Par Caroline Glick |
Jerusalem Post édition française
Il a fallu attendre sept mois, mais apparemment l’administration Bush a cédé sous la pression du Congrès et s’apprête à fournir aux législateurs américains un briefing complet sur le raid aérien mené par l’armée israélienne contre le dispositif nucléaire nord-coréen en Syrie. On apprenait dimanche que le Congrès avait réussi à forcer la main de l’administration en donnant son aval au budget des renseignements sous réserve de recevoir un compte-rendu détaillé du raid.
Israël, initialement irrité par l’insistance de l’administration américaine à étouffer tout commentaire sur l’opération du 6 septembre, semble à présent insatisfait de la décision de cette dernière de dévoiler les détails de l’opération. Les révélations, qui se feront dans le courant du mois durant les audiences du Congrès, mettent les fonctionnaires du ministère de la Défense dans tous leurs états. Ils craignent que l’assassinat du terroriste Imad Moughnieh en Syrie en février dernier et l’intensification des tensions frontalières avec le Liban et la Syrie incitent Assad à la surenchère. N’ayant plus rien à cacher sur sa participation active au sein de l’axe de prolifération nucléaire Corée du Nord-Iran-Syrie et sur son soutien au terrorisme d’Etat, Assad pourrait jouer le tout pour le tout.
Les craintes et les exigences de part et d’autre révèlent l’ampleur des contraintes et des impératifs que font peser les conflits au long cours sur les agendas des sociétés démocratiques.
Le point de vue israélien illustre un conflit d’intérêt entre le court et le long terme. Dans l’immédiat, Israël a intérêt à se prémunir contre des attaques syriennes ou prosyriennes, de même qu’il a un intérêt évident à ne pas divulguer les sources et les méthodes de ses services de renseignement en dévoilant la mise en oeuvre de l’opération.
Les hommes politiques israéliens n’ont aucun besoin d’informer leur public de la nature du raid car il existe un consensus dans le pays quant à la menace que la Syrie fait peser sur Israël. Ils comprennent qu’on ne peut permettre à la Syrie d’acquérir certains arsenaux et que, dans ces conditions, le secret défense est un moindre mal.
Les intérêts immédiats d’Israël sont compréhensibles, dans le moyen et le long terme, étant donné la nature crapuleuse du régime syrien ainsi que son alliance stratégique avec l’Iran et avec la Corée du Nord. L’Etat juif a un intérêt stratégique à dévoiler les agissement de la Syrie et à créer, en parallèle, une alliance opérationnelle avec les Etats-Unis, afin de mettre en échec une guerre menée avec l’assistance de la Corée du Nord, contre Israël et l’Amérique. Les intérêts à moyen terme l’emportent sur les inquiétudes du moment. Ainsi, les hauts cris poussés par le ministère de la Défense expriment la consternation ressentie face aux coûts incontournables qu’impose une alliance.
Les divergences entre l’administration et le Congrès sur la nature de l’opération du 6 septembre est une leçon de politique internationale à l’adresse des démocraties qui sont tenues de révéler l’identité de leurs adversaires et la nature du conflit afin d’aboutir à un consensus entre la classe politique et sa population.
Depuis septembre, les leaders du Congrès ont justifié leurs exigences de la manière suivante. Ils estiment que les législateurs et la population américaine ont le droit de comprendre la signification de la cible en question et ce que cette dernière nous apprend sur les activités nucléaires de la Corée du Nord.
L’an dernier, les Etats-Unis ont signé un accord avec la Corée du Nord. Cette dernière s’est engagée à désactiver son dispositif nucléaire à Yongbyon et à rendre compte de ses autres installations, de son arsenal nucléaire et des activités qui s’y rattachent. En échange, l’Amérique a accepté de lever les sanctions financières contre Pyongyang, à normaliser les relations entre les deux gouvernements et à apporter une aide économique au pays. Les Etats-Unis attendent toujours que la Corée du Nord se conforme aux termes de l’accord. Révéler la nature de la cible israélienne de l’opération du 6 septembre en Syrie, argumente le Congrès, est une donnée essentielle pour se faire une idée de la légitimité de la politique nord-coréenne des Etats-Unis. La Syrie favorise l’état de guerre en Irak en formant des combattants sur son sol et en faisant office de plaque tournante pour tous les djihadistes prêts à combattre là-bas. Elle accueille le quartier général du Hamas et du djihad islamique, entre autres organisations terroristes. Elle est la colonne vertébrale du Hezbollah.
