Jusqu’où iront les préjugés, haineux sous leur air de ne pas y toucher ? Voilà qu’entre les sentiments convenables et les autres une barrière est dressée. Par ceux-là même qui en désapprouvent le principe quand il s’agit de protéger des vies. Courrier international n’approuve pas tous les attachements. Et affiche ses prétentions. En toute impudeur. Par plume interposée, dès que l’occasion surgit.
Le journal publie un article au titre ambigu : ‘Enrico Macias ne mérite pas tant d’hostilité’ (en mériterait-il à moindre dose ?). Le texte n’est pas dépourvu d’intérêt. Mais l’auteur, un journaliste algérien, s’autorise à juger les choix personnels de l’artiste, comme à déplorer son absence de masochisme. Pourquoi aurait-il chanté le pays où il ne pouvait plus vivre, l’Algérie hostile au présent ?
Mais le reproche essentiel est son amour d’Israël. De quel droit ?
Aimer un pays est la chose la plus naturelle du monde. Rester attaché aux territoires de l’enfance aussi. Nous sommes quelques milliards à ressentir les choses ainsi. Qui songerait à nous faire grief de notre mémoire, de nos préférences ?
Pourtant idéologues et censeurs souhaitent nous imposer leurs choix. On peut prononcer devant eux le nom de n’importe quel Etat sans encourir leurs foudres. Mais qu’Israël soit nommé et surgit l’hostilité. On peut chérir toutes les contrées, même celles qui subissent les pires régimes, sans déchaîner leur colère. Tout juste un hochement de tête désolé. Pensée pour les peuples pour qui le mot liberté n’est que rêve. On peut chanter leur terre. Nul ne s’en étonne.
Mais le beau nom d’Israël, lui, heurte les oreilles, même si elles sont peu délicates. Quel que soit le contexte où il est prononcé. Les démocraties auraient-elle plus mauvaise réputation que bien des dictatures ? Les mots les plus violents sont réservés à l’une d’elles.
Dans un article qui dénonce pourtant l’intégrisme, un journaliste condamne sans appel. En jouant à être au-dessus de la mêlée. Dans un article méprisant envers un chanteur devenu rapidement très populaire. Paris ne prend pas dans ses bras le premier troubadour venu. C’est méconnaître les Français. Et oublier que pour eux le mot troubadour n’est pas insulte.
Un texte choisi par Courrier international. À l’heure où un ministre algérien exprime publiquement son antisémitisme.
Quelques lignes venimeuses, pour la dix millième fois. Chacun à sa façon renforce la haine. Petites touches incessantes ou grandes charges. Toutes trouveront un écho.
Bernadette Capdevielle © Primo-Europe, 3 décembre 2007.