Par Caroline B. Glick | Jewish World Review -
Adaptation française de Sentinelle 5768 ©
L’opinion de la secrétaire d’Etat des USA Condoleezza Rice sur le président russe Vladimir Poutine semble directement corrélée à l’hostilité de celui-ci envers l’Amérique. Dans ce domaine, Rice défend son soutien à l’inclusion russe dans le G-7 (ou désormais le G-8), en arguant qu’il permet au club des démocraties industrielles " d’influencer " Poutine.
Dans un entretien avec le ’Wall Street Journal’ jeudi dernier, l’ancien champion du monde d’échecs et actuel chef de l’opposition politique libérale à Poutine, Gary Kasparov, a répondu ironiquement à l’idée de Rice. " Parfois, vous devez surveiller les résultats de vos brillantes théories ", a-t-il dit.
Mais à mesure que l’heure de quitter sa charge approche, l’absence de volonté de Rice d’examiner les résultats de l’une quelconque de ses brillantes théories ne fait que croître. Prenez par exemple la Corée du Nord.
Jeudi dernier, une délégation des inspecteurs nucléaires américains a voyagé en Corée du Nord pour inspecter " la neutralisation " de l’installation nucléaire de Yangbyon. Evoquant leur mission et le statut des relations USA - Corée du Nord avec la presse mercredi, le secrétaire d’Etat adjoint Christopher Hill, qui officie en tant que chef des négociateurs avec la Corée du nord, déclara que à part quelques points techniques, les USA n’avaient pas de questions en suspens avec la dictature stalinienne de Pyongyang. Selon ses termes : " Je ne crois pas qu’il reste quelque chose à résoudre. Il y aura des problèmes techniques, mais je ne crois pas que nous ayons des problèmes politiques ".
Cette position des USA sur la Corée du nord est déconcertante. De 1994 jusqu’à présent, les Nord Coréens ont transgressé tous les accords qu’ils ont passés avec les Américains. De fait, selon l’accord que Hill lui-même avait obtenu avec eux en février dernier, ils étaient supposés démanteler le complexe nucléaire de Yangbyon depuis sept mois.
Plutôt que de respecter leur engagement, et comme c’est leur habitude, les Nord Coréens l’ont ignoré et ont exigé et reçu de nouvelles concessions des Américains après la signature de la transaction. Entre autres, ils étaient supposés démanteler l’installation de Yangbyon. Désormais, pour être allé au-delà des limites après l’accord, ils sont seulement supposés la neutraliser.
Etant donné la duplicité épouvantable des Nord Coréens, on comprend mal pourquoi Hill pense qu’on peut maintenant leur faire confiance. Mais au-delà de cela, il n’est même pas clair que le démantèlement ou la neutralisation de Yangbyon aujourd’hui fera une grande différence. Comme l’ancien ambassadeur à l’ONU John Bolton l’a écrit en août, Yangbyon a cessé d’être la composante centrale du programme des armes nucléaires de la Corée du Nord depuis plusieurs années. Dans les années récentes, Pyongyang a dispersé son programme nucléaire dans des sites secrets aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Et ces sites sont ignorés dans l’accord passé avec Hill.
Cela nous ramène à sa déclaration de mercredi. Comment l’homme en charge de la Corée du Nord au Département d’Etat peut-il proclamer que les USA n’ont pas de " problèmes politiques " avec celle-ci moins de deux mois après qu’Israël aurait détruit une installation nucléaire nord-coréenne en Syrie, construite sur le modèle du complexe de Yangbyon ? Suivant la collaboration nucléaire apparente de la Corée du Nord avec la Syrie, et sa collaboration nucléaire bien documentée avec l’Iran, proclamer que les USA n’ont pas de questions politiques à discuter avec celle-ci, c’est arrêter l’incrédulité. Ainsi le Département d’Etat de Rice insiste pour aller de l’avant dans l’exécution d’un accord fondé sur le déni de la réalité. Peut-être pire encore, c’est un accord qui laisse le Japon, le plus important allié asiatique des USA et la cible la plus vulnérable de la Corée du Nord, en victime de choix sans défense.
