Le point de vue de Khaled Asmar - Beyrouth
L’affolement en Syrie atteste d’une vive tension qui s’empare du régime
dimanche 28 octobre 2007 - 01h45, par Khaled Asmar
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Le régime syrien semble avoir perdu toute capacité de discernement, et prend des décisions arbitraires et pour le moins suicidaires. Il est conscient que l’heure des comptes arrive à grands pas. Il doit répondre de ses ingérences au Liban et en Irak et de son exploitation du terrorisme par islamistes interposés.
« La meilleure défense étant l’attaque », la Syrie croit pouvoir encore user de ce procédé pour peser sur l’évolution en Irak. Lors de sa visite à Ankara, le 17 octobre, Bachar Al-Assad a poussé les Turcs à mener des incursions dans le Kurdistan irakien, la seule région stable d’Irak. Pour faciliter la prolifération du chaos, il a même proposé à Ankara l’ouverture du territoire syrien devant les marchandises turques exportées vers l’Irak, afin de priver les Kurdes des taxes douanières. Au passage, il facilite le commerce turc et en tire les meilleurs bénéfices. De fait, Assad a perdu tout espoir d’intervenir directement en Irak, où son rôle a été dévoilé au grand jour avec l’assassinat de l’un des islamistes de service, Abou Qaaqaa, le recruteur en chef de terroristes, sacrifié en septembre dernier après que les Américains aient saisi la liste des recruteurs et des terroristes entraînés et armés par la Syrie et envoyés en Irak.
Au Liban, le rôle déstabilisateur syrien n’est plus à démontrer. A l’approche des élections présidentielles, Damas accentue ses pressions pour monnayer l’élection par son immunité devant le Tribunal international devant jugé les auteurs et commanditaires des assassinats politiques qui ont endeuillé le Liban depuis octobre 2004. Mais l’intransigeance arabe et internationale à son égard et le soutien sans faille de la communauté internationale au Liban neutralisent les velléités syriennes et menacent même de renverser le régime, simultanément avec l’anéantissement du programme nucléaire iranien, prévu dans les mois à venir. Cette perspective affole le régime syrien et le pousse dans son dernier retranchement. Damas commence à prendre des décisions arbitraires et irresponsables qui accélèrent sa chute, ou du moins qui attestent de l’imminence de celle-ci. Pour montrer ses capacités de nuisance, Damas vient de sanctionner les exportateurs et les hommes d’affaires saoudiens, désormais exclus de tout appel d’offre en Syrie. Le commerce entre les deux pays est ainsi réduit à néant. Le vice-président syrien, Farouk Chareh, adepte de la confrontation, croit pouvoir compenser le manque à gagner grâce aux aides financières iraniennes.
Mais le signe le plus tangible de l’affolement syrien est sans conteste la plainte transmise procureur auprès du tribunal militaire syrien contre Walid Joumblatt, le leader druze libanais membre de la majorité anti-syrienne. La justice militaire syrienne doit le juger pour avoir appelé à renverser le régime de Bachar Al-Assad, appel réitéré la semaine dernière lors de sa visite aux Etats-Unis. Damas espère ainsi le condamner et demander son extradition au Liban conformément aux accords judiciaires signés par les deux pays (1951 et 1983), ou à défaut, demander à Interpol de l’arrêter. La Syrie rappelle les précédents cas de Pinochet au Chili, de Milosevic en Serbie, et d’Abdallah Oçalan livré à la Turquie.
Cette offensive syrienne intervient à la veille de l’arrivée à Damas de l’émissaire français Jean-Claude Cousseran, qui devrait mettre en garde, pour une énième fois, la Syrie contre toute ingérence dans le processus électoral libanais, condition sine qua non pour entamer un dialogue entre l’Europe et Damas. Mais surtout, la plainte contre Joumblatt serait une grenade fumigène destinée à terroriser la majorité parlementaire libanaise pour l’obliger à abandonner le projet du Tribunal international.
Khaled Asmar
TEXTE REPRIS DU SITE MEDIARABE.INFO