation paramilitaire de quelques milliers d’hommes a fait face pendant plusieurs semaines à l’armée la plus puissante du Proche-Orient, qui avait pour elle une supériorité aérienne absolue, et l’avantage de la technologie. Les tirs du Hezbollah contre le territoire israélien ont continué pendant toute la guerre, et Tsahal n’a pas fourni de riposte efficace" a déclaré le juge Eliahou Winograd en ouverture de sa conférence de presse.
Le président de la Commission a été encore plus loin dans sa critique des forces de sécurité israéliennes. "Tsahal a échoué, principalement au niveau du commandement supérieur et des forces terrestres, à répondre de façon satisfaisante au défi posé par la guerre du Liban, et ce faisant, a privé le pouvoir politique d’un résultat militaire qui aurait pu lui servir de base à une action diplomatique. Cette responsabilité incombe largement à Tsahal, mais le pouvoir politique en détient également une part en ce qui concerne le manque d’adéquation entre le mode opératoire et les objectifs (de la guerre)".
La Commission nommée par le Premier ministre sous la pression de l’opinion publique quelques semaines après la fin du conflit, avait déjà rendu le 30 avril dernier un rapport intérimaire, qui s’était concentré sur les cinq premiers jours de la guerre, assorti d’une étude des événements qui s’étaient déroulés entre la sortie de Tsahal du sud-Liban en mai 2000, et l’enlèvement par le Hezbollah le 12 juillet 2006 des deux réservistes Eldad Reguev et Ehud Goldwasser, capture qui avait déclenché la riposte israélienne. Ce premier document avait désigné nommément trois responsables : le chef du gouvernement, le ministre de la Défense, et le chef d’état-major de Tsahal.
Ce second compte-rendu des travaux de la Commission concerne la suite de la guerre jusqu’à l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, au matin du 14 août 2006, et plus particulièrement le lancement de l’offensive terrestre, soixante heures avant la fin des combats.
Or, sur ce point précis, Eliahou Winograd et ses pairs sont arrivés à la conclusion que la décision de mener cette offensive était devenue "pratiquement obligatoire", et qu’elle avait donné à Israël la flexibilité diplomatique et militaire dont il avait besoin, bien que les résultats escomptés n’aient pas été obtenus.
Les juges se sont en revanche abstenus de présenter des recommandations ou des remarques d’ordre personnel, puisque la Haute cour de Justice avait établi qu’elle n’en avait pas la compétence. Le président de la Commission d’enquête a donc indiqué que son travail s’achevait avec la présentation de son rapport, et que ses éventuelles répercussions appartenaient désormais au débat public.
La prise de décision
La Commission Winograd relève que le pouvoir politique a été trop lent à trancher sur une situation dont il avait pris l’initiative. En décidant de riposter comme il l’a fait après l’enlèvement des deux réservistes de Tsahal, le gouvernement israélien ne se laissait que deux options : une frappe rapide et forte contre le Hezbollah, ou une offensive terrestre d’envergure avec une réoccupation temporaire du sud-Liban, jusqu’à l’éviction des milices chiites.
Les juges ont ainsi critiqué l’absence de tout débat sérieux sur ces options, alors même que le conflit s’enlisait au fil des semaines. "Nous avons trouvé de graves carences dans le processus de décision, tant sur le plan militaire, que sur le plan politique" a affirmé Eliahou Winograd.
L’offensive terrestre
C’est seulement au 29e jour de la guerre que le cabinet de sécurité s’est résolu à autoriser une offensive terrestre. "La décision était difficile, et son prix a été douloureux" a rappelé le président de la Commission, qui a toutefois estimé que l’action avait été décidée sur la base des informations dont disposaient à ce moment les membres du gouvernement.
Trente trois soldats de Tsahal avaient été tués au cours de l’opération qui s’est achevée avec l’entrée en vigueur du cessez-le-feu.
L’organisation de l’armée
Jusqu’à la première semaine du mois d’août, l’armée n’était pas préparée à lancer une offensive terrestre. Ces faiblesses, dues à un manque d’organisation et de planification stratégique, sont bien antérieures au déclenchement du conflit de l’été 2006. L’armée de terre a principalement été épinglée par le rapport, qui a en revanche salué le travail accompli par l’aviation, et par la marine qui a maintenu le blocus des côtes libanaises jusqu’à la fin du conflit.
Mais la Commission Winograd a rendu hommage aux soldats sur le terrain, à leur courage et leur détermination, et salué leurs nombreux actes de bravoure.
Conséquences politiques
Le Premier ministre israélien, qui redoutait des conclusions beaucoup plus sévères, a fait savoir par ses proches conseillers, qu’il n’avait aucune intention de démissionner.
Le chef du gouvernement craignait surtout d’être désigné comme responsable de la dernière action de Tsahal, et de son prix en vies humaines, alors qu’une telle accusation aurait pu être fatale à sa carrière politique. Le fait que le blâme repose essentiellement sur le commandement militaire devrait lui permettre de désamorcer la campagne de l’opposition. Pour la même raison, Ehud Barak devrait pouvoir justifier auprès des Travaillistes leur maintien dans la coalition.
Les réservistes et les familles endeuillées qui avaient mené campagne pour la démission d’Ehud Olmert, se sont déclarés déçus par les conclusions de la Commission d’enquête. Réunis devant la résidence du ministre de la Défense, ils ont rappelé à Ehud Barak sa promesse de quitter la coalition après la publication du rapport.
Selon un premier sondage publié par la 2e chaîne de télévision, 56% des Israéliens estiment qu’Ehud Olmert doit quitter son poste.
Sécurité
- Cinq terroristes palestiniens, portant des ceintures d’explosifs, ont été appréhendés par les forces de sécurité égyptiennes au cours de ces derniers jours. Selon le quotidien cairote Al-Ahram, ces miliciens, entrés en Egypte à la faveur des brèches pratiquées par le Hamas dans le mur de séparation entre Gaza et le Sinaï, projetaient de passer en Israël pour y perpétrer des attaques suicide. D’autres Palestiniens auraient été arrêtés en possession de plans de la frontière israélo-égyptienne.
- Une centaine de camions, dont soixante dix chargés de blé, ont été autorisés par Tsahal à entrer dans la bande de Gaza, pour prévenir des risques de pénurie dans le territoire palestinien.
- Mahmoud Abbas a été reçu au Caire par Hosni Moubarak pour discuter de la situation dans les territoires autonomes, et celle à la frontière égyptienne avec le Sinaï. "L’Autorité Palestinienne est engagée par les accords existants sur le contrôle des terminaux frontaliers, et personne n’a compétence pour les modifier" a déclaré le président palestinien, qui a refusé toute discussion avec le mouvement islamiste tant que ne serait pas restauré le pouvoir de l’A.P à Gaza.
Khaled Meshaal, le chef du bureau politique du Hamas, a lui aussi rencontré le Président égyptien, et averti qu’il n’accepterait pas de renoncer au contrôle des points de passage.