Le président irakien Talabani critique le président syrien Assad pour son soutien à l'action militaire turque au Kurdistan
Voici des extraits d'une interview du président irakien Jalal Talabani, diffusée sur Al-Arabiya le 18 octobre 2007. Voir le clip : http://www.memritv.org/clip/en/1584.htm.
"Le recours à une solution militaire pour régler le problème du Parti des travailleurs du Kurdistan serait vain "
Jalal Talabani : "Il est vrai que l'on peut accuser le Parti des travailleurs du Kurdistan [PKK] de perpétrer des opérations terroristes de temps à autre, mais pour quel résultat ? Une solution militaire mettrait-elle à coup sûr fin au problème ? Nous sommes convaincus que non. En outre, il existe une question importante… Il me semble que c'est un certain responsable turc qui a dit : 'Tel est le nombre de membres du Parti des travailleurs au Kurdistan, alors que dans les montagnes du Kandil [au Kurdistan], ils sont tant et tant.' Qu'ils se débarrassent donc de ceux qui se trouvent sur leur propre territoire, s'ils en sont capables. Peut-être leur est-il plus facile de se déplacer dans la province du Kurdistan. Mon désir d'éviter les effusions de sang chez les Turcs et les Kurdes et de protéger les intérêts de la Turquie et du peuple kurde me fait penser que le recours à une solution militaire pour régler le problème du PKK serait vain.
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Avant tout, je sui fier de mes relations de longue date avec la famille Assad, et en particulier avec l'éternel président Hafez El-Assad, auquel nous devons beaucoup, ce que nous n'oublions pas. En tant que président, j'ai [toujours] évité de faire le moindre commentaire sur la position syrienne vis-à-vis de l'Irak, ce dont vous vous souvenez très certainement. Je n'ai jamais participé à la campagne [médiatique] irakienne contre la Syrie. Voilà toutefois un point très important. Il est vrai que notre frère, Dr Bashar El-Assad, nous a rassurés quant au fait qu'il soutenait l'indépendance, la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Irak, mais ces dires contredisent le fait qu'il ait approuvé la violation de la souveraineté irakienne par des forces étrangères. [Son comportement] contredit les promesses qu'il nous a faites. Pour être franc, j'ai d'abord hésité à faire des commentaires, car j'avais du mal à y croire. Mais quand j'ai entendu de mes propres oreilles sa déclaration sur Al-Jazeera et Al-Arabiya, j'ai décidé d'exprimer mon profond regret face à cette prise de position." (…)
"Je ne crois pas que les Américains vont autoriser l'armée turque à pénétrer dans les villes kurdes"
Interviewer : M. le président, dans l'éventualité d'une opération militaire [turque], que feront les Américains ?
Jalal Talabani : Le président Bush n'a émis qu'une faible condamnation. Tout dépend de l'endroit où les forces militaires turques vont perpétrer leur opération. S'ils l'exécutent dans les montagnes du Kandil, loin des civils et sans porter atteinte aux citoyens kurdes, les [Américains] se contenteront d'émettre une déclaration verbale et d'exprimer leur stupéfaction, mais je ne pense pas qu'ils laisseront l'armée turque pénétrer dans les villes kurdes telles que Zakho, Dahuk, etc. parce qu'il leur incombe d'assurer la sécurité dans la région et en Irak." (…)
"A part l'Irak, la République d'Iran est le seul pays de la région à reconnaître la province du Kurdistan"
"Je pense que la politique du gouvernement turc est de ne pas détruire (…) Quand je dis "gouvernement turc", je veux dire le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan. Ce n'est pas sa politique de détruire le fédéralisme du Kurdistan. L'Iran a officiellement reconnu la fédéralisation du Kurdistan en invitant officiellement le frère Nechirvan Barazani, Premier ministre du Kurdistan, à visiter Téhéran en sa capacité de Premier ministre du Kurdistan. A part la Turquie, la République d'Iran est le seul pays de la région à reconnaître la province du Kurdistan. C'est pourquoi je ne pense pas que ces deux pays vont entrer en guerre pour tenter de mettre fin à ce fédéralisme." (…)
Interviewer : "M. le président, vous passez votre temps à parler de 'fédéralisme'. Qui, hormis les Kurdes, souhaite ce fédéralisme ?"
Jalal Talabani : "Les 12 millions d'Irakiens qui ont voté pour la constitution irakienne. L'Article un de la constitution irakienne déclare que l'Irak est un Etat fédéral, démocratique, indépendant et uni."
Interviewer : "Mais cet article est marginal dans la constitution."
Jalal Talabani : "Il n'est pas marginal. C'est le premier article de la constitution irakienne."
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"Comme j'ai dit, la grande majorité du peuple irakien est favorable au fédéralisme."
Interviewer : "Même les Arabes sunnites ?"
Jalal Talabani : "Nous arriverons jusqu'aux Arabes sunnites. La grande majorité des Arabes chiites le soutient, ainsi que tous les chrétiens et tous les Kurdes. Certains frères arabes sunnites y sont favorables, comme les Arabes sunnites laïcs. Même le parti islamique irakien n'est pas contre le fédéralisme du Kurdistan. Les frères sunnites arabes opposés au fédéralisme sont, en fait, contre le fédéralisme au sud, qu'ils qualifient de 'fédéralisme sectaire'. Le fédéralisme du Kurdistan profite du consensus de toutes les forces politiques actives de la société irakienne."
"Je ne pense pas qu'il y aura un retrait immédiat d'Irak"
"Je ne pense pas qu'il y aura un retrait immédiat d'Irak. Même si Hillary Clinton devient présidente et si le parti démocratique arrive au pouvoir, il n'y aura pas de retrait immédiat d'Irak. Peut-être y aura-t-il une nouvelle politique relative au déploiement de forces, à l'entraînement de l'armée irakienne, au transfert de la responsabilité de la sécurité aux forces irakiennes, ainsi qu'un retrait graduel. L'Amérique n'a pas l'intention d'effectuer un retrait immédiat, mais graduel. Lors de cette visite en Amérique, je me suis entretenu avec des dizaines de membres du Congrès. Ils étaient des deux partis et avaient des opinions divergentes, mais ils m'ont tous dit qu'il n'y aurait pas de retrait immédiat d'Irak, car ce serait pour eux à un désastre, et qu'ils croyaient en un retrait progressif."
TEXTE REPRIS DU SITE DE MEMRI