D’autre part, les relations qu’elle entretiendrait avec la Corée du Nord et l’Iran relèvent de la prolifération nucléaire et exigent ainsi de reclassifier la menace syrienne, qui de simple nuisance s’est transformée en menace stratégique.
Enfin, les législateurs américains estiment que la compréhension de l’opération israélienne est essentielle pour saisir la nature de la triple alliance Iran-Syrie-Corée du Nord. En empêchant que soient révélés les détails du raid, l’administration prive le Congrès et la population de la possibilité de comprendre le mode opératoire de la plus grande menace pour la sécurité nationale des Etats-Unis. Comment le Congrès pourrait-il soutenir un allié tel qu’Israël, s’il ne comprend pas en quoi ses actions défendent les intérêts sécuritaires des Etats-Unis ? Et comment le Congrès pourrait-il soutenir les guerres menées par l’Amérique s’il n’est pas au fait de la nature des alliances des pays qui la combattent ?
Ce qui est le plus frappant au sujet de la réticence de l’administration Bush à révéler la nature du raid israélien, ce sont les liens qui existent entre cette opération et les efforts de guerre de l’Amérique en Irak. En effet, la Syrie et l’Iran collaborent activement à la guérilla anti-américaine en Irak. Les djihadistes, sunnites et chiites confondus, pénètrent en Irak via la Syrie et l’Iran, avant d’être passés par leurs camps d’entraînement. Ils suivent les directives des Gardiens de la révolution islamique iranienne.
Plutôt que d’expliquer au Congrès et au public américain que la guerre en Irak ne concerne pas seulement ce pays, mais est la clé d’un champ de bataille plus étendu dans lequel l’Iran et la Syrie ont joint leurs forces, l’adminisrtration Bush obstrue cette vérité. Le gouvernement irakien et les Etats-Unis sont les seuls à lutter pour pacifier l’Irak.
Ainsi, l’administration américaine est en grande partie responsable du fait que cinq années après le renversement du régime de Saddam Hussein, la majorité des Américains sont persuadés que les Etats-Unis n’ont aucun intérêt à se mêler à l’après-guerre et devraient se désengager au plus vite.
Si l’administration ne s’était pas efforcée d’ignorer la centralité de l’Iran et de la Syrie dans ce conflit, les Américains auraient compris pourquoi les Etats-Unis ne peuvent pas se permettre de laisser l’Irak tomber sous leur coupe.
En revanche, le général David Petreaus, commandant en chef des forces américaines en Irak, ainsi que ses officiers, n’ont jamais cessé de mettre en avant le rôle central de l’Iran dans cette guerre. Ils comprennent parfaitement que seul un public averti sera à même de soutenir une guerre longue en Irak.
La semaine dernière, les Iraniens ont de nouveau rejeté une offre émanant des Américains et des Européens qui avait pour but de les inciter à interrompre leurs activités d’enrichissement d’uranium.
Au lieu de cela, ils ont modernisé les centrifugeuses des installations nucléaires de Natanz afin d’améliorer leurs techniques d’enrichissement. Ils promettent également que le 8 avril prochain, date anniversaire de leur relativement nouvelle énergie nucléaire, ils annonceraient une "bonne nouvelle" concernant leur programme atomique.
Tout en envoyant des combattants alimenter la guérilla en Irak, au Liban et à Gaza, avec le soutien de ses alliés syriens et nord-coréens, l’Iran s’équipe à vitesse grand V dans le but de devenir bientôt une puissance nucléaire et d’entraîner Israël et les Etats-Unis dans un conflit de grande envergure. La question qui se pose est de savoir comment l’Amérique peut être en mesure de faire face à l’imminence d’une telle guerre, alors qu’elle refuse d’affronter les enjeux actuels des conflits en cours.