12.6.09

Informations et désinformations - Tome 2



DR , JPost

Par NATHALIE BLAU

Rencontre avec Philippe Bensoussan, l'heureux réalisateur de Décryptage. Avec son complice Jacques Tarnero, il prépare aujourd'hui un second volet, toujours sous forme de plaidoyer pour Israël.


En 2003, sortait Décryptage. Un documentaire au format long-métrage qui s'était fixé une tâche aussi lourde que téméraire : « apporter un droit de réponse à une vision complètement partiale - tous médias confondus - du conflit israélo-palestinien », explique Philippe Bensoussan. Six ans plus tard, le réalisateur issu de la pub et du format court retrouve l'auteur Jacques Tarnero pour un deuxième opus en projet. Avec « Décryptage 2 », le duo veut prolonger la réflexion sur Israël et son image dans les médias. Le premier volet répondait à trois ans d'Intifada. Le second, plus ambitieux encore, est conçu pour défendre le droit aux 3 000 ans d'existence du peuple juif. Réduire en miettes les clichés établis ou les jugements a priori. Proposer une mise en perspective inédite de la place de cet Etat dans le monde. Essayer de comprendre « l'exception Israël, la fascination Israël, le jeu attraction/répulsion » qu'il génère. « Dans les années 1930, on disait : 'il y a un peuple de trop sur cette terre', aujourd'hui on dit : ' il y a un Etat de trop' », pointe Bensoussan. Et de citer les Nations unies, la conférence de Durban : « Israël est la seule nation dont, à l'ONU, on se pose la question du droit à l'existence. » Décryptage 2 sera donc une riposte à cette « haine d'Israël et du peuple juif en général ». Rétablir l'équilibre face aux dérives dangereuses : l'Etat juif présenté comme un Etat nazi, celui qui incarne le bourreau tandis que le Palestinien est devenu le symbole de la victime, explique Bensoussan. Une tendance qui trouve racine dans la guerre des Six-Jours, note le réalisateur, mais surtout dans celle du Liban. « Le vrai problème, c'est Sabra et Chatila, à partir de 1982, l'opinion publique mondiale se retourne complètement. » Et depuis, la désapprobation d'Israël n'a fait qu'augmenter. Avec, en point d'orgue, les récents conflits dans le cadre de l'opération Plomb durci. Suite au refus de l'armée israélienne de laisser entrer à Gaza les médias étrangers, les Palestiniens ont pris la main, en terme de communication. « Je ne peux pas reprocher à Israël de ne pas avoir transformé la bande de Gaza en grand reality show », précise Bensoussan, « il n'y a rien de plus horrible que la guerre en direct à la télé. » Résultat des courses : en France, Plomb durci se résume à des milliers d'enfants palestiniens pour victimes. « Et on ne peut pas le nier, boucliers humains ou pas, on ne peut pas dire qu'il n'y a pas eu d'enfants morts. » La tendance à vouloir caricaturer Tsahal dans sa volonté de tuer s'en est ainsi trouvé renforcée.

L'argent, nerf de la guerre

Décryptage 2 reviendra sur le traitement médiatique du conflit, mais pas seulement. Ce second volet, sous-titré A la vie, aura une vision bien plus large : essayer de comprendre comment Israël a pu se reconstruire après 2 000 ans. Une façon aussi de contrer l'Iranien Ahmadinejad qui affirme que l'Etat juif doit son existence à un cadeau de l'ONU après la Shoah. Triosième point abordé par le documentaire : expliquer haut et fort que ceux qui menacent Israël menacent aussi les libertés occidentales. « Israël est la première ligne de front et ensuite il y en a une deuxième avec le terrorisme international qu'on a pu voir à Londres et Madrid. »

