Par Charles Krauthammer
washingtonpost.com
Adaptation française de Sentinelle 5768 ©
Mardi dernier, l’Iran annonçait qu’elle installait 6.000 centrifugeuses supplémentaires - produisant de l’uranium enrichi, le composant clé pour une arme nucléaire - en plus des 3.000 déjà à l’oeuvre. Le monde bailla. Il est temps d’accepter la vérité : la tentative de l’administration Bush de stopper le programme nucléaire de l’Iran a échoué. Complètement. Le dernier ensemble de sanctions du Conseil de Sécurité de l’ONU, qui a pris une année à se mettre en place, est d’une faiblesse comique. Il représente la fin de la route des sanctions.
A l’intérieur [des USA], les efforts du Président pour arrêter le programme nucléaire de l’Iran ont été irréparablement minés par la NIE (Estimation Nationale du Renseignement) en novembre 2007, dont « l’indice de confiance modérée » sur la non reprise du programme d’armement nucléaire - le moins important de tout programme nucléaire - avait promu l’illusion que l’Iran avait abandonné la poursuite d’armes nucléaires. Pourtant l’enrichissement de l’uranium, l’étape la plus difficile, avance rapidement, comme le développement de missiles balistiques vecteurs de bombes nucléaires.
Le Président ne dispose plus d’options. Il s’apprête à transmettre à son successeur un Iran au bord de l’acquisition du nucléaire. Cela déstabilisera profondément le Moyen-Orient, menacera les Arabes modérés d’une hégémonie iranienne, et laissera les Israéliens en état d’alerte ultrasensible.
Cet échec peut cependant être tempéré. Comme il n’y aura apparemment pas de désarmement de l’Iran de façon préventive ou par les sanctions, nous devrons nous fier à la dissuasion pour empêcher les mollahs, dont certains sont apocalyptiques et messianiques, d’utiliser des armes nucléaires.
Cela sera plus difficile même que pendant la Guerre Froide, quand nous avions affaire à des acteurs rationnels. Nous devrons cependant avoir recours au modèle de la Guerre Froide, dans lequel la dissuasion a empêché les Soviétiques de s’engager dans une agression nucléaire pendant un demi-siècle - assez longtemps pour qu’un changement de régime rende la dissuasion superflue. (Personne ne se couche éveillé aujourd’hui en craignant que la Russie post-soviétique ne lance une attaque nucléaire sur les Etats Unis). Nous ne savons pour quelle durée les mollahs seront au pouvoir, mais jusqu’à leur remplacement, la dissuasion sera une nécessité absolue.
Pendant la Guerre Froide, nous avons réussi à prévenir une attaque non seulement sur les Etats Unis, mais aussi sur les alliés des Etats-Unis. Nous l’avons fait en élargissant le parapluie nucléaire américain - c.a.d. en déclarant que toute attaque contre nos alliés serait considérée comme une attaque sur les Etats-Unis.
Une telle menace n’est jamais crédible à 100 %. Mais elle a été assez crédible. Elle a conduit les Soviétiques à y réfléchir à deux fois avant d’attaquer nos alliés européens. Elle a maintenu la paix.
Nous devrions faire de même pour maintenir la paix nucléaire au Moyen Orient. Cela serait infiniment moins dangereux (et donc plus crédible) que la dissuasion de la Guerre Froide, parce qu’il n’y aura pas de menace d’annihilation des Etats-Unis par l’Iran. A l’opposé de l’Union soviétique, l’Iran disposerait d’un arsenal relativement faible, incapable d’atteindre les Etats-Unis.
Comment créer la dissuasion ? De la manière dont John Kennedy le fit pendant la crise des missiles à Cuba. La plus grande contribution du Président Bush à la paix nucléaire serait de faire la déclaration suivante, adoptant le langage de Kennedy, en changeant le nom des scélérats :
« La politique de notre nation [les USA] sera de considérer toute attaque nucléaire de l’Iran contre Israël, ou en provenance d’Iran, comme une attaque de l’Iran contre les Etats Unis, requérant des représailles totales contre l’Iran ».
Cela pourrait être suivi d’une explication simple : « En tant que phare de tolérance et à la tête du monde libre, les Etats-Unis ne permettront pas qu’un second Holocauste soit perpétré contre le Peuple juif ».
Cette politique - « La déclaration de l’Holocauste » - ne serait pas essayée sous l’administration actuelle, parce que l’Iran ne parviendra pas au nucléaire avant janvier 2009. Mais cela établirait une référence ferme qui survivrait à cette administration. Tout futur président - et chaque candidat présidentiel sérieux - devra déclarer publiquement si oui ou non la Déclaration de l’Holocauste demeure la politique des Etats-Unis.
Ce serait une question importante que de demander pourquoi ce ne serait pas anodin. On mettrait en avant que la déclaration de l’Holocauste est soit redondante ou, à l’autre extrémité, provocante.
Redondante, dirait-on, parce qu’Israël pourrait lui-même exercer des représailles. Le problème est qu’Israël est un très petit pays avec un petit arsenal nucléaire à base largement terrestre. Des forces de représailles à base terrestre peuvent être détruites par une première frappe ; raison pour laquelle, pendant la Guerre Froide, autant les Etats Unis que l’Union soviétique ont créé de vastes flottes de sous-marins - indétectables et donc invulnérables à de premières frappes - qui assuraient une réponse en représailles, et donc, la dissuasion. L’invulnérabilité et la taille d’une masse inimaginable de cet arsenal nucléaire américain rendraient une dissuasion américaine bien plus puissante et fiable que toute copie israélienne - et donc bien plus à même de préserver la paix
Une telle déclaration serait-elle provocante ? Au contraire. La dissuasion est la moins provocante de toutes les stratégies politiques. C’est pourquoi c’est l’alternative favorite de ceux qui s’opposent à une attaque préventive sur l’Iran pour la désarmer avant qu’elle ne puisse acquérir des armes nucléaires. Ce que ferait la déclaration de l’Holocauste sera de transformer la dissuasion de slogan en stratégie politique.
Il n’est bien sûr pas certain que la dissuasion marche avec les semblables d’Ahmadinejad et autres jihadistes. Mais la dissuasion attirerait l’attention des esprits rationnels chez les acteurs iraniens, et ils sont nombreux, pour réfréner voire déposer des chefs comme Ahmadinejad, qui pourraient sacrifier l’existence de l’Iran comme nation pour justifier leur obligation divine d’exterminer les « bactéries répugnantes » de l’Etat juif, « tache honteuse sur le monde islamique ».
Pour la première fois depuis l’époque de Jésus, Israël (connu sous le nom de Judée en ce temps-là), est le foyer de la plus grande communauté juive dans le monde. Une puissance voisine implacable a déclaré ouvertement ses intentions génocidaires contre lui - en claire violation de la Charte de l’ONU - et défie la communauté internationale en recherchant les moyens de réaliser cette intention. Le monde ne fait rien. Certains, comme les Russes, apportent littéralement du combustible à ce feu.
Pour ceux qui ne voient aucun principe moral sous-tendant la politique étrangère américaine, la déclaration de l’Holocauste n’est pas notre affaire. Mais pour ceux qui croient que l’Amérique défend quelque chose dans le monde - que la nation qui a libéré plus de peuples que toute autre nation, détient même la plus minime vocation morale - il ne peut y avoir de cause plus pressante que d’empêcher l’annihilation nucléaire d’une démocratie alliée, le dernier espoir et refuge d’un Peuple antique ouvertement menacé d’une solution finale vraiment Finale.
http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2008/04/10/AR2008041003271.html