par Jackson Diehl
pour Washington Post
Thème : Proche-Orient
Titre original: Road Map to a Gaza War
Traduction : Objectif-info
Il y a sept ans la nouvelle équipe de George W. Bush chargée de la politique étrangère reprochait à l'administration Clinton sa précipitation de la onzième heure pour faire signer un accord de paix au Moyen-Orient, ce qui s'est achevé par l'explosion de la deuxième intifada palestinienne. A présent, à 10 mois de la fin de son mandat, Bush et la secrétaire d'état Condoleezza Rice se sont engagés dans une démarche comparable de pression de dernière minute. Cependant, ils ne semblent pas percevoir le risque croissant que leur initiative se termine aussi par une guerre israélo-palestinienne.
La nouvelle visite de Rice à Jérusalem la semaine dernière était destinée à faire pression sur Israël pour qu'il mette en œuvre de façon visible les engagements contractés l'année dernière à la conférence d'Annapolis. Elle semble avoir réussi à franchir quelques étapes dans cette direction comme par exemple le démantèlement de quelques dizaines de barrages routiers en Cisjordanie, sur plusieurs centaines en tout. Pourtant un message plus significatif parait avoir été délivré par un groupe de hauts responsables israélien qui viennent de faire une visite discrète à Washington le mois dernier : Israël, ont-ils dit, est à la veille d'un conflit majeur avec le Hamas dans la Bande de Gaza.
Il y a un mois, quand le Hamas s'est mis à tirer pour la première fois des missiles de facture iranienne sur la ville israélienne d'Ashkelon, en plus des salves de roquettes fabriquées localement qui visent la petite ville de Sdérot depuis plusieurs années, la bataille a semblé être sur le point de s'engager. Après une série de frappes aériennes punitives les combats se sont calmés et, avec l'appui du Département d'État, l'Égypte a entrepris de jouer les intermédiaires pour la négociation d'une trêve durable. Dans des commentaires précédents, j'ai souligné qu'un cessez-le-feu de ce genre à Gaza serait la moins mauvaise des options limitées qui s'offrent à Israël.
Mais les responsables en visite ont décrit l'état d'esprit actuel du premier ministre Olmert et du ministre de la défense Barak. Ces derniers ne portent un grand intérêt à une transaction avec le Hamas. Ils reconnaissent qu'une suspension des attaques des deux côtés pourrait faciliter la poursuite des conversations de paix, et que l'ouverture d'un conflit global signifierait presque certainement la fin du processus d'Annapolis. Cependant, de plus en plus de responsables israéliens considèrent la confrontation avec le Hamas à Gaza comme plus importante en termes stratégiques que les entretiens avec le président palestinien modéré Mahmoud Abbas. Le point de vue de Jérusalem, comme un responsable me l'a exposé, est qu'il n'y a probablement aucune alternative à une confrontation militaire avec le groupe terroriste à Gaza, avant la fin du mandat de l'administration Bush.
La vision pessimiste des Israéliens découle principalement, selon les dires des responsables, des trafics d'armes permanents qui affluent à Gaza, commandités par l'Iran et tacitement autorisés par l'Égypte, qui en dépit des pressions considérables de Washington, a réduit les activités qui pourraient l'engager elle-même dans une confrontation avec le Hamas. Ce dernier est en train de bâtir un système de bunkers et de zones de stockage de missiles qui est le décalque de l'infrastructure établie par le Hezbollah au Sud-Liban avec le soutien de l'Iran. Les Israéliens disent que des centaines de militants du Hamas se sont rendus en Iran pour s'entraîner au lancement des missiles Grad, la version iranienne des anciennes Katioucha soviétiques.
Dégrisée par le coup de poing dans la figure qu'elle a reçu en 2006 quand elle a attaqué les bases du Hezbollah au Liban, l'armée israélienne s'est entraînée pour traiter les points forts du Hamas à Gaza. Mais les responsables déclarent que plus l'armée attend pour s'en prendre à ce qui est maintenant considéré comme une menace stratégique, plus les chances du Hamas d'infliger de lourdes et pertes et de frapper les villes du sud avec des missiles seront grandes. Le cessez-le-feu que l'Égypte tente d'obtenir (et que le Hamas déclare de temps en temps désirer) ne ferait que compliquer le problème selon l'analyse israélienne, en donnant au groupe terroriste l'opportunité d'accélérer ses préparatifs.
Bush et Rice voudraient qu'Israël s'abstienne d'agir contre le Hamas jusqu'à ce qu'Olmert puisse signer un accord avec Abbas sur les principes d'un règlement final israélo-palestinien. Alors qu'Olmert est toujours partisan de cette option, il est devenu de plus en plus évident aux yeux des Israéliens qu'un gouvernement conduit par Abbas ne sera jamais en mesure de l'appliquer. En dépit d'une aide internationale importante, l'administration palestinienne de Cisjordanie ne demeure rien d'autre qu'une coquille vide, maintenue au pouvoir par les troupes israéliennes. Les Israéliens disent que le Hamas peut interrompre le processus de paix à tout instant en reprenant les tirs de missile contre Ashkelon. Et quoiqu'il se produise à Gaza, une trêve ou une guerre générale, Abbas sera encore un peu plus affaibli. Son premier ministre, Salam Fayyad, a laissé entendre en privé qu'il serait favorable à une attaque israélienne contre Hamas, parce cela permettrait à Abbas et au Fatah de reprendre le contrôle de Gaza. Mais les forces de sécurité de Abbas ne sont probablement pas assez fortes pour contrôler une population gazaouie d'un million et demi de personnes à une échéance prévisible.
Les Israéliens disent que la prochaine confrontation n'impliquera pas nécessairement la réoccupation de la Bande de Gaza en totalité. Vu le déchainement prévisible d'une campagne internationale en cas d'offensive israélienne, et la couverture inévitable de la télévision par satellite des souffrances endurées alors par les Palestiniens, Olmert est probablement en attente d'une provocation indiscutable du Hamas. Peut-être que cela ne se produira pas pendant quelques mois encore. Mais ce qui préoccupe certains milieux israéliens, c'est le manque de préparation de l'administration Bush à l'éventualité que sa politique de paix au Moyen-Orient soit emportée par une guerre au Moyen-Orient.
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