Ouf… Les grands méchants loups sont repartis dans leurs maisons, respectivement une hacienda dans une république banano-pétrolière et une tente nomado-tripolitaine. Nos petits cochons hexagonaux vont pouvoir recommencer à idéologiser tout leur saoul dans les maisons bien bétonnées de leurs certitudes !
L’autosatisfaction morale n’est pas la moindre des exceptions françaises qui nous rendent incompréhensibles pour nos voisins.
Nous, dont le Total national faisait le plus gros chiffre d’affaires mondial avec l’Irak de Saddam Hussein, avons rassemblé, début 2003, des foules à six zéros pour stigmatiser la guerre que les Etats-Unis allaient lancer «pour protéger leurs intérêts pétroliers».
Nous, qui avons offert à Arafat des funérailles nationales, organisons maintenant la «Conférence des donateurs» pour fournir à son successeur deux milliards de plus que les cinq espérés pour renflouer l’économie palestinienne «moribonde», selon la formule consacrée par notre presse.
Moribonde, l’économie palestinienne ?
Ben oui, à cause des Israéliens, yakavoir : Gaza l’enclavée a failli se faire fourguer 800 serres d’occasion par ces salauds quand ils l’ont évacuée, heureusement que le Hamas veillait, sinon on était bons pour reprendre une économie florissante ! Quant à la Cisjordanie, elle est complètement apartheïdée par le Mur qui a coulé une prospère exportation de ceintures explosives…
Pas étonnant que les pauvres Palestiniens relèvent de la charité publique depuis 60 ans. Quoi, Arafat était la sixième fortune mondiale dans la catégorie «Rois, despotes et tyrans» ? Quel rapport ? Vous n’avez jamais entendu parler de realpolitik, bande de primaires ?
Nous sommes peut-être primaires, chez Primo, mais nous considérons le terme «realpolitik» dans son sens étymologique : regarder la politique à l’aune des faits et non de l’idéologie.
C’est vrai que Naf Naf nous enjoint de regarder Chavez avec bienveillance parce qu’il se réclame de la gauche, donc d’une ouverture généreuse tournée vers les masses populaires, les pauvres et les exclus. Nif Nif nous pousse à ne jamais accorder le moindre crédit à Kadhafi, dont le pouvoir a été obtenu par la force afin de se consacrer, pendant des années à favoriser le terrorisme sous toutes les latitudes. Nouf Nouf, lui, se prend les pieds dans ses contradictions avec Poutine et Ahmadinejad. Mettez-vous à sa place, pauvre petit père (des peuples) : Poutine, c’est l’ancien patron du KGB qui, du temps où la Russie était notre grand frère, n’opprimait officiellement aucun opposant puisque le mot lui-même n’existait pas en Soviétique dans le texte…
Quant à Ahmadinejad, certes, il martèle qu’il veut supprimer de la carte un pays créé par l’ONU il y a 60 ans, mais ce sont des rodomontades ! Son maître à penser, un certain Adolf dont il a fait un héros national, avait monté une petite entreprise sur ce thème, mais il en était resté au stade artisanal. Il n’y a pas de raison de croire qu’Ahmadinejad réussira mieux au niveau industriel sous prétexte que l’ami Poutine est prêt à lui fournir du combustible nucléaire !
Damned, c’est vrai que sur ce coup-là, Poutine et Ahmadinejad, c’est même combat ! Allo, L’Huma, vous n’avez pas une petite explication bien dialectique à nous fournir ? Parce que là, on pédale…
Et si on se tournait vers les faits ?
Les faits montrent que Chavez règne sur un pays dont la richesse pétrolière aurait pu amener sa population au niveau des démocraties occidentales. L’intrus dans cette phrase est clairement «démocratie». En effet, l’admirateur de Fidel Castro -élu démocratiquement comme l’avait été Hitler- a tenté de modifier la constitution de son pays pour y devenir lider maximo ad aeternam. Pour cette fois-ci, il a admis sa défaite. Les Vénézuéliens ont un répit. Pour combien de temps ?
Kadhafi, quant à lui, ne se prétend pas un ange et sa mégalomanie dépasse probablement celle de Chavez. Mais les faits, eux, montrent qu’il a eu suffisamment de réalisme pour avoir compris, après le bombardement de ses installations nucléaires il y a une quinzaine d’années, que le terrorisme n’était pas la meilleure voie pour lui obtenir la reconnaissance mondiale à laquelle il aspirait. A défaut de sa personnalité et de ses souhaits profonds, ses actes démontrent qu’il est sensible à l’opinion européenne.
Ouh la la, comme c’est compliqué, la politique, dès qu’on dépasse les Yaka Faucons ! On y perd en confort et on n’y gagne rien !
Est-ce pour cela que notre «intelligentsia» fait semblant de croire que l’intelligence est une vertu autoproclamée, pas un talent qui se prouve et se remet en question à chaque déclaration ?
Liliane Messika © Primo-Europe, 19 décembre 2007
Auteur : Liliane Messika