Pendant que vous lisez ces lignes, Ayaan Hirsi Ali est terrée dans une maison gardée par des hommes en armes. Ainsi commence un article rédigé il y a peu par Sam Harris et Salman Rushdie.
Dans cet article diffusé par Global Viewpoint et repris notamment par le Monde, les écrivains critiquent les Pays-Bas qui refusent de continuer à financer la protection personnelle d'Ayaan Hirsi Ali aux Etats-Unis. "Il faut se rendre compte qu'Ayaan Hirsi Ali pourrait bien devenir la première réfugiée d'Europe de l'Ouest depuis l'Holocauste (…) En tant que telle, elle est un témoin unique et essentiel des forces et des faiblesses de l'Occident : la splendeur de la société libre et l'énergie inépuisable de ses ennemis. Elle connaît bien les défis qui nous attendent dans la guerre contre la misogynie et le fanatisme religieux, elle subit jour après jour les conséquences de notre échec. Personne d'autre qu'elle ne saurait mieux nous rappeler que la tolérance de l'intolérance est synonyme de lâcheté."
Qui est elle ?
Ayaan Hirsi Ali est cette député néerlandaise, d’origine somalienne et auteur du livre « insoumise » (lire sur Primo). Excisée à l’âge de 5 ans, Ayaan a subi le poids de la Charia tout au long de son enfance. Elle portera le voile. A l'âge de vingt-trois ans, elle profite d'un passage dans sa famille en Allemagne, pour s'enfuir vers les Pays-Bas.
En 2001, elle condamna sans réserve les attentats du 11 Septembre, commis au nom d’une idéologie totalitaire, l’islamisme. Cela n’eut pas l’heur de plaire à son parti politique (Parti Socialiste), lequel jugea son attitude « réactionnaire et anti-islamique ».
Elle le quitta pour rejoindre le Parti Libéral et démocrate. Elue au Parlement en 2003, elle parvint alors à faire adopter une proposition de loi réprimant sévèrement la pratique de l'excision.
Elle collabora à un film du réalisateur, Théo Van Gogh, « Submission » qui dénonçait la soumission des femmes. Les versets du Coran sur la peau nue des actrices provoque la colère des musulmans hollandais. La suite est connue : Van Gogh est assassiné de manière particulièrement sauvage.
Le meurtrier, Mohamed Bouyeri, a laissé une lettre près du corps de Van Gogh, menaçant directement Ayaan Hirsi Ali.
Suite à des péripéties politiciennes qui ne sont pas à l’honneur du bas royaume (Lire sur Primo Au revoir Madame, et Chapeau bas), elle partit aux USA, toujours sous une protection policière financée par la Hollande. Mais l’autre pays du fromage a décidé de ne plus débourser un centime pour cette « garde en vie ».
Et revoilà Ayaan Hirsi Ali de retour aux Pays Bas, dans l’obligation de financer elle-même sa protection si elle veut rester vivante.
Sacrés Danois
Directement mis en cause par la communauté islamique, le Danemark a tout de même réagi à la crise des caricatures en conservant un certain calme dans l’adversité.
Il vient de montrer encore une fois qu’il était à l’avant-garde de ce combat.
Le ministre de la Culture, Brian Mikkelsen, vient de déclarer : « Il est essentiel pour nous d'accueillir des écrivains pourchassés comme c'est le cas d'Hirsi Ali qui est menacée de mort, car il s'agit pour nous de défendre les principes fondamentaux de la démocratie et de la liberté d'expression ». Le Ministre a, dans le même temps, assuré l’écrivain qu’elle pourrait trouver refuge dans une des villes du réseau ICORN (International cities of refuge network, Réseau international des villes refuges).
Les fondateurs de ce réseau sont tous partis d’un exemple vieux de plusieurs millénaires : Dans l'ancien Israël, une ville de refuge était un lieu où une personne ayant commis un homicide involontaire pouvait trouver asile.
Au 16e siècle, Genève mais aussi plusieurs autres villes françaises comme Montauban ou La Rochelle étaient des « villes refuge » pour les protestants français. Nul ne pouvait attenter à leurs vies tant qu’ils étaient dans la cité.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la petite ville du Chambon-sur-Lignon, en France, est devenue une ville de refuge pour plus de 5000 enfants juifs et leurs familles.
C’est suite aux assassinats d’écrivains en Algérie que fut créé, en 1993, le "Parlement international des écrivains". En 2003, ce Parlement a décidé de laisser la place à l'"International cities of refuge network" (ICORN). Les villes-refuges s'engageaient à fournir aux écrivains persécutés sécurité, résidence temporaire et lieu de travail
Dans ce réseau figurent plusieurs villes scandinaves, quelques villes italiennes et espagnoles. Il n’y a, curieusement, aucune ville française.
Qu’attend donc la patrie des Droits de l’Homme ? Qu’attendent les premiers magistrats de nos communes pour réagir ? Que les élections municipales soient terminées ?
Et si ce nouveau réseau de villes refuges voulait bien étendre ses compétences non plus seulement aux écrivains, mais aux penseurs, comme Robert Redeker, aux artistes, comme Lars Vilks, ceux ci ne seraient pas obligés de vivre dans la terreur, déménageant sans cesse et guettant heure après heure la prochaine menace.
Un pays civilisé, comme la France devrait faire encore bien plus. La protection d’Ayaan Hirsi Ali doit aller plus loin dans la symbolique.
Hirsi Ali citoyenne française ?
Le 6 avril 2004, dans une réunion commune avec Simone Veil, le candidat Sarkozy a fait la promesse suivante :
"Chère Simone Veil, si je suis élu président de la République, je serai fidèle au combat qui a été le vôtre pour les femmes françaises en portant dans le monde une parole forte de la France…Chaque fois qu'une femme sera martyrisée dans le monde, cette femme devra être reconnue comme citoyenne française et la France sera à ses côtés."
Chaque fois qu'une femme sera martyrisée dans le monde…
C’est peut-être le moment d’accomplir cette promesse électorale.
Faire d’Ayaan Hirsi Ali une citoyenne d’honneur de ce pays et déclarer face aux intolérants du monde entier que toucher à un cheveu de sa tête reviendrait à toucher à la France.
Une citoyenne d’honneur avant de devenir, si elle le désire, une citoyenne tout court.
Pierre Lefebvre © Primo, 17 octobre 2007
Auteur : Pierre Lefebvre
Date d'enregistrement : 18-10-2007