par Annie Lessard, Marc Lebuis
« Nous devons concentrer toutes nos énergies à détruire l’idéologie d’Al-Qaïda, et combattre idéologie contre idéologie. Nous ne devons faire preuve d’aucune tolérance envers cette idéologie, qui est une plus grande menace pour le monde arabe que pour l’Occident ».
Tariq Alhomayed est l’éditeur en chef d’Asharq Alawsat, un important quotidien panarabe.
Nous endossons certainement ce message de M. Alhomayed. La guerre à la terreur est une guerre contre une tactique. Tant que l’idéologie avilissante qui anime les djihadistes n’est pas nommée et anéantie, la lutte au terrorisme ne mènera à rien. C’est une guerre idéologique qu’il faut livrer, tant contre le djihad violent que le djihad furtif.
Traduction de : Recognizing Al Qaeda ?, par Tariq Alhomayed, Asharq Alawsat, le 25 janvier 2009
Dans son discours d’investiture, le Président américain Barack Obama a tendu la main au monde islamique et l’a salué. Il a passé sa première journée à la Maison Blanche à prendre des décisions historiques dont la plus importante a été celle de fermer la prison américaine de Guantanamo Bay et le réseau des prisons secrètes de la CIA.
Obama a appelé les dirigeants du Moyen-Orient et il a discuté avec eux des questions qui préoccupent le monde arabe et islamique, ce qui démontre sa volonté de se pencher sur ces questions dès le premier jour de sa présidence. En outre, Washington a nommé des émissaires spéciaux pour le Moyen-Orient ainsi que pour le Pakistan et l’Afghanistan.
Les décisions et les discours de Obama, qui expriment de bonnes intentions envers notre région, ont été accueillis de différentes manières. La réaction la plus étrange a été celle du colonel Mouammar Kadhafi de la Libye qui a appelé Washington à revoir son approche vis-à-vis du leader d’Al-Qaida, Oussama Ben Laden, et à lui donner une chance de s’amender. Kadhafi a également invité à engager un dialogue avec Ben Laden pour comprendre ses motivations.
Le groupe Jamaat Islamiya a également fait une suggestion, mais à Al-Qaïda plutôt qu’à Washington. Il a appelé l’organisation Al-Qaida à accorder une trêve de quatre mois à l’Occident et à donner une chance à Obama afin de vérifier le caractère équitable des positions du nouveau Président américain.
C’est plutôt étrange que le Jamaat Islamiya en Egypte ait demandé à Al-Qaïda de ne pas traiter Obama comme un autre George W. Bush ! Est-ce que cela signifie que nous avons reconnu Al-Qaïda ? Est-ce que la demande du Jamaat Islamiya signifie que si Obama n’agit pas d’une manière qui satisfait Al-Qaida, alors l’organisation terroriste pourra faire ce qu’elle veut ?
En ce qui concerne le dialogue avec Al-Qaïda, qui serait autorisé à représenter l’organisation terroriste ? Ce que je crains le plus, c’est que l’un des pays qui aspire à un rôle régional ou international appellerait ouvertement à la tenue d’une conférence de réconciliation avec Al-Qaïda sur son territoire !
Ce qui est frustrant avec cette proposition, c’est qu’elle démontre que nous n’avons pas encore bien compris le danger de l’idéologie d’Al-Qaida et l’essentiel de ses objectifs, en dépit de tous les crimes que l’organisation terroriste a commis non seulement en Occident mais aussi dans nos pays arabes au cours des huit dernières années.
L’erreur la plus grave que nous commettons est de croire que le simple changement d’avis d’un membre d’Al-Qaïda signifie que nous aurons affaibli l’organisation. Pour les fins de la discussion, supposons que Oussama Ben Laden dirait qu’il regrette tout ce qu’il a fait à l’humanité et à la religion islamique (et cela est très peu probable), est-ce que cela signifierait la fin d’Al-Qaïda ? Bien sûr que non. Comme dit l’adage, le ruisseau trouvera toujours son chemin. Quelqu’un d’autre émergera pour surenchérir le leader d’Al-Qaida et déclarer que Ben Laden ne les représente plus. Ils le surpasseront aisément, et chercheront également à l’éliminer.
Le danger d’Al-Qaïda ne réside pas chez ses membres mais dans son idéologie. Le seul fait d’appeler à un dialogue avec Al-Qaida démontre le niveau de notre myopie, et notre incapacité à comprendre ce qui est une plus grande menace pour nous que pour l’Occident. Nous avons besoin de nous attaquer à la menace que pose l’idéologie d’Al-Qaïda plutôt qu’aux membres de cette organisation.
Ce dont nous avons besoin est de diriger toutes nos énergies vers la destruction de cette idéologie et de lutter idéologie contre idéologie. Nous ne devons faire preuve d’aucune tolérance envers cette idéologie, et encore moins laisser entendre que nous lui donnons une autre chance d’exister. Cela signifierait que nous reconnaissons une légitimité à cette idéologie extrémiste et lui donnons la chance de survivre.
Les échanges avec Washington et Obama sont importants, surtout sur les questions qui nous touchent. Mais si nos réactions ressemblent à celles qui sont mentionnés ci-dessus, alors ce sera frustrant, non pas pour Washington, mais pour nous les peuples de la région qui avons espoir en un avenir meilleur.