29 octobre 2007 - Par Caroline B. Glick
| Jewish World Review. Adaptation française de Sentinelle 5768 ©
Il va sans dire que si et lorsqu’une décision sera prise à Jérusalem ou Washington de réaliser une attaque contre les installations nucléaires de l’Iran, le public n’apprendra la décision qu’après. De la même manière, dans les semaines écoulées, il était impossible d’échapper au fait que le programme nucléaire iranien est devenu le sujet d’une attention internationale intense et toujours croissante. Cela donne naturellement l’impression que quelque chose se prépare.
Prenez par exemple les remarques du chef de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) de l’ONU, Mohammed el Baradei sur le sujet. Dans une déclaration au quotidien ’Le Monde’ lundi dernier, el Baradei affirma qu’il faudrait à l’Iran de trois à huit ans pour acquérir un arsenal nucléaire. Par conséquent, avançait-il, il n’y a aucune raison d’envisager une frappe militaire contre le programme de Téhéran. Il reste beaucoup de temps à la diplomatie, ou aux sanctions ou même aux incitations pour les ayatollahs, déclarait-il.
La déclaration d’El Baradei ne présente d’intérêt que comparée à une déclaration faite en décembre 2005 au journal ’The Independent’. A cette date, l’opinion de Baradei était que l’Iran n’en était qu’à " quelques mois " de produire des bombes atomiques. Mais alors aussi, il ne voyait aucune raison d’attaquer. Comme il le formula quand il avertit que l’Iran était au bord de produire des armes nucléaires, utiliser la force ne ferait " qu’ouvrir la boite de Pandore ". " Il y aurait des efforts pour isoler l’Iran ; l’Iran exercerait des représailles, et en fin de compte, il faudrait en revenir à la table de négociation pour trouver une solution ", prévenait el Baradei.
Etant donné que le chef égyptien de l’AIEA n’a pas cessé de faire valoir qu’à son avis, aucun obstacle ne devait être mis sur la route de l’Iran vers les bombes nucléaires, ce qui rend ses déclarations de 2005 à aujourd’hui intéressantes, c’est ce qu’elle nous rapportent sur sa perception modifiée des intentions de l’Occident. A la fin de 2005, il était presque certain que l’Occident, sous la conduite des USA, n’avait pas la volonté d’attaquer l’Iran. En faisant sa déclaration à l’époque, il cherchait à démoraliser l’Occident et ainsi de le convaincre qu’il n’y avait rien à faire pour empêcher l’Iran d’acquérir des armes nucléaires.
Aujourd’hui, confronté à une réelle éventualité que les USA ou Israël ou une association d’Etats soient prêts et volontaires pour attaquer les installations nucléaires de l’Iran, el Baradei cherche à les décourager en mettant en question la pertinence de la menace.
La déclaration d’el Baradei n’a évidemment pas été faite dans le vide. Elle est intervenue sur la toile de fond d’une unanimité croissante de l’opinion parmi les membres au plus haut niveau de l’administration Bush, qu’il faut empêcher l’Iran d’acquérir des armes nucléaires. Jeudi dernier, le Président George W. Bush a déclaré que l’Iran dotée de l’arme nucléaire provoquerait la Troisième Guerre Mondiale.
Le lendemain, le secrétaire d’Etat à la Défense, Robert Gates, qui jusqu’à récemment était réputé pour son opposition à une action militaire contre l’Iran et pour minimiser le danger que l’Iran doté de l’arme nucléaire constituerait pour les USA, déclara à un point de presse que l’Iran possédant l’arme nucléaire déclencherait probablement une course aux armes nucléaires au Moyen-Orient et serait responsable d’une guerre majeure. Gates ajouta qu’à la lumière du désir exprimé par le président Mahmoud Ahmadinejad de détruire Israël, " Washington ne pouvait pas se fier au sens de la responsabilité d’un Iran doté d’armes nucléaires ".
Aux côtés de Gates jeudi dernier se tenait l’Amiral Michael Mullen, nouveau président de la conférence de l’Etat Major Général. Mullen repoussa les affirmations selon lesquelles les campagnes des USA en Afghanistan et en Irak avaient surchargé les ressources militaires au point que les USA ne pourraient plus aujourd’hui entreprendre une campagne efficace contre l’Iran. Comme il le formula : " D’un point de vue militaire, il y a plus que suffisamment de réserve " pour monter une attaque contre les installations nucléaires de l’Iran.