Bensoussan et Tarnero attendent aujourd'hui le top départ pour s'atteler à leur documentaire de 100 minutes. Ils aimeraient démarrer cet été pour une sortie en salle en septembre 2010.
Pour l'heure, ils stockent, compilent, conservent tout ce qu'ils voient, « le film s'écrit au montage ». Reste un hic : l'aspect financier. Sur les 800 000 euros de budget nécessaires pour la réalisation du projet, seuls 500 000 ont été récoltés (pré-achats TV, avaloir distributeur). 300 000 font encore défaut. Un budget raisonnable par rapport aux 5 millions d'euros en moyenne pour les longs-métrages français, mais l'achat des droits de documents inédits coûte cher. Exit les images de l'INA (Institut national de l'audiovisuel) vues et revues sur la création d'Israël, Bensoussan veut aller chercher des pellicules couleur, inédites, de l'autre côté de l'Atlantique : les Etats-Unis tournaient déjà en 16 mm en 1948. Le tandem auteur-réalisateur compte ainsi sur les dons de particuliers, déductibles des impôts, « une façon de réaliser un acte militant de soutien à Israël ». « Celui qui investit est non seulement assuré de retrouver sa mise, mais aussi de gagner de l'argent. Le film est sûr de sortir, nous avons déjà un distributeur en France et aux Etats-Unis », note Bensoussan qui prévoit 100 000 entrées. Et pour cause, Décryptage 2 pourra bénéficier de l'énorme succès remporté par le premier volet.

Retour sur un film à contre-courant

En 2003, Décryptage ne sort que dans une seule salle, l'Arlequin à Paris, celle de la productrice. Les autres exploitants sont frileux : manque de confiance dans le projet et problèmes de sécurité. Mais le bouche-à-oreille assurera une durée de vie de neuf semaines au documentaire. Total : 60 entrées. Et des retombées presse inespérées.
En 2000, avec le déclenchement de la seconde Intifada, la France subit de plein fouet l'importation du conflit israélo-palestinien. « C'est la première fois que depuis la guerre, on s'est mis à crier 'Mort aux Juifs' dans les rues de Paris, à brûler les synagogues. » Bensoussan raconte alors sa « réaction épidermique » devant l'attaque systématique dont l'Etat juif est l'objet dans les médias français. Pourtant, « à cette époque, Israël était proche de mes pensées, mais en même temps, très éloigné. C'était un monde virtuel », raconte celui qui s'est vu remettre en 1986 une victoire de la musique du meilleur clip pour « La Ballade de Jim » d'Alain Souchon. Caméra au poingt, carnet en main, il participe alors à un voyage de solidarité dans l'Etat juif, bien loin d'imaginer que deux ans plus tard, il fera son aliya. Abasourdi par la dérive informative et la volonté médiatique de dénaturer les faits, il s'associe avec Tarnero et décrypte les seules images présentées jusque-là au public français. Et de montrer « les incohérences, les mensonges, la volonté de victimiser un camp contre un autre ». D'où le besoin de décrypter les images pour proposer le contraire de cette vision partiale. Le réalisateur ne prétend pas à l'objectivité, le positionnement était clair : Décryptage se situait du côté d'Israël. « C'était plus un éditorial », note Bensoussan, nous n'avions pas la prétention de dire la vérité, mais d'exprimer notre vision des choses. Le nom 'décryptage' a vampirisé ce que nous voulions faire, cela aurait plutôt dû s'appeler 'droit de réponse' ». Et de montrer comment les Palestiniens montaient les images et trichaient sur les montages.


Encensé ou conspué, Décryptage a défrayé la chronique. « Nous avons mis le doigt là où ça fait mal et créé un débat au sein des organes de presse », raconte Bensoussan. « Nous avons fait douté légèrement l'AFP. » Il faut dire que les principaux clients de l'Agence France Presse proviennent du monde arabe et du Moyen-Orient - alors que Reuters et Associated Press sont très présents aux Etats-Unis -, ce qui explique une certaine empathie avec le client, précise Bensoussan. « Ce n'est pas qu'ils mentent, mais ils sont parcellaires », observe-t-il, « je crois que depuis Décryptage, ils font beaucoup plus attention. »

Le réalisateur revendique une prise de conscience globale dans la presse française, une vigilance sur la façon de raconter le conflit israélo-palestinien. Et en particulier au sein du média télé, le plus réducteur, selon Bensoussan. « La télévision demande une réduction des choses », explique-t-il, « avec d'un côté les bons, de l'autre, les méchants. On est fatalement grossier. » Pour preuve, Charles Enderlin, le correspondant de France 2 : « Il ne ment jamais, mais il donne seulement une partie de l'information, et c'est justement ça la désinformation. » Pour le réalisateur de Décryptage, il existe une « auto-censure permanente dans les médias français ou européens. Il est acquis pour les journalistes que celui qui souffre, c'est le Palestinien, et celui qui domine, l'Israélien. Le conflit est regardé à travers le filtre occupation/domination/victime, et c'est faux. »

Décryptage avait réussi à rééquilibrer les choses, estime-t-il. Reste à espèrer que le second opus fera aussi bien, voire mieux.