Comme le Japon en Asie, de même pour Israël au Moyen-Orient. L’intérêt de Rice dans l’établissement d’un Etat palestinien se dresse en combinaison avec l’extrémisme palestinien. Le chef du Fatah soutenu par les USA, Mahmoud Abas a récemment affirmé qu’il ne signera pas un traité de " paix " avec Israël qui n’inclue pas l’engagement israélien de se retirer sur les lignes d’armistice de 1949, et d’accepter un nombre illimité d’Arabes nés à l’étranger, dénommés " réfugiés palestiniens ", comme citoyens à l’intérieur de ses frontières tronquées. Plutôt que d’accepter que cette position fait capoter toute possibilité d’obtenir un accord, la réponse de Rice à l’extrémisme d’Abbas a été d’annoncer que les USA vont donner 450 millions de $ à l’enclave du Fatah soutenue par Israël en Judée et Samarie. Plus de 100 millions de $ sont destinés au cabinet d’Abbas.
Et plutôt que de condamner le Fatah pour ses activités terroristes (comme le complot des membres de ses forces de sécurité pour assassiner le Premier Ministre Ehud Olmert) le Département d’Etat annonce des plans pour engager des sociétés privées de sécurité pour la formation des forces du Fatah. De plus, plutôt que d’exiger des explications sur les déclarations de membres du Fatah indiquant qu’ils vont renouer des négociations avec le Hamas après le sommet préparé par Rice à Annapolis, le Département d’Etat a augmenté sa pression sur Israël pour démanteler toutes les communautés juives construites en Judée et en Samarie depuis 2001, et empêcher les Juifs de ne rien construire au-delà des lignes de cessez-le-feu de 1949.
Toutes ces machinations soulèvent inévitablement la question : " Pourquoi Rice agit-elle ainsi ? "
Qu’est-ce qui la pousse à compromettre les intérêts de la sécurité américaine et à affaiblir les alliés des USA ?
Une réponse à ces questions commence par la comparaison des destinées diverses d’anciens responsables des choix politiques des USA qui ont fondé leur politique sur l’illusion, par rapport à ceux des décideurs politiques qui ont construit une politique sur la réalité.
Prenez par exemple Joseph Cirincione, ancien membre professionnel du Congrès dédié aux questions du contrôle des armes. Il est considéré comme un expert de la prolifération nucléaire et il est largement sollicité par les media et consulté par les politiciens. Le statut d’expert de Cirincione montre clairement qu’être considéré comme tel n’est pas nécessaire pour vraiment savoir de quoi on parle.
En 2003, il rejeta la notion que la Syrie était intéressée par des armes nucléaires. Et le 19 septembre 2007, il qualifia " d’absurdité " les reportages de presse concernant l’installation nucléaire nord-coréenne qu’Israël aurait détruite en Syrie. Il affirma ensuite que les reportages provenaient d’un complot tramé par un petit groupe d’officiels laissant échapper ’une information’ non confirmée, enjolivée, vers des journalistes importants, pour promouvoir un agenda politique prédéterminé ".
Après que les photographies aériennes du site en Syrie eurent été publiées, Cirincione concéda que la preuve photographique "incline en faveur d’un programme nucléaire ". Mais il insista pour dire que même si c’était le cas, la Syrie ne constitue pas une menace.
Cirincione est pareillement non préoccupé par les programmes nucléaires iranien et nord-coréen. Dans les deux cas, il soutient que les USA doivent conduire des négociations sans conditions préalables, sans quoi les USA déclencheraient la colère de ces pays non menaçants, et les entraîneraient à soutenir le terrorisme et à fabriquer des armes nucléaires.
En reconnaissance de l’expertise et de la sagesse de Cirincione, il a été classé comme l’une des 500 voix les plus influentes pour la formation de la politique étrangère américaine.
Et puis il y a l’ancien médiateur américain au Moyen-Orient Dennis Ross. Pendant son long mandat, Ross a conçu et exécuté une stratégie fondée sur l’hypothèse que la paix serait obtenue entre Israël et les Palestiniens par un processus extensif où Israël serait obligé de faire des concessions à Yasser Arafat. Après que la stratégie et les hypothèses sur lesquelles cela était fondé se furent écroulées en 2000, Ross fut assez honnête pour reconnaître son erreur fondamentale. Et pourtant, malgré cela, Ross continua d’adhérer avec entêtement à cette faillite politique et aux fausses hypothèses sur lesquelles elle était fondée depuis lors. Et pour cela, il est vanté comme un expert des affaires du Moyen-Orient, et paraît régulièrement à la télévision comme une autorité digne d’estime.
