24.1.09
«Crimes de guerre» : Israël prépare sa défense
Hier à Hébron, des officiers de police israéliens ont dispersé à l'aide de gaz lacrymogène une manifestation palestinienne qui célébrait la « victoire » du Hamas dans la bande de Gaza.
Peut-on imaginer une manif comme celle-ci de non-musulmans dans un pays musulman????
Adrien Jaulmes
figaro.fr
Le ministre de la Justice est chargé de défendre l'État contre d'éventuelles mises en cause devant les instances internationales. La censure militaire interdit de publier le nom ou le visage des officiers ayant combattu à Gaza.
LES TROUPES israéliennes se sont retirées, et les médias étrangers comme les ONG ont finalement été autorisés à rentrer sans restrictions à Gaza. En Israël, la classe politique et l'opinion se félicitent presque unanimement de cette « splendide petite guerre », livrée pendant trois semaines à huis clos contre le Hamas à Gaza. Malgré plusieurs centaines de morts civils et des destructions considérables, le mouvement islamiste palestinien est toujours au pouvoir, les tunnels de contrebande sont en passe d'être remis en service et le soldat Gilad Shalit est toujours prisonnier. Mais la majorité des Israéliens estime que l'opération de Gaza a restauré la « capacité de dissuasion » de Tsahal, entamée après l'issue incertaine de la guerre de 2006 contre le Hezbollah.
Cependant, à mesure que les premières sources indépendantes commencent à dresser le bilan réel de cette opération, le gouvernement israélien prend des mesures préventives contre d'éventuelles poursuites.
Car au-delà du nombre important de victimes « collatérales », civils tués pendant des combats livrés dans un milieu urbain extrêmement dense d'où il leur était impossible de s'enfuir, plusieurs cas de violations du droit de la guerre commencent à être documentés, qui pourraient se révéler embarrassants pour Israël. Le rapporteur spécial de l'ONU pour les Territoires palestiniens, Richard Falk, a déjà déclaré qu'Israël avait violé les conventions de Genève pendant sa campagne contre le Hamas. L'État hébreu a rétorqué que ce diplomate était connu pour son « biais anti-israélien ».
Même si certains cas sont litigieux, il n'en reste pas moins que plusieurs épisodes de l'opération peuvent potentiellement tomber sous l'appellation de « crimes de guerre ».
Mises en causes à l'étranger
Le bombardement de l'école de l'UNRWA dans le camp de Jabaliya, qui a fait 39 morts civils, mais aussi des témoignages de civils abattus alors qu'ils brandissaient des drapeaux blancs ou ensevelis dans leurs maisons par des bulldozers, d'ambulances prises pour cibles et de divers objectifs dépourvus de signification militaire détruits par un feu disproportionné pourraient déboucher sur des mises en cause de militaires et de responsables politiques israéliens devant des juridictions étrangères.
Le premier ministre israélien, Ehoud Olmert, a chargé hier son ministre de la Justice de défendre l'État face à des accusations de « crimes de guerre ». Le ministre Daniel Friedman a été désigné pour diriger une équipe interministérielle qui coordonnera la défense juridique des responsables civils et militaires contre d'éventuelles demandes de poursuites, notamment auprès d'instances internationales. Israël, qui n'a pas signé la charte fondant la Cour pénale internationale de La Haye, ne craint pas les procédures de cette juridiction. Mais la plupart des pays européens ont adopté des lois leur permettant de poursuivre les auteurs de crimes de guerre sur leur territoire.
La censure militaire a déjà commencé à appliquer des restrictions interdisant de publier dans les médias les noms et les visages des officiers ayant participé à l'opération, pour éviter qu'ils soient mis en cause à l'étranger. Les officiers supérieurs et même le ministre de la Défense devront demander une autorisation avant de voyager à l'étranger, de peur qu'ils soient arrêtés pendant leur séjour dans certains pays européens. En 2002, une procédure de ce type avait compliqué les déplacements de l'ancien premier ministre Ariel Sharon en Belgique.