2.3.07

INTERVIEW DE RAYMOND BARRE

Raymond Barre et « les Français innocents » de l’attentat de la rue Copernic
02/03/07 - - : Extrème-Droite




Dans une interview diffusée le 1er mars dans l’émission « le rendez-vous des politiques » sur France Culture, l’ancien premier ministre dénonce « la campagne qui a été faite par le lobby juif le plus lié à la gauche » en 1980 et considère qu’on a fait de Maurice Papon un « bouc émissaire ».
Ci-dessous, l’intégralité des propos de l’ancien Maire de Lyon sur Papon, l’attentat de Copernic et Bruno Gollnisch, les questions des journalistes ayant été raccourcies.

Maurice Papon était le Ministre du Budget de Raymond Barre de 1978 à 1981. Est-ce qu’aujourd’hui vous ne regrettez pas ?
Raymond Barre : Premièrement, je ne le regrette pas, parce que je sais dans quelle condition, j’ai proposé au président de la République de nommer Papon, ministre du Budget. C’était un grand Commis de l’Etat. Je savais qu’à Bordeaux, c’est le Général de Gaulle qui l’avait maintenu. Il avait été préfet, notamment en Algérie. Très courageux. Il avait été préfet de police à Paris pendant 10 ans. D’ailleurs il a payé surtout à cause de Charonne - entre nous. Le reste c’était un alibi. Moi je suis convaincu qu’il paye la remise en ordre qu’il fait, l’ordre qu’il maintient, au moment de Charonne. Il est ensuite à l’Assemblée nationale où il est un parlementaire tout à fait raisonnable. Il est à la Commission des Finances, je le connais, il est rapporteur général à la Commission des finances. Et quand en 1978, je suis renommé premier ministre et que je veux diviser ce bastion qu’était le ministère de l’économie et des finances. Entre un ministère de l’économie et un ministère des finances, du Budget, je choisis M. Monory pour l’économie car je savais qu’il était comme moi, partisan de la libération des prix et je choisis M. Papon parce qu’il est un modéré de l’UDR - je ne sais pas encore si le RPR le supportait.

Que saviez-vous de son rôle à la préfecture de Gironde ?
RB : Mais personne n’en parlait. A aucun moment ! Cela n’a paru qu’en 1981. Certes, le jury d’honneur que M. Papon avait réuni a dit qu’il n’avait rien fait de contraire à sa responsabilité de grand Commis de l’Etat mais qu’il aurait pu, le cas échéant, abandonner ses fonctions. Alors nous nous trouvons devant un phénomène essentiel : est-ce que tous les fonctionnaires de l’Etat qui était en fonction à l’époque auraient dû abandonner leurs responsabilités ? Ou au contraire rester, pour essayer de limiter la casse – si vous me permettez cette expression- et de préparer l’avènement de la République qui suivrait.

Est-ce que vous comprenez, M. le Premier Ministre qu’on puisse être coupable de ne pas désobéir ?
RB : Personnellement j’ai plutôt le tempérament à la désobéissance. Mais quand on a des responsabilités essentielles dans un département, une région ou à plus forte raison dans le pays on ne démissionne pas. On démissionne lorsqu’il s’agit vraiment d’un intérêt national majeur.

Ce n’était pas le cas ?
RB : Ce n’était pas le cas car il fallait faire fonctionner la France.

Chirac a reconnu que la France devait se regarder en face, c’est considérer que l’Etat comme Etat avait participé à la Shoah et donc invoquer la close de conscience qui existe dans certaines professions. Est-ce qu’on ne devrait pas introduire une close de conscience dans l’Etat ?
RB : Mais vous avez toujours le droit de faire jouer la clause de conscience et à tout moment. Mais je reviens à ce qu’était la France en 1944-1945. Pensez au nombre de fonctionnaires qui étaient en place qui ont essayé tant bien que mal de limiter ce drame qu’a été la persécution des Juifs et n’oublions pas quand même qu’en France c’est le pays où le nombre de Juifs sauvés a été le plus élevé. Et qu’est-ce qui se passe à la Libération, ce pays ne peut pas s’effondrer, il faut bien que l’administration demeure, sauf ceux qui ont été manifestement des serviteurs de l’ennemi. Je pense à Bousquet et M. Mitterrand n’a pas été d’une sévérité extrême à l’égard de M. Bousquet.
Alors a surgi cette affaire et M. Papon est devenu un bouc émissaire. Je ne porte pas un jugement moral sur l’attitude que l’on devait avoir à l’égard des déportations de Juifs ou non. Mais je considère qu’il y a dans ce pays une hypocrisie fondamentale à chercher quelques boucs émissaires alors qu’il faut bien le reconnaître : si le pays a continué à fonctionner, c’est parce que le général de Gaulle a maintenu ceux qui étaient en place quand il le pouvait et ceux qui s’étaient trop manifestés dans les voies de la collaboration, il les a envoyés en Allemagne. N’oubliez pas cela, tout le personnel français qui est allé gérer la partie de l’Allemagne occupée par la France est composé en grande partie de fonctionnaires de grande qualité qu’il aurait peut-être été nécessaire d’éliminer sur le plan national mais qui devaient continuer à servir le pays au plan international.
Je m’excuse, je vous ai parlé très franchement. Que vous me fassiez passer pour un antisémite, pour quelqu’un qui ne reconnaît pas la Shoah, j’ai entendu cela cent fois et cela m’est totalement égal. Mais ce que je viens de dire, je le répète. Et comme M. Papon avait été un ministre parfait, quand il y a eu à Bordeaux son jugement, nous avons été deux hommes politiques à aller porter témoignage : Olivier Guichard qu’on ne peut pas soupçonner et moi-même comme ancien Premier Ministre. Alors je voudrais que cela soit clair.