Alors que la Secrétaire d’Etat Condoleezza Rice continue de se faire le champion des négociations avec les mollahs, lors une comparution devant le Comité des Affaires Etrangères du Parlement mercredi dernier, Rice reconnut que " la politique de l’Iran constitue peut-être l’unique plus grand défi pour les intérêts de la sécurité américaine au Moyen-Orient, et potentiellement dans le monde entier ". Et puis il y a Israël.
Il apparaît qu’à la fois Tsahal et le gouvernement se préparent sérieusement à l’éventualité d’une guerre. Les soudaines visites du Premier Ministre Ehud Olmert à Moscou, Paris et Londres, et le voyage du Ministre de la Défense Ehud Barak à Washington cette semaine, ont toutes été consacrées au projet nucléaire de l’Iran. L’une des choses les importantes enseignées par les reportages sur l’attaque israélienne du 6 septembre contre l’installation nord-coréenne en Syrie, c’est que le service de renseignements israélien sur la prolifération nucléaire est plus étendu, et au moins dans certains domaines, supérieur à celui des USA.
Selon les reportages des médias sur l’attaque, les USA ont approuvé l’opération israélienne après qu’Israël ait apporté aux USA la preuve indiscutable de la menace posée par le site nucléaire. A la lumière des prouesses apparentes des services de renseignement d’Israël, il semble raisonnable de faire l’hypothèse qu’Olmert et Barak ne se sont pas envolés vers ces capitales étrangères les mains vides. De fait, selon certains comptes-rendus, ils ont emporté avec eux des informations nouvelles incriminant l’état actuel du programme nucléaire de l’Iran.
Et puis il y a la Turquie, le voisin de l’Iran, à considérer.
Cette semaine, le Premier Ministre turc Recip Erdogan a fait une visite soudaine à Londres. Là, il rencontra Olmert, qui s’y trouvait ce jour-là. La réunion se tint moins de deux semaines après que le ministre des affaires étrangères Ali Babacan se soit rendu en Israël. Dans une analyse cette semaine du journal " Asia Times ", M.K. Bhadrakumar, l’ancien ambassadeur de l’Inde en Turquie lia l’intérêt soudain du gouvernement turc en faveur du Hamas en parlant d’une tension avec Israël entre la Turquie et le Kurdistan irakien. Bhadrakumar, remarque qu’Israël a des relations étroites avec le président kurde Massoud Barzani. Il fit l’hypothèse que l’intensification des discussions de haut niveau signale probablement qu’un arrangement est négocié, impliquant la position de la Turquie sur l’Iran, et la position du Kurdistan irakien sur la Turquie et le PKK. Son opinion est étayée par le fait qu’Erdogan doit rencontrer Bush à la Maison Blanche le 5 novembre.
Finalement, il est important de noter le programme anti-catastrophe de Barak destiné à l’achat et au déploiement de systèmes de missiles de défense capables de couvrir la totalité d’Israël aussi vite que possible, et les reportages des medias la semaine dernière sur des commandos américains, britanniques et australiens combattant les forces iraniennes à l’intérieur de l’Iran près de la frontière Iran-Irak vers Bassorah.
En pariant que tous ces développements signifient en fait que la date où les installations nucléaires de l’Iran se rapproche rapidement, une discussion des résultats probables d’une telle frappe semble en cours. Comment répondrait l’Iran ? Quel serait l’effet à long terme d’une telle frappe ?
Jusqu’à l’attaque d’Israël contre l’installation nord-coréenne en Syrie le mois dernier, la plupart des analystes considérait que l’Iran exercerait des représailles contre une telle frappe avec autant de force qu’elle serait capable d’en rassembler, et qu’une attaque réussie contre les sites nucléaires de l’Iran repousserait le programme nucléaire de l’Iran d’environ cinq ans.
Selon ce scénario, l’Iran mènera une contre-attaque contre Israël, comprenant une attaque de missiles balistiques entreprise conjointement par l’Iran, la Syrie, et le Hezbollah au Liban. De plus, l’Iran enverra des cellules terroristes du Hezbollah à travers le monde pour réaliser des attaques contre des cibles juives et américaines.
Mais de nouveau, aussi mauvais que cela puisse être, il n’y a pas de comparaison entre un missile iranien et une offensive terroriste et Armageddon. En repoussant l’acquisition par l’Iran d’armes nucléaires de plusieurs années, une frappe contre l’Iran donne au monde l’opportunité de faire tomber le régime par des moyens non militaires, en suscitant une révolution par les Iraniens de l’intérieur. Ce résultat demeure le scénario le plus probable. Et c’est parce qu’il demeure la conséquence la plus probable d’une attaque que Barak est enclin à mettre en place un système opérationnel de défense par missiles. Et c’est parce que c’est le scénario le plus probable que la plupart des analystes a suggéré qu’Israël devra attaquer les sites de missiles syriens et du Hezbollah en même temps que les sites nucléaires de l’Iran.
