15.1.09
Europe/ Gaza et la gauche
Le social-démocrate allemand Franz-Walter Steinmeier soutient Israël. La socialiste française Martine Aubry préfère le Hamas. La vraie gauche appréciera. Et se souviendra.
La gauche véritable, le parti des pauvres, des humbles, des droits de l'homme et de la paix, existe encore. En Europe, c'est peut-être le ministre allemand des Affaires étrangères, le social-démocrate Franz-Walter Steinmeier, qui l'incarne le mieux aujourd'hui.
Agé de cinquante-trois ans, ce fils de menuisier s'est élevé dans l'échelle sociale par les études et le mérite. Docteur en droit en 1991, il est remarqué la même année par Gerhard Schröder, alors ministre-président social-démocrate du Land de Basse-Saxe, qui en fait son conseiller juridique, avant de le nommer directeur de cabinet en 1993. Cette collaboration est fructueuse : en 1998, quand Schröder devient chancelier, Steinmeier le suit à Berlin ; en 1999, il devient directeur de la Chancellerie fédérale, l'un des postes-clés du gouvernement allemand. On le surnomme « l'Efficience grise » (« die graue Effizienz ») : un jeu de mot, on l'aura compris, sur « Eminence grise » (« die graue Eminenz ») ?
En 2005, la chrétienne-démocrate Angela Merkel succède à Schröder, à la tête d'un gouvernement de coalition regroupant la droite et les sociaux-démocrates. Steinmeier devient ministre des Affaires étrangères : c'est la première fois, depuis 1982, que ce poste échoit à un socialiste. L' « efficience » (en bon français, on dirait plutôt l'efficacité) se confirme : en 2007, Steinmeier est nommé vice-chancelier. Et en 2008, il est élu à la présidence du parti social-démocrate (SPD). Ce qui fait de lui le candidat à la chancellerie pour les prochaines élections fédérales, en 2009.
Merkel et Steinmeier, partenaires mais rivaux au sein du gouvernement allemand actuel, ont au moins un point en commun : ils sont pro-israéliens. Lors de sa visite en Israël, en fin de semaine dernière, le ministre allemand des Affaires étrangères a observé : « Nous savons que l'Etat juif n'a pas déclenché sans raisons sérieuses les opérations militaires actuelles à Gaza, et que le Hamas est derrière les bombardements continuels du territoire israélien à partir de la zone côtière... Nous sommes conscients des conséquences de ces bombardements pour la population israélienne. Les civils vivent dans la peur. Il y a des morts, des blessés. Nous savons qu'aucun gouvernement au monde ne peut rester passif face à une pluie quotidienne de roquettes ». Un autre langage, assurément, que celui du président français Nicolas Sarkozy sur la « disproportionnalité » des opérations contre le Hamas.
Steinmeier ne se borne pas à reconnaître à Israël le droit de se défendre : il entend "soutenir" l'Etat juif : « Il est vital que la communauté internationale soutienne Israël. Nous avons besoin d'un cessez-le-feu qui apporte la sécurité à Israël. Les bombardements par roquettes à partir de Gaza et l'introduction illégale d'armes à Gaza doit cesser. Nous devons faire en sorte, enfin, que les accords passés entre Israël et les Palestiniens ne restent pas lettre morte. Notre but, c'est la stabilité du Proche et du Moyen-Orient. » Là encore, la différence avec les atermoiements du gouvernement français actuel est flagrante. Mais aussi avec les positions qu'adopte la gauche socialiste dans d'autres pays européens, à commencer par la France.
A rang égal, à responsabilités égales, et au même moment, comment Martine Aubry, leader actuel du parti socialiste français, a-t-elle réagi ? Citons sa déclaration du 10 janvier : « Nous en appelons à un cessez le feu immédiat… Nous devons ici dire au gouvernement d'Israël qu'il est scandaleux de ne pas suivre les résolutions de l'Onu, qu'il est scandaleux d'affamer Gaza comme il le fait aujourd'hui et que son attitude ne peut être acceptée par aucun démocrate porteur de paix dans le monde ». Dont acte, Madame Aubry, dont acte. Ceux qui en France se réclament de la gauche, la vraie, n'oublieront pas. Pas plus que les amis d'Israël, quelle que soit leur origine ou leur famille politique.
Ségolène Royale se tait. Les autres ténors du parti socialiste se taisent. Le bureau politique du parti se prononce, le 6 janvier, souhaite que la France œuvre, au sein du Conseil de sécurité de l'Onu, pour une « résolution contraignante ». Ce qui, compte tenu de la nature du conflit, entre un Etat et une organisation non-étatique, ou plus exactement une organisation totalitaire qui s'est emparée par la violence d'un territoire, signifie en clair : une « résolution contraignante » pour Israël seulement. Le PS ajoute qu' « Israël fait un usage excessif de la force… illégitime au regard du droit international ». Dont acte, cher parti socialiste, ou néo-socialiste, dont acte. La vraie gauche apprécie. Et se souviendra.
J'en ai parlé avec des amis socialistes français. Ils étaient gênés. Ils ont fini par reconnaître que le parti devait prendre en considération le poids de l'électorat musulman. Vraiment ? Il n'y a peut-être pas de musulmans en Allemagne ? Et ceux-ci votent à droite, en général ? C'est injurier les immigrés venus des pays d'islam que de ne pas leur reconnaître le droit d'être de gauche, au sens historique du mot : du parti des pauvres, des humbles, des droits de l'homme et de la paix.
© Michel Gurfinkiel et Hamodia, 2009