Pourquoi Papon n’a-t-il pas exprimé des regrets ?
RB: M. Papon a pu expliquer qu’il s’est retrouvé dans beaucoup de cas dans l’obligation - soit du fait de Vichy soit du fait des autorités allemandes - de se livrer à des actes répréhensibles et qu’il était resté pour essayer de limiter la casse, mais il lui a manqué la phrase disant que ce qui avait été fait sous son autorité était quand même regrettable et qu’il l’avait fait parce qu’il pensait que c’était son devoir de le faire. Je crois que c’est cela et il n’a jamais rien dit ensuite, parce que M. Papon était un homme fier. C’est un homme qui exerçait de grandes responsabilités, ce n’était pas quelqu’un à dire : « je regrette ce que j’ai fait ».

Regrettez-vous d’avoir eu ce mot lors de l’attentat de la rue Copernic: « un attentats odieux qui voulait frapper les Juifs se trouvant dans cette synagogue et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic ». ?
RB: Non, je me souviens très bien du climat dans lequel j’ai dit cela. N’oubliez pas que dans la même déclaration, je dis que la Communauté juive ne peut pas être séparée de la Communauté française. Quand on cite on cite en entier. Et la campagne qui a été faite par le lobby juif le plus lié à la gauche, venait du fait que nous étions en climat électoral et moi cela ne m’a pas impressionné et ils peuvent continuer à le répéter.

Mais pourquoi « Français innocents » ?
RB: Mais oui parce c’était des Français qui circulaient dans la rue et qui se trouvent fauchés parce qu’on veut faire sauter une synagogue. Alors, ceux qui voulaient s’en prendre aux Juifs, ils auraient pu faire sauter la synagogue et les juifs. Mais pas du tout, ils font un attentat aveugle et y a 3 Français, non juifs, c’est une réalité, non juifs. Et cela ne veut pas dire que les Juifs, eux ne sont pas Français.

Oui mais « Innocents » ?
RB: Parce que ce qui était la caractéristique de ceux qui faisaient l’attentat c’était de châtier des Juifs coupables.

A leurs yeux !
RB: A leurs yeux mais bien sûr. Aux miens, les Français n’étaient pas du tout liés à cette affaire. Non, je suis très clair sur ce point. D’ailleurs, aucun de mes amis juifs – et j’en compte – ne m’a fait grief là-dessus. Là, je tiens à vous dire que sur cette affaire, je considère que le lobby juif – pas seulement en ce qui me concerne – est capable de monter des opérations qui sont indignes et je tiens à le dire publiquement.

Bruno Gollnisch, conseiller municipal de R. Barre à Lyon pendant 6 ans. Après sa condamnation vous avez dit que c’était quelqu’un de bien alors qu’il venait d’être condamner pour propos négationnistes. Le regrettez-vous ?
RB: Voilà, vous revenez aujourd’hui avec toutes les petites critiques sordides que j’ai entendues. Et je vais mettre les choses au point. Gollnish était mon collègue à Caen, il est universitaire, je le connaissais, je ne le fréquentais pas pour la raison bien simple qu’il n’était pas de mon bord. Il est élu car il y avait à Lyon, au moins 15 à 20% de la population qui votait FN. Il est élu, il devient membre du conseil municipal. Il se conduit correctement. Toutes les fois où il veut introduire des considérations qui lui sont propres dans les débats du Conseil municipal, je lui demande de se taire et il le fait. Pour le reste, pour tout ce dont il est chargé, comme conseiller municipal, il fait les choses d’une manière tout à fait correcte. Moi je suis quelqu’un qui considère que les gens peuvent avoir leur opinion, c’est leur opinion et par ailleurs, quand je les ai vu fonctionner dans un climat particulier, je reconnais leurs qualités. Et ce que j’ai dit simplement c’est que certes, je blâmais les propos de M. Gollnisch, mais j’ai tellement entendu les propos de M. Gollnish à Lyon que cela finissait par ne plus m’émouvoir. Quand on entend à longueur de journée tout ce qui se dit à droite et à gauche, à la fin on n'y porte plus attention. Et j’ai dit en parlant de Gollnisch que je blâmais ce qu’il avait dit, mais que pour le reste je l’avais connu et que c’était un homme bien. C’était un bon conseiller municipal et que ceux qui ne sont pas satisfaits de cela pensent ce qu’ils veulent.

LE CRIF