21.4.08

QU'EST-CE QU'UNE VICTOIRE SUFFISANTE ?

Caroline Glick
JERUSALEM POST |
Adaptation française de Sentinelle 5768 ©

S’adressant aux commandants de Tsahal en Judée et Samarie la semaine dernière, le Premier Ministre Ehud Olmert exhorta les officiers chargés d’empêcher les Palestiniens d’attaquer Israël en opérant sous couverture civile, d’avoir de la sympathie pour eux. Olmert dit : « Songez à tous les Palestiniens qui ont été déshabillés aux barrages routiers de peur qu’il puisse y avoir des terroristes et des agents terroristes parmi eux.

Prenez tous ceux qui attendent aux barrages de peur qu’une voiture piégée puisse tenter de passer par ce même barrage routier. Ce pourrait être un chaudron bouillant, responsable d’une explosion et d’horribles brûlures, et ce pourrait être quelque chose d’autre, dépendant uniquement de votre capacité d’agir de façon avisée et énergique ».

Puisque qu’Olmert sait que les soldats de Tsahal sont aussi courtois que possible avec les Palestiniens aux barrages routiers, sa déclaration aura deux conséquences majeures. D’abord elle provoquera un relâchement des règles aux barrages routiers et diminuera ainsi les capacités antiterroristes de Tsahal. Ensuite, en insinuant de façon insultante que les forces de Tsahal sont cruelles, Olmert a démoralisé ses propres soldats et réduit leur volonté d’accomplir leur mission en suggérant qu’ils ne peuvent pas s’attendre à un soutien du gouvernement.

Le message d’Olmert n’est que la dernière mesure que son gouvernement a prise ces dernières semaines, en sapant la capacité de Tsahal de maintenir son succès militaire depuis 2002, assurant la défaite des terroristes palestiniens en Judée et Samarie, et en les empêchant de se réorganiser.

La décision du gouvernement Olmert-Livni-Barak de démembrer des barrages routiers en Judée et en Samarie : apporte l’immunité à l’arrestation de terroristes fugitifs recherchés ; permet le déploiement de milices du Fatah soutenues par les USA à Jénine, servant toutes à saper directement les réalisations remarquables de Tsahal pour vaincre et empêcher la reconstitution de la machine de guerre terroriste palestinienne en Judée et en Samarie, depuis « l’opération Bouclier Défensif », réalisée en 2002. Encore plus troublant, la volonté rapportée de céder la vallée du Jourdain au Fatah dans les négociations qu’il conduit maintenant avec les chefs du Fatah Mahmoud Abbas et Ahmed Quorei, indique que le gouvernement Olmert-Livni-Barak est prêt à transformer la Judée et la Samarie en une base pour les forces jihadistes mondiales, exactement comme quand Israël a cédé la frontière de Gaza avec l’Egypte en 2005.

Que le gouvernement gaspille les réalisations durement acquises de Tsahal en Judée et en Samarie, c’est démontré par un article sur la guerre de contre-insurrection rédigé par le Major Général (de réserve) Yaakov Amidror, publié cette semaine par le Jerusalem Center for Public Affairs (JCPA). Le papier d’Amidror : « Vaincre dans la guerre de contre-insurrection : l’expérience d’Israël », est centré sur la défaite militaire des forces terroristes palestiniennes par Israël en Judée et en Samarie, pendant et après l’opération « Bouclier Défensif ».

Amidror identifie six composantes de la guerre de contre-insurrection qu’il considère essentielles pour obtenir une victoire militaire sur des forces irrégulières. Ces composantes sont : une décision politique du gouvernement de vaincre le terrorisme ; vaincre et maintenir le contrôle du territoire à partir duquel opèrent les terroristes ; s’assurer un renseignement pertinent ; isoler les enclaves terroristes de soutiens extérieurs ; une coopération multidimensionnelle entre ceux qui rassemblent le renseignement et les forces combattantes ; et la séparation des civils d’avec les terroristes. Par ses propres mesures, le gouvernement Olmert-Livni-Barak sape quatre de ces composantes.