Mais l’attaque israélienne en Syrie souligne aussi les autres scénarios possibles pour le meilleur et pour le pire. Dans un entretien avec le journal ’British Spectator’, un haut fonctionnaire du gouvernement britannique a dit de l’opération israélienne : " Si les gens avaient su à quelle proximité nous en sommes arrivés de la Troisième Guerre Mondiale ce jour-là, il y aurait eu une panique massive ". Selon des reportages dans le ’Washington Post’ et le ’Sunday Times’, dans les jours précédents l’attaque, des commandos israéliens ont collecté des échantillons de sol qui montraient la présence de matériaux fissiles sur le site. Cela associé à des renseignements concernant le transfert de matériaux nucléaires, peut-être même une ogive nucléaire en provenance de Corée du Nord quelques trois jours avant l’attaque, conduit à la conclusion que loin d’être le commencement d’une entreprise de long terme, le site de Syrie était avancé et presque opérationnel.
Etant donnée la nature stratégique de l’installation attaquée par Israël, l’aspect peut-être le plus stupéfiant de l’opération est la décision de la Syrie de ne pas répondre. La non réponse de la Syrie peut nous signifier quelque chose de très optimiste sur les conséquences d’une attaque contre l’Iran. Il est possible que ce que nous avons appris de la décision de la Syrie de ne pas répondre est que dans certaines circonstances, l’Iran pourrait aussi opter pour ne pas réagir à une frappe contre ses installations nucléaires.
D’un point de vue négatif, la frappe israélienne sur la Syrie a apporté une dure réalité en pleine lumière. La nature de la cible et les reportages consécutifs ont démontré clairement que la collaboration nucléaire entre la Syrie, l’Iran, la Corée du Nord et peut-être d’autres Etats, est étroite , active, approfondie et stratégique. Dans un article publié dans le numéro de samedi dernier du ’Wall Street Journal’, les membres Républicains des comités du Congrès du Renseignement et des Affaires Etrangères, Peter Hokstra et Ileana Ros-Lehiten - qui ont tous les deux reçu des compte-rendu classifiés ’secrets’ sur la frappe israélienne - ont souligné la menace soulevée par cette collaboration étroite.
Leur article venait compléter un reportage dans l’hebdomadaire de défense ’Jane’ du mois dernier. Selon ce reportage, des ingénieurs syriens et iraniens ont été tués lorsqu’un missile Scud-C nord-coréen auquel ils fixaient une ogive de gaz moutarde, explosa accidentellement. L’explosion survint dans un dépôt militaire syrien proche d’Alep le 26 juillet.
Ce que cela peut signifier, c’est que même si une attaque contre les installations nucléaires de l’Iran à l’intérieur de l’Iran était totalement réussie, il existe une possibilité que les capacités nucléaires de l’Iran ne soient pas significativement diminuées. Ce que l’opération syrienne montre, c’est que le programme nucléaire de l’Iran est peut-être dispersé en Syrie, en Corée du Nord, et au Pakistan qui a transféré de la technologie nucléaire à l’Iran et à la Corée du nord, (ainsi qu’à la Libye et à l’Egypte).
En d’autres termes, il existe désormais une possibilité distincte que l’Iran ne soit pas l’unique pays qui devra être attaqué pour empêcher l’Iran et les Etats voyous ses alliés, d’acquérir des armes nucléaires.
Et pourtant, quand on observe l’Iran, et qu’on voit le fanatisme génocidaire non seulement d’Ahmadinejad mais du régime dans son ensemble, on comprend que, quel qu’en soit le coût, Israël et tous ceux qui souhaitent empêcher une conflagration mondiale massive ne peuvent pas permettre à l’Iran de devenir une puissance nucléaire. Tout doit être fait partout pour empêcher Téhéran d’acquérir les moyens de susciter une nouvelle guerre mondiale et de détruire l’Etat d’Israël.
Contribuant à la JWR, Caroline B. Glick est membre senior pour le Moyen Orient du "Center for Security Policy" [Centre pour la Politique de Sécurité] à Washington, DC et rédacteur en chef adjoint du " Jerusalem Post ".
http://www.jewishworldreview.com/1007/glick102607.php3