7.4.08

A PROPOS DE GRANDES ET DE BASSES MANOEUVRES

par David Ruzié,
professeur émérite des universités, spécialiste de droit international

Au moment où Israël se prépare à de grandes manœuvres militaires et de défense passive, au nord de son territoire, afin de pallier les défaillances, apparues lors de l’été 2006 et mises au jour par le rapport Winograd, la Syrie et le Hezbollah se déchaînent en imprécations.

Le numéro deux du Hezbollah, le cheikh Naïm Kassem n’a pas hésité à affirmer dimanche que ce grand exercice est une étape dans les préparatifs israéliens en vue d’une guerre.

Cette attitude rejoint celle de dirigeants syriens, qui ne manquent aucune occasion de crier « Au loup.... », alors qu’Israël n’a jamais pris l’initiative d’attaquer aucun de ses voisins.

Qu’il s’agisse de 1967 ou de 1973, Israël n’a fait, dans un cas que prévenir une attaque imminente et dans l’autre cas que contre-attaquer à la suite d’une invasion venue de Syrie. Quant aux conditions dans lesquelles l’aviation israélienne aurait détruit, en septembre dernier « une installation militaire désaffectée » (version syrienne) ou « un site nucléaire en construction avec l’assistance des Nord-coréens » (selon des sources - non officielles - israéliennes) elles restent une énigme et, en tout cas, la Syrie n’en a pas saisi le Conseil de sécurité des Nations Unies.

En 2006, Tsahal a, simplement, réagi à l’embuscade tendue à une patrouille israélienne et au lancement incessant de roquettes depuis le territoire libanais.

Le ridicule ne tuant pas, l’ancien ministre libanais des Affaires étrangères, Fawzi Sallouh, a pourtant qualifié dimanche d’« infraction à la loi internationale » l’exercice de la défense passive israélienne prévu ce mardi.

Décidément, on en apprend tous les jours : depuis quand un Etat n’a-t-il plus le droit de tester son potentiel militaire et de défense passive, particulièrement éprouvés au cours de l’été 2006 ?

Pourtant, d’après Assiciated Press , repris par La Tribune , Ehoud Olmert aurait envoyé un message d’apaisement à la Syrie précisant l’objet de cet exercice « destiné à mettre à l’épreuve la réactivité des agences gouvernementales, de l’armée et des services de secours, en cas d’attaque, d’attentat de grande ampleur ou de catastrophe naturelle ».

Périodiquement, il est fait état de négociations entre Israël et la Syrie et, immédiatement, ces bruits sont étouffés par la réaction de la Syrie, qui pose comme condition l’évacuation du plateau du Golan, occupé, en 1967, puis placé sous la loi israélienne, en décembre 1981, sans qu’il s’agisse d’une annexion formelle (à la différence de Jérusalem-est).

De son côté, Israël subordonne, à juste titre, l’ouverture de négociations - l’hypothèse d’un retrait du Golan n’ayant jamais été exclu dans les milieux gouvernementaux - à la reconnaissance préalable d’Israël.

C’est d’ailleurs, parce que Hafez el Assad venait de réaffirmer, pour la xème fois, que son pays ne reconnaîtrait jamais Israël que la Knesset avait été amenée à voter la loi du 10 décembre 1981.

C’est d’ailleurs, en toute logique, la même attitude qu’Israël a adoptée avec le Hamas : pas de négociation avant toute reconnaissance du droit à l’existence de l’Etat d’Israël, la renonciation aux actions terroristes étant le corollaire de cette reconnaissance.

Les gesticulations du Hezbollah à propos de l’exercice israélien ne sont pas sans rapport avec les accusations lancées, par ailleurs, contre Israël à la suite de la l’assassinat du responsable militaire du mouvement, Imad Moughniyeh, en février dernier, lors d’un attentat à la voiture piégée, à Beyrouth.

Ce n’est pas la première fois que l’on accuse Israël, qui, pourtant, reconnaît certaines « éliminations ciblées », d’être responsable de ce qui se révèle être un « accident du travail » ou un règlement de comptes au sein même du camp des ennemis d’Israël.

Or, indépendamment du fait que des Palestiniens seraient impliqués dans cet attentat, des voix se sont fait entendre, et non des moindres, pour pointer du doigt les vrais responsables.

Ainsi, selon Guysen.International.News , l’ancien vice-président syrien Abdel Halim Khaddam a, récemment, accusé le régime de Damas de porter la responsabilité de la mort du chef des opérations du Hezbollah Imad Moughniyeh.

Dans les milieux de la résistance au régime iranien, on se demande si Téhéran n’aurait pas été gêné par ce témoin des attentats commandités par le régime des mollahs.

Certes, Israël était en droit de rendre responsable le chef militaire du Hezbollah de nombreux actes terroristes, parmi lesquels l’attaque du QG israélien à Tyr, en 1982 (75 morts), l’attaque contre l’ambassade à Buenos Aires, en 1992 (29 morts), sans parler de l’horrible carnage à l’Association mutuelle israélite argentine, dans cette ville, en 1994 (85 morts).

Mais, les Etats-Unis et la France avaient, eux aussi, des raisons d’en vouloir à Imad Moughniyeh, si tant il est vrai que « la vengeance est un plat qui se mande froid », surtout si l’intéressé était lâché par les Syriens.

Pour les Etats-Unis, Moughniyeh figurait parmi les 22 terroristes les plus recherchés, pour ses forfaits : 20 morts à l’ambassade de Beyrouth en 1983 et la même année 260 morts au cours d’une attaque à la voiture bélier contre le QG des marines dans la capitale libanaise, sans parler du détournement d’un avion de la TWA, en 1985, vers l’aéroport de cette ville et le lâche assassinat d’un militaire américain se trouvant à bord.

C’est à Imad Moughniyeh qu’est, également, imputable l’attentat dirigé, en 1983, contre le poste des parachutistes français, baptisé Drakkar, (58 morts). Et preuve supplémentaire que les terroristes ne font pas de distinguo entre cibles militaires et cibles civiles, qu’impose, pourtant, le droit humanitaire, c’est le même terroriste qui était rendu responsable de la prise de quatre otages français à Beyrouth, en 1985. Et si les diplomates Carton et Fontaine et le journaliste Kaufmann recouvrèrent la liberté, trois ans plus tard, il n’en fut pas de même pour l’universitaire Michel Seurat, qui mourut en captivité.

Ainsi, il est évident qu’il vaut mieux accuser les autres pour ne pas avoir de comptes à rendre soi-même, car Imad Moughniyeh n’était pas le N°1 et qu’il avait, lui, de toutes façons, des comptes à rendre, pour autant qu’on aurait voulu lui en demander.

Mais, il est tellement plus facile de désigner du doigt le Mossad....