Après l’identification de ce qu’il considère comme les composantes essentielles de campagnes de contre-insurrection, Amidror identifie et définit trois formes de victoire militaire. D’abord, il y a la « victoire totale » qui implique à la fois une défaite militaire des forces insurgées ou terroristes, et la réorganisation politique de leurs sociétés, passant du soutien au terrorisme à des sociétés combattant le terrorisme. Ensuite, il y a la « victoire temporaire » qui implique une défaite militaire unique des forces ennemies mais non associée à la moindre transformation politique de leurs sociétés. Enfin, Amidror envisage ce qu’il qualifie de « victoire suffisante ». Comme il la définit, une victoire suffisante implique de vaincre un ennemi irréconciliable, puis de l’empêcher de reconstruire sa capacité de mener une guerre.

Comme une victoire temporaire, une victoire suffisante ne comprend pas une transformation politique de la société ennemie, et en effet, elle tient pour certain qu’une telle transformation est impossible à accomplir. Mais à l’opposé d’une victoire temporaire, Amidror met en avant qu’une victoire suffisante peut être durable si la partie victorieuse le veut et est capable d’empêcher constamment les forces ennemies de se reconstituer. C’est-à-dire qu’une victoire suffisante requiert une campagne continue plutôt qu’une campagne unique.

La définition d’Amidror d’une victoire suffisante le conduit à conclure que contrairement à l’approche de la gauche israélienne et occidentale, il existe une option militaire pour la victoire dans les guerres de contre-insurrection, sans transformation politique. Dans une perspective israélienne, la vision d’Amidror d’une guerre de contre-insurrection est raisonnable et compréhensible.

Les options d’Israël pour transformer la société palestinienne de société soutenant le terrorisme en société combattant le terrorisme sont limitées. Influencées par l’endoctrinement jihadiste intérieur, panarabe et panislamiste ; soutenus militairement, financièrement et politiquement par les Etats arabes, l’Iran, les groupes terroristes et l’Occident, les Palestiniens ont peu de raisons de se transformer.

De plus, les intérêts stratégiques et nationaux d’Israël dans le maintien du contrôle sur la Judée et la Samarie pourraient rendre défendable une stratégie militaire sans élément de retrait. Ce n’est pas le cas sur d’autres champs de bataille comme la contre-insurrection américaine en Irak.

A un certain degré, l’idée d’Amidror qu’une victoire suffisante est possible reçoit un écho dans des déclarations récentes de commandants américains en Irak. Dans une publication sur l’Irak le mois dernier dans la ‘National Review’, Richard Lowry écrivait : « pour tous les gains de sécurité l’an dernier, les commandants américains pensent qu’ils ont atteint un plateau ». En l’absence d’une action cohérente et adaptée du gouvernement irakien pour assurer et maintenir la loyauté des Irakiens à l’Etat irakien, comme Tsahal en Judée et Samarie, tout ce que les forces des USA en Irak peuvent faire est de maintenir la violence à des niveaux supportables.

Pourtant, à l’opposé du succès d’Israël en Judée et Samarie, le succès des efforts de contre-insurrection américains en Irak est d’abord et avant tout la conséquence de leurs principes guidant une transformation politique. Comme Lowry l’écrit, les 80.000 volontaires de sécurité irakiens qui collaborent désormais ouvertement avec les forces des USA dans des opérations contre-terroristes, « représentent plus ou moins un transfert direct de forces du côté ennemi vers le nôtre ».

En Israël, l’hypothèse fondamentale qui a guidé aussi bien la décision du gouvernement Rabin - Pérès d’adopter l’OLP et de former l’Autorité Palestinienne en 1993, et les décisions des gouvernements suivants de laisser l’AP en place et de maintenir l’allégeance à l’OLP comme partenaire de négociation, était semblable à celle des volontaires de sécurité irakiens, et de l’Armée du Liban sud (ALS) qui soutenait les opérations d’Israël au Sud Liban de 1985 jusqu’en 2000 ; l’OLP et les forces du Fatah devaient agir comme des agents de transformation de la société palestinienne, la faisant passer d’une société soutenant le terrorisme à une société le combattant.

Cette idée, toujours controversée, s’est avérée fausse de façon répétée. La semaine dernière, l’ambassadeur de l’OLP au Liban, Abbas Zaki a réaffirmé le but de l’OLP de détruire Israël dans un entretien à la télévision libanaise.