Pour finir, il y a les estimés anciens conseillers nationaux à la sécurité des présidents Carter et Bush senior, Zbigniew Brzezinski et Brent Scowcroft. Alors qu’il est impossible à quiconque de toujours prédire ou saisir les évènements dans le monde, pendant leur mandat, aussi bien Brzezinski que Scowcroft se distinguèrent tous les deux pour leur incapacité répétée dans les deux domaines. Brzezinski fut surpris par l’invasion soviétique en Afghanistan, et il échoua à parvenir à une politique cohérente pour faire face à l’échec de la détente que l’invasion signalait.
De plus, il soutint l’ayatollah Khomeiny contre le Shah d’Iran et encouragea le Shah à négocier avec Khomeiny : il contribua ainsi au succès de la révolution islamique. Il échoua ensuite à noter l’hostilité intrinsèque du régime de Khomeiny, ou à bâtir une politique pour y faire face même après la prise de l’ambassade des USA à Téhéran en 1979.
Et puis il y a Scowcroft : il échoua à prévoir le démembrement de l’Union Soviétique y compris quand il se produisit devant ses yeux. Et après que l’URSS se fût effondrée, avec l’ancien président Bush, il tenta de la reconstituer.
Au-delà de cela, Scowcroft, Bush père et l’ancien secrétaire d’Etat James Baker sont au moins partiellement responsables de la violente lutte intestine qui s’est déroulée en Irak après la chute du régime de Sadate. En 1992, après avoir encouragé la majorité shiite à la révolte, ils ont tourné le dos aux shiites et les ont laissés se faire massacrer par les forces de Saddam. A travers cela, ils ont détruit la crédibilité des USA au sein du peuple irakien.
Plutôt que d’être rejetés pour leurs échecs, depuis qu’ils quittèrent leur mandat, au moins l’un d’entre semble être devenu l’expert de toute réunion de politique étrangère. Ensuite aussi, les media exigent régulièrement que les hauts fonctionnaires de l’administration répondent à leur avis et opinion " d’expert " sur les questions d’actualité.
En réalité, leurs opinions ne sont pas très différentes de celles de Cirincione ou de Ross. De fait, il semble que quelle que soit la question posée, l’avis de Brzezinski et Scowcroft soit toujours le même : " Mettez la pression sur Israël pour abandonner des territoires ou des arsenaux stratégiques, et conciliez-vous avec le tyran du jour, qu’il s’agisse de Saddam Hussein, de Mahmoud Ahmadinejad, de Kim Jung Il, de Bashar Assad, de Pervez Musharraf, du roi saoudien Abdullah ou de Vladimir Poutine. Et ne faites rien sans l’aval du Conseil de Sécurité de l’ONU.
A l’opposé des destinées de ces hommes avec celles d’hommes comme Bolton, ou Richard Perle, prenons seulement deux exemples. Au cours du premier mandat de Bush, en tant que sous-secrétaire d’Etat chargé du contrôle des armes et de la sécurité internationale, Bolton supervisa l’établissement de l’Initiative de Sécurité de Prolifération [PSI en anglais, Ndt]. Avec près de 100 nations membres, la PSI constitue le programme de contre prolifération internationale le plus réussi entrepris par l’administration.
De même pour Perle, en tant que secrétaire assistant de la Défense pour la politique de sécurité internationale dans l’administration Reagan, il a conçu nombre de stratégies politiques qui ont provoqué l’effondrement de l’Union soviétique.
Pourtant, Bolton est écarté par les media comme un " faucon " et un partisan de la " ligne dure ". Pour sa part, Perle est vilipendé comme le " Prince des Ténèbres " et le parrain de la soi-disant " conspiration néo-conservatrice ". Evidemment, ils ne sont pas les seuls à partager ce sort.
En Israël, où les opinions parmi les décideurs politiques et les media sont encore plus uniformes, la situation est encore plus problématique. Le fait que Shimon Pérès, père avec Arafat du processus d’Oslo en faillite, soit maintenant le chef de l’Etat, montre clairement combien les élites d’Israël envisagent l’idée de faire face aux résultats de " brillantes théories ".
Tout ce que cela signifie est que dans l’environnement actuel, le statut des anciens hauts fonctionnaires comme experts est directement proportionnel à leur volonté " de se faire les champions de " brillantes théories " après que la réalités les aient rejetées. Pour modifier volontairement le parcours de Rice, l’environnement devra d’abord changer.
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Contribuant à la JWR, Caroline B. Glick est membre senior pour le Moyen Orient du "Center for Security Policy" [Centre pour la Politique de Sécurité ] à Washington, DC et rédacteur en chef adjoint du " Jerusalem Post ".