13.4.08

FEUILLE DE ROUTE POUR LA GUERRE

Jackson Diehl

The Washington Post

Texte original : "Road Map to a Gaza War"

Traduction et adaptation françaises par Artus pour www.nuitdorient.com

(revue et corrigée par upjf.org)


Il y a 7 ans, la nouvelle équipe de G.W. Bush, en charge des Affaires étrangères, critiquait l'administration Clinton pour son envolée de l’avant-dernière heure. Clinton cherchait avidement un accord de paix au Moyen Orient et cela s'est terminé lamentablement par une explosion palestinienne, appelée Deuxième intifada. Aujourd'hui, alors qu’il ne lui reste que moins de dix mois, Bush et la secrétaire d'Etat, Condoleeza Rice, se sont lancés dans une aventure similaire de dernière minute, et ne semblent pas s'apercevoir que les périls qui montent dus à leur initiative vont aboutir inéluctablement à une guerre israélo-palestinienne [1].

Rice s’est à nouveau rendue à Jérusalem, la semaine dernière, pour faire pression sur Israël afin que celui-ci remplisse les engagements pris lors de la conférence d'Annapolis, l'an dernier. Elle semble avoir obtenu des résultats, comme le démantèlement de quelques douzaines de postes de contrôle en Cisjordanie. Pourtant, tous les officiels Israéliens qui se sont discrètement rendus à Washington ont envoyé des signaux clairs et précis, il faut s'attendre à un conflit majeur avec le Hamas à Gaza !

Il y a un mois, le Hamas a lancé, pour la première fois, des missiles iraniens sur la ville d'Ashkelon – en plus des salves de roquettes et de mortiers, tirées régulièrement depuis plusieurs années sur Sdérot et les villages voisins. C'est le signe d'un certain changement dans la stratégie du Hamas. Malgré des ripostes punitives ciblées de l'armée israélienne, les tirs sur Ashkelon persistent. Avec l'encouragement du Département d'Etat, l'Egypte a entrepris des négociations pour une trêve durable entre les parties ; dans ces colonnes, j'avais déjà prôné une telle option, la moins mauvaise parmi le peu qui restait.

Selon des sources officielles, le Premier ministre, Ehoud Olmert, et le ministre de la Défense, Ehoud Barak, ne sont pas intéressés à un accord avec le Hamas. Ils reconnaissent qu'une telle option faciliterait les négociations de paix en cours avec M. Abbas et qu'une guerre ouverte torpillerait le processus d'Annapolis. Néanmoins, certains stratèges pensent qu'une confrontation avec le Hamas est plus urgente que des négociations avec Mahmoud Abbas [2]. Selon eux, il n'y a aucune alternative à cette confrontation, qui aura lieu probablement avant la fin du mandat de Bush.

Ce pessimisme israélien résulte, dans une large mesure, de ce que les officiels décrivent comme l’arrivée illégale, incessante, massive et tacitement autorisée par l'Egypte, à Gaza, d'armes en provenance d'Iran. Malgré des pressions américaines, l’Egypte rechigne à agir, de peur d'avoir à affronter le Hamas, elle aussi. Ce dernier a construit des bunkers souterrains et y a stocké des missiles, au modèle de l'infrastructure du Hezbollah au sud-Liban. Des centaines de militants du Hamas sont partis s'entraîner en Iran en vue d’une guerre de missiles Grad, la version iranienne des Katiouchas soviétiques.

Rendu lucide par les coups douloureux que lui ont valu son attaque des bases du Hezbollah en 2006, Tsahal s'est entraîné contre les points forts du Hamas. Et les stratèges signalent que plus on attend pour agir contre ses menaces, plus dures seront les pertes qu’il pourra infliger à Tsahal et aux villes qui sont à sa portée. Selon l'analyse d'Israël, le cessez-le-feu que l'Egypte cherche à obtenir (et que le Hamas dit parfois qu’il y aspire) ne pourra que rendre le problème pire encore, en ce qu’il donnera au Hamas le temps de se renforcer de manière accélérée.

Rice et Bush souhaiteraient que l'armée s'abstienne d'agir avant qu'Olmert ait conclu un accord sur les principes de base d'un règlement définitif avec M Abbas. Bien qu'Olmert souhaite un tel arrangement, il est de plus en plus clair pour une majorité d'Israéliens qu'Abbas ne pourra jamais tenir ses engagements. Malgré une énorme aide étrangère, l'administration de Cisjordanie n'est rien de plus qu'une coquille vide, maintenue au pouvoir par l’armée israélienne. Selon les Israéliens, le Hamas peut arrêter toute négociation en reprenant ses tirs de missiles Grad sur Ashkelon. Et quelle que soit l'issue à Gaza – cessez-le-feu, ou conflit –, dans tous les cas de figure, M. Abbas sera perdant. Son Premier ministre, Salam Fayyad, a insinué en privé qu'il préférait une attaque d'Israël contre le Hamas, permettant ainsi le reprise du contrôle de Gaza par le Fatah. Mais il est peu probables que les forces de sécurité de Mahmoud Abbas soient assez fortes pour contrôler de sitôt la population de Gaza, qui compte un million et demi d’habitants.

Selon les officiels israéliens, la prochaine confrontation ne nécessitera pas forcément l'occupation de la totalité de la bande de Gaza. Devant les réactions prévisibles de la communauté internationale à toute attaque israélienne, et l'inévitable couverture de la "souffrance palestinienne" par les chaînes satellitaires, Olmert attendra vraisemblablement une provocation notable du Hamas [3]. Cela ne se produira peut-être pas avant plusieurs mois.

Mais ce qui inquiète le plus certains Israéliens, c'est que l'administration Bush ne semble pas prête à l'éventualité que son initiative de paix moyen-orientale soit submergée par une guerre moyen-orientale.


Jackson Diehl


© The Washington Post


----------------------------


Notes de www.nuitdorient.com



[1] Guerre qui peut déboucher sur un conflit plus large au Moyen-Orient.

[2] Négociations qui ne mènent nulle part, les Palestiniens refusant toute concession. A-t-on jamais vu C. Rice faire pression sur M. Abbas pour obtenir des concessions ?

[3] La récente provocation de Nahal Oz, où 2 civils israéliens ont été assassinés, n'est-elle pas suffisante ? Double provocation : Nahal Oz étant un terminal israélien dédié à l’approvisionnement de Gaza en carburant. Le fermer nuirait à la population palestinienne. En poussant à la fermeture de ce terminal, le Hamas cherche à mobiliser l’attention des médias en sa faveur et en faveur des "pauvres Palestiniens" victimisés. Le Hamas annonce déjà que sa centrale sera en panne de carburant dans 48h. Aussi Israël a-t-il repris ses livraisons malgré le préjudice subi !



----------------------------


[Texte aimablement souligné par Matsada-Info.] http://www.nikibar.com/news/matsada-infos.html, Israël.



Mis en ligne le 13 avril 2008, par M. Macina, sur le site upjf.org