par David Ruzié
professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Vous trouverez, par ailleurs, sur ce site, le lien pour l’article du correspondant à Jérusalem du journal Le Monde, publié dans le numéro daté des 2-3 novembre, rendant compte d’une décision de la Cour suprême d’Israël, validant un projet de musée, qui avait été contesté par les musulmans, au motif que le site choisi à Jérusalem empièterait sur un vieux cimetière musulman.
Pour une fois, Michel Bôle-Richard fait preuve d’une parfaite objectivité, sans chercher, comme à l’accoutumée à mettre en difficulté Israël.
En effet, s’il indique que la construction d’un Musée de la tolérance, initiée et financée par le Centre Simon-Wiesenthal de Los Angeles, empièterait sur un « vieux » cimetière musulman, il précise bien que ce cimetière « n’est plus utilisé depuis l’indépendance d’Israël en 1948 » et qu’il est « aujourd’hui désaffecté, mais encore couvert de tombes aux pierres disjointes ».
Ce qui, évidemment, n’autoriserait pas pour autant à négliger les tombes, qui s’y trouvent. C’est la raison pour laquelle le journaliste du Monde relève que la Cour suprême a noté que la majeure partie de ce musée allait être construite sur l’emplacement d’un ancien parking datant de 1960 (donc avant les événements de la guerre de Six jours), « pour lequel aucune objection n’avait alors été présentée ». Mais surtout, la Cour a fixé aux promoteurs un délai (60 jours) pour trouver une solution « afin soit de déplacer les restes humains dans un autre cimetière, soit de construire une partie du musée sur des pilotis afin de respecter les tombes, dont certaines ont près de 400 ans ».
Mais si nous avons tenu à insister sur cette nouvelle péripétie de travaux entrepris à Jérusalem, c’est qu’une fois encore (v. ce que nous écrivions récemment à propos des travaux d’aménagement de l’accès au Mont du Temple/Esplanade des Mosquées), le monde musulman choisit cet événement pour manifester son aversion, pour ne pas dire plus, d’Israël.
Ainsi, le journaliste du Monde, sans pour autant – malheureusement - déplorer ces prises de position quelque peu excessives, précise que le mufti de Jérusalem a dénoncé « la judaïsation de Jérusalem » et estimé qu’il s’agissait « d’une agression ». Le porte-parole du Mouvement islamique arabe israélien est allé encore plus loin en n’hésitant pas à parler « d’oppression ethnique et religieuse ». Mais, ce qui nous paraît plus inquiétant – eu égard à certaines démarches entreprises, récemment, par le roi du Maroc, et dont il a été fait état sur Guysen.Israel.New s, c’est que le chef du mouvement islamique a promis « d’activer le monde arabe et musulman » pour empêcher la construction.
De fait, comme nous avons eu l’occasion de l’indiquer, ici même, à différentes reprises, il ne faut pas perdre de vue qu’en réalité, le conflit actuel n’est apparemment qu’un conflit israélo-palestinien. A différentes reprises, on a nettement l’impression qu’il s’agit, en réalité, d’un conflit israélo-arabe ou israélo-musulman.
Le monde arabe ou musulman indépendamment qu’il a, sans doute, quelque difficulté à accepter l’idée d’un Etat non musulman au Proche-Orient, car il considère, abusivement, que cette région est « terre d’Islam » (Dar el islam), préférerait également ne pas avoir à envisager la création d’un Etat palestinien qui, au moins dans l’esprit de sa population, devrait être, à l’image d’Israël, un pays démocratique.
Donc, il y aurait un risque de contagion aux portes de régimes, qui, jusqu’à présent, n’ont guère marqué d’intérêt pour la démocratie.
Aussi, tout ce qui peut gêner Israël retarde d’autant l’acceptation de cet Etat dans un monde environnant, quelque peu hostile, c’est le moins que l’on puisse dire. Et ce qui met Israël en difficulté éloigne d’autant la paix et, donc, la création d’un Etat palestinien, coexistant avec l’Etat d’Israël.
La Cour suprême d’Israël, qui n’avait à se placer que sur le plan du droit, a eu raison de statuer comme elle l’a fait.
Mais, même si les protestations arabo-musulmanes que nous venons d’évoquer nous paraissent dénuées de tout fondement, il n’est pas certain que sur le plan de l’opportunité, ce projet apparaisse fondé.
Indépendamment de son coût (250 millions de dollars), il nous semble que ni le lieu, ni le moment soient particulièrement bien choisis.
En tout cas, eu égard aux fréquentes récriminations d’autorités religieuses juives à l’égard de certains projets d’urbanisme à Jérusalem, on ne peut se contenter de l’argument du rabbin Marvin Hier, fondateur et doyen du Centre Simon-Wiesenthal, pour qui « Jérusalem a 3 000 ans et chaque pierre et chaque parcelle de terre ont une histoire qui est vénérée par toutes les confessions ».
Il est vrai que ce rabbin ne fait qu’appuyer l’argument du département israélien des antiquités qui, d’après le journaliste du Monde , aurait fait remarquer qu’il n’était pas possible d’arrêter un projet chaque fois que l’on trouve une tombe, car la terre de Jérusalem est couverte de tombes.
Certes, on ne peut que partager le point de vue du rabbin Hier lorsqu’il déclare qu’il faut « respecter le passé sacré, mais, en même temps, nous devons permettre à Jérusalem d’avoir un avenir ».
Le tout est de savoir si le souci de promouvoir « la tolérance entre les peuples », qui nous semble, effectivement, parfaitement louable, justifie un tel projet, hic et nunc (ici et maintenant).