24.2.09

Liban : Des experts allemands au chevet des frontières libanaises



La nature du terrain le long de la frontière, comme ici à Heloua, facilite la circulation des trafiquants.
Depuis 2006, une mission allemande assiste les autorités dans l'administration des frontières avec la Syrie. Les succès rencontrés jusqu'ici laissent espérer, sur le plan technique, une souveraineté nationale libanaise plus complète dans les années à venir.
Par George ACHI



Les problèmes qui se posent à la frontière libano-syrienne ne sont pas seulement diplomatiques. Sur le terrain, c'est à des défis d'ordre technique que sont confrontées les autorités libanaises, lorsqu'il s'agit de contrôler les flux de personnes et de marchandises qui circulent quotidiennement d'un pays à l'autre. Après la guerre de 2006, Israël n'avait accepté de lever le blocus sur le Liban qu'à condition que ces 375 km de frontière soient sécurisés et surveillés par une instance internationale - notamment pour réduire le trafic d'armes qui approvisionne le Hezbollah en provenance de la Syrie. Pour assurer ce rôle, c'est une mission allemande qui s'est constituée autour des Libanais, après un accord conclu entre le Premier ministre Fouad Siniora et la chancelière Angela Merkel.

Une mission d'aide et de conseil
Cette mission n'entrave en rien la souveraineté du Liban sur son territoire - son rôle est uniquement consultatif. Il s'agit principalement de conseiller les autorités libanaises sur la protection des frontières, d'assurer l'entraînement des officiers en charge de cette protection et de financer des équipements permettant une efficacité optimale. De grandes avancées ont été faites depuis 2006, mais le chemin reste long avant de pouvoir compter sur des frontières qui soient à la fois sûres et rapides à traverser.
« Le principal problème auquel nous sommes confrontés est le manque de communication entre les Libanais, raconte le colonel Franz Vogl, à la tête de la mission allemande. Pour des raisons politiques ou confessionnelles, les informations circulent mal entre les différentes structures, ce qui ralentit considérablement le travail d'ensemble. » Ce manque d'unité et de communication est visible sur le terrain. Lorsqu'un véhicule traverse la frontière de la Syrie vers le Liban, la loi veut qu'il soit soumis à trois contrôles différents : un contrôle d'identité, un contrôle douanier et un contrôle de sécurité. Plutôt que d'effectuer ces différentes vérifications au même moment à un poste-frontière unique, les autorités demandent au véhicule de s'arrêter à trois postes successifs - un pour chaque contrôle.

« Coopérer, coordonner, communiquer »
Cette procédure a deux effets négatifs sur l'efficacité du contrôle de la frontière. D'une part, elle ralentit considérablement le flux de personnes et de marchandises ; un ralentissement qui peut avoir des conséquences économiques, par exemple lorsqu'il s'agit de denrées alimentaires périssables. D'autre part, l'éloignement des différents postes accentue l'hermétisme entre chaque service, facilitant les fraudes. « La police européenne a une approche en trois mots-clés : coopérer, coordonner, communiquer, explique le colonel Vogl. Les autorités libanaises gagneraient à s'en inspirer. » Selon un officier de l'armée libanaise, qui a souhaité garder l'anonymat, les « rivalités traditionnelles » entre l'armée, la Sûreté générale et les Forces de sécurité intérieure empêchent cette collaboration et ne sont pas près de disparaître ; elles se trouvent même accentuées par les clivages politiques qui se font et se défont sur la scène nationale.
La présence des conseillers étrangers prend alors tout son sens : la mission allemande a encouragé et permis, ponctuellement, la création d'unités de travail combinant les différents services libanais. C'est le cas de ces patrouilles qui surveillent désormais la frontière nord, composée chacune de quatre officiers : un douanier, un officier de l'armée, un autre de la Sûreté générale et un dernier des Forces de sécurité intérieure. Ainsi, quel que soit le problème rencontré par l'une de ces patrouilles, celle-ci comprend un agent capable de le traiter. Ces patrouilles constituent l'un des points forts d'une « force frontalière commune » composée de 800 officiers et chargée de surveiller et contrôler la frontière nord.

Succès au Nord, nouveaux défis à l'Est
En raison de sa structure géographique, cette frontière nord est particulièrement difficile à administrer : c'est une vaste plaine qui offre aux clandestins un large éventail de points de passage aisés. Outre la mise en place de nombreux check-points et de patrouilles mobiles, la « force frontalière commune » a un rôle d'observation et permet aux autorités de prévoir les flux en provenance de Syrie pour mieux les gérer. Les responsables de la mission allemande se disent aujourd'hui satisfaits des résultats obtenus - il s'agit maintenant de reproduire ce succès à l'Est, où la frontière s'étend sur 200 km de montagnes et de routes sinueuses.
« Ça ne va pas toujours aussi vite qu'on le voudrait, regrette le colonel Vogl. Mais c'est un défi pour nous. Nous travaillons avec des officiers très motivés et nous avons pour ambition de redonner au Liban sa souveraineté nationale. » Les frontières terrestres ne sont pas les seules concernées par ce programme de soutien, qui vise également les frontières maritimes et aériennes. Ainsi, le personnel de l'aéroport Rafic-Hariri bénéficie d'une formation allemande en matière de détection de faux documents, en complément au programme d'aide à la sécurité aéroportuaire mis en place par l'ambassade de France.
L'efficacité de la mission allemande, ainsi que des autres programmes de conseil et de soutien étrangers, est un pas de plus vers la mise en place des conditions techniques nécessaires à la souveraineté nationale du Liban.
Leurs succès sont réels et mettent d'autant plus en valeur la nécessité de compléter ce processus au niveau diplomatique, les frontières libanaises étant plus poreuses que jamais.