Selon les termes de Zaki : “L’OLP... n’a pas changé sa plateforme même d’un iota ». Cette plateforme, la destruction d’Israël par étapes, demeure l’objectif de l’OLP. Il a poursuivi : « A la lumière de la faiblesse et de l’absence de valeurs de la nation arabe, et à la lumière du contrôle américain sur le monde, l’OLP procède par phases, sans changer sa stratégie. Laissez moi vous dire, quand l’idéologie d’Israël s’effondrera, et que nous prendrons au moins Jérusalem, l’idéologie israélienne s’effondrera dans sa totalité, et nous commencerons de progresser avec notre idéologie, si Allah le veut, et nous les chasserons de toute la Palestine ».

La volonté d’Israël de maintenir son soutien à l’OLP en dépit du rejet évident du droit à l’existence d’Israël par l’OLP et le Fatah, et de leur soutien continu et leur participation à des attaques terroristes contre Israël, démontre deux failles inhérentes à l’idée d’Amidror qu’il est possible de maintenir une victoire suffisante dans les guerres de contre-insurrection sur le long terme, sans induire une transformation politique des sociétés ennemies.

La première faille est qu’elle tient pour acquis que la volonté du gouvernement de l’armée victorieuse de poursuivre des opérations de contre-insurrection restera constante. Le maintien par le gouvernement Olmert-Livni-Barak du groupe terroriste Fatah, adversaire inexpiable, comme partenaire de négociation légitime, montre que ce n’est pas le cas. L’engagement du gouvernement avec le Fatah l’entraîne nécessairement à saper les réalisations de Tsahal en Judée et en Samarie. Ces réalisations sont contraires aux intérêts du Fatah et donc, du point de vue du gouvernement actuel, elles doivent être annulées pour complaire au Fatah.

Depuis 2002, le contrôle militaire de Tsahal sur la Judée et la Samarie n’a impliqué aucun effort sérieux pour transformer la société palestinienne au niveau de ses racines. Elle n’a pas augmenté la sécurité pour les civils palestiniens terrorisés par les agents terroristes opérant dans leurs villes et villages. Comme le note Amidror, les actions d’Israël pour séparer les civils des terroristes en Judée et en Samarie sont limitées à monter des opérations qui minimisent les dommages collatéraux. Mais alors qu’Israël ne cible pas des civils palestiniens, il n’a rien fait pour les empêcher d’être ciblés par les terroristes palestiniens. Ainsi, il ne leur a par donné l’option de combattre ces terroristes. Par conséquent, bien que la situation militaire en Judée et en Samarie ait été transformée au cours des six dernières années, politiquement, le seul changement chez les Palestiniens, c’est qu’ils sont devenus plus radicaux.

Et là réside la deuxième faille de son analyse. Pour réussir, une guerre de contre-insurrection doit comprendre une composante politique qui atteint les populations ennemies. Alors qu’il est vrai qu’Israël a une capacité limitée pour modifier la manière de penser des Palestiniens sur Israël, et la forme que leur société devrait prendre, Israël dispose d’une certaine capacité. Par exemple, Israël pourrait lancer une campagne destinée aux cœurs et aux esprits parmi les Arabes israéliens qui sont à la fois politiquement et démographiquement liés aux Palestiniens.

Une telle campagne se ferait sur deux fronts. D’abord elle impliquerait une loi résumée, et une campagne d’ordre dont l’objectif serait de réaffirmer l’autorité souveraine d’Israël sur les zones arabes israéliennes. Ensuite, elle rassurerait les Arabes israéliens respectant la loi, en délégitimant la direction actuelle anti-israélienne et pro-terroriste, aujourd’hui en charge de la société arabe israélienne ; elle cultiverait ainsi les conditions nécessaires pour remplacer cette direction par des arabes israéliens qui adhèrent à leur identité comme Israéliens, et s’opposent au terrorisme.

L’impact d’une telle campagne sur les Palestiniens, aussi bien en Judée qu’en Samarie, serait sans aucun doute très important.

Amidror souligne le point important qu’il n’existe pas de données empiriques prouvant l’affirmation souvent répétée que les sociétés soutenant le terrorisme sont plus enclines à se sacrifier pour la victoire que les sociétés combattant le terrorisme. Comme le public israélien l’a démontré depuis que les Palestiniens ont commencé leur guerre terroriste en 2000, les Israéliens sont tout aussi volontaires, si ce n’est plus, de faire des sacrifices pour la victoire que les Palestiniens. Mais pour que la victoire soit accomplie et assurée, une campagne militaire doit avoir pour complément une campagne politique, conduite par une direction politique qui explique la réalité à son propre public, et est en mesure de donner une autre option aux sociétés soutenant le terrorisme.

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