Aider l’Autorité palestinienne ?
Après quinze ans de tromperie et de piraterie ?
Un peu de bon sens, SVP.
PAR Michel Gurfinkiel.
Un maire socialiste du Val d’Oise a tenu dans l’hebdomadaire Le Point, le 6 décembre dernier, des propos surprenants sur ce qu’il est convenu d’appeler « la politique de la ville ». Le mieux est de les citer tels quels : « Pendant vingt ans », dit le magistrat, « ma commune a reçu des subventions pour soutenir le travail des associations ou pour aider l’emploi, mais en 2002, quand Jean-Louis Borloo est arrivé au ministère de la Ville et de la Rénovation urbaine, il a fait une croix sur tout ça. L’argent est allé au logement et au système éducatif. Les associations se sont retrouvées asséchées. »
A première vue, ce reproche est incompréhensible. Le logement et l’éducation ne sont-ils pas des priorités absolues ? Comment le maire peut-il tenir rigueur au ministre de les avoir prises en considération ? Il le fait pourtant. Et d’une certaine façon, il a raison. En homme de terrain, il sait en effet qu’on ne fait pas régner l’ordre en améliorant les conditions de vie de ses administrés, mais en s’assurant le soutien des divers réseaux communautaires, religieux ou professionnels, qui les encadrent : c’est à dire des fameuses « associations ». Cela ne se dit pas, en général. Mais c’est le secret de Polichinelle.
Ce qui est vrai du Val d’Oise l’est aussi du tiers-monde et singulièrement du Proche et du Moyen-Orient. Il est question, là aussi, d’une aide économique, d’un « nouveau plan Marshall », qui permettrait à ces régions de « décoller ». Les Etats-Unis avaient lancé cette idée pour le Proche-Orient à la conférence de Madrid, en 1991. L’Union européenne l’a reprise à son compte en 1994, dans le cadre du « processus de Barcelone ». La France propose aujourd’hui une troisième variante : l’Union méditerranéenne. Mais au-delà des propos officiels, chacun sait que les crédits destinés au développement finissent entre les mains des féodaux locaux. Et tel est bien le but véritable de l’opération : payer ceux qui maintiennent un minimum de paix et d’ordre. Ou qui passent pour le faire.
Bien entendu, ce calcul n’a de sens qu’à court ou moyen terme. A long terme, il se retourne contre ceux qui s’y complaisent. Une banlieue sans habitations décentes ni écoles dignes de ce nom finit par flamber. Et les chiens de berger auxquels on a cru pouvoir abandonner le tiers-monde se révèlent un jour pour les loups qu’ils n’ont jamais cessé d’être.
La France va accueillir le 17 décembre une conférence internationale pour l’aide économique aux Territoires palestiniens. Quatre-vingt-dix délégations sont attendues. Le but, selon le Quai d’Orsay, est « d’aider l’Autorité palestinienne à se doter des capacités de construire un Etat viable ». Notez bien la progression : aider, se doter, capacités de construire, Etat viable. Cela ressemble beaucoup au rocher de Sisyphe. Ou à la tapisserie de Pénélope.
Voici presque quinze ans que les accords d’Oslo ont été signés, quatorze ans que l’Autorité palestinienne est en place. Une aide internationale aussi importante que généreuse a été octroyée aux Territoires palestiniens. On en est pourtant toujours à aider à se doter des conditions de construire quelque chose de viable. Pendant le même laps de temps, la Catalogne est devenue un Etat quasi-indépendant et l’une des régions les plus riches d’Europe, l’Irlande a rattrapé la Grande-Bretagne, la Chine est passée du XVe siècle au XXIe, l’Inde a émergé. Cherchez l’erreur.
L’erreur, c’est que depuis 1993, on a méprisé le peuple palestinien et on lui a préféré les pirates de la soi-disant Organisation de libération de la Palestine. Et que ceux-ci, selon leur logique de pirates non repentis, n’ont pas construit une Catalogne autonome palestinienne, en attendant une Catalogne indépendante, mais transformé les Territoires palestiniens en base barbaresque. Imaginons qu’en 1945 on ait méprisé le peuple allemand et traité avec les "modérés" issus du IIIe Reich, comme certains le souhaitaient. Aurions-nous eu depuis soixante-trois ans la paix en Europe ? Telle fut l’erreur fatale – je pèse mes mots - commise par Yitzhak Rabin et Shimon Peres - et aussitôt endossée par un Occident englué dans ses proches lâchetés.
Il y a, dans l’Autorité palestinienne actuelle, un homme honorable qui n’y a rien à faire : le premier ministre Salim al-Fayyed. Les autres, à commencer par le président Mahmoud Abbas, furent des hommes-liges d’Arafat, loup travesti en berger par la grâce d’Israéliens égarés. Vous voulez la paix au Moyen-Orient ? Exigez l’épuration, comme en 1945 après la chute du Reich de mille ans. Ou si le mot vous paraît trop fort, la lustration, comme en République tchèque après 1991. Sinon vous aurez la guerre, le déshonneur et - en prime - le bonnet d’âne.
© Michel Gurfinkiel, 2007.