20.4.06

EURABIA : ENTRE CONVERSION ET SOUMISSION

Europe: Civilisation de la Dhimmitude

(Objectif-info.com)
date: 2006-04-18 |

Quel que soit le conflit, ce qu'il est primordial de connaître, c'est son ennemi - ses pensées, ses valeurs, ses objectifs. Dans le cadre de la guerre actuelle contre l'Islamisme, nous, les Occidentaux, n'avons guère été à la hauteur dans notre effort pour comprendre notre ennemi tel qu'en lui-même. Nous avons jaugé son comportement à l'aune de nos idées préconçues et de nos catégories de pensée. En réalité, notre ennemi a su comprendre nos réflexes et exploiter les idéaux et les faiblesses de notre culture beaucoup mieux que nous ne l'avons fait des siens.

Nous, Occidentaux, sommes devenus de plus en plus laïques, matérialistes et ignorants de notre passé. A nos yeux, toute cause est matérielle, tout comportement résulte du milieu physique, ou de forces psychologiques qui, elles-mêmes, ont leur origine dans des circonstances matérielles ou environnementales immédiates. C'est ainsi que nous expliquons le terrorisme islamiste comme une réaction à l'ignorance et à la pauvreté, ou à une blessure de la fierté nationale, ou à une tyrannie d'Etat, ou aux séquelles d'un passé colonial ou impérialiste. Les solutions envisagées sont donc également matérielles. Par exemple :

Augmenter l'aide au développement pour réduire la misère et le désespoir qu'elle provoque ;
Contraindre Israël à s'affaiblir afin de supprimer cette source constante d'irritation pour le nationalisme arabe et sa fierté ethnique ;
Promouvoir des institutions démocratiques pour renverser la tyrannie ;
Proposer des dédommagements fiscaux et rhétoriques pour compenser les torts causés par le colonialisme et l'impérialisme. De telles analyses des racines du terrorisme ramènent, bien entendu, l'islamiste à des catégories matérialistes occidentales. Soit elles ignorent totalement, soit elles ne prennent pas en compte les aspects culturels, spirituels et historiques de ses motifs, lorsqu'elles les réduisent à n'être que des symptômes d'une cause matérielle plus profonde. Ces analyses évitent de se demander pourquoi tant d'autres peuples, plus pauvres et plus opprimés que ceux du Moyen-Orient, n'en viennent pas, pour autant, au terrorisme. Pour ce qui est de découvrir les racines du terrorisme islamiste, ces analyses, fondées sur l'aspect matériel, occultent plus qu'elles n'éclairent, surtout du fait que, depuis des années, l'ennemi est passé maître dans l'art de manipuler ces suppositions occidentales, qu'il considère comme des faiblesses, comme des symptômes de notre faillite spirituelle et de notre infériorité culturelle.

Le livre de Bat Yé'or, intitulé Eurabia : the Euro-Arab Axis [1] constitue une exception majeure par rapport à la généralisation évoquée ci-dessus, et toute personne cherchant à connaître les motivations réelles de l'islamiste plutôt que les conceptions réductrices des Occidentaux à son sujet ferait bien de le lire avec attention. Bat Ye'or est une spécialiste de l'institution islamique de la «dhimmitude» [2], et c'est ce mot qu'elle a choisi pour décrire la condition des peuples dominés par l'Islam sans se convertir à sa foi, «les individus ou les peuples non musulmans assujettis, qui acceptent une soumission restrictive et humiliante à un pouvoir islamique dominant afin d'éviter l'esclavage ou la mort». La dhimmitude est «la conséquence directe du djihad», la conquête militaire de tout territoire non islamique, imposée par Allah à tout Musulman et à toute communauté musulmane, en tant qu'obligation spirituelle.

L'histoire nous montre que l'Islam s'est répandu par la conquête violente des territoires non musulmans. C'est pourquoi, «au début du VIIIe siècle, afin de régir les relations entre Musulmans et non Musulmans, a été élaboré un ensemble de règles fondées sur les conquêtes, les pratiques, la théologie et la jurisprudence islamiques». Cette «doctrine du djihad a défini les relations entre les Musulmans et les non Musulmans, en termes de belligérance, d'armistices temporaires et de soumission».

Le djihad peut être réalisé par la force, ou par des moyens pacifiques, tels la propagande, les écrits, ou encore la subversion de "l'ennemi", c'est-à-dire «ceux qui s'opposent à l'instauration de la loi islamique, ou à son extension et à sa mission, ou à la souveraineté islamique sur leurs pays». Tous les pays non musulmans sont considérés comme le dar al-harb, «le domaine de la guerre», jusqu'à ce qu'ils se soumettent à la loi islamique et entrent dans le dar al-Islam [le domaine de l'Islam]. L'ennemi infidèle est donc classé en trois catégories : ceux qui résistent activement à l'Islam, ceux qui vivent dans un pays qui jouit d'une trêve temporaire avec l'Islam, et ceux qui se sont soumis à l'Islam en échangeant le sol contre la paix - les dhimmis, qui vivent dans un système qui «les protège du djihad et leur garantit des droits limités dans le cadre d'un système discriminatoire, qu'ils doivent accepter, sous peine de devoir faire face à la conversion forcée, à l'esclavage, ou la mort».

Le concept de djihad n'est pas une antiquité historique sans pertinence pour le monde moderne. On continue de l'étudier, de s'y référer, et des millions de Musulmans, ainsi que de nombreux théologiens de l'Islam, y croient passionnément, car il exprime une réalité spirituelle et une croyance puissantes, selon lesquelles, un jour, le monde entier deviendra musulman pour accomplir la volonté d'Allah. En conséquence, l'état normal des relations entre un pays musulman et un pays non musulman est la guerre. Si les armées islamiques ne parviennent pas à l'emporter militairement, alors, une période de «trêve» s'installe, une trêve soumise à plusieurs conditions, dont celle de permettre la propagation de l'Islam. «Le refus de permettre la propagation de l'Islam dans les pays concernés par la trêve est considéré comme un casus belli, et le djihad peut reprendre.»

Les apologistes occidentaux et les Musulmans occidentalisés ne tiennent pas compte de l'idéologie du djihad, ou bien tentent de le rationaliser et d'en faire une sorte d'amélioration de soi, mais le témoignage de l'histoire confirme que, pour la civilisation islamique chauvine, la guerre est une nécessité provoquée par le refus de l'infidèle de se soumettre à l'Islam et de le reconnaître comme la réalité spirituelle la plus accomplie, telle qu'elle est voulue par Allah pour la race humaine tout entière. Ainsi, les notions occidentales de nationalisme, de co-existence pacifique entre Etats, de résolution de conflit par la médiation du dialogue et de la négociation des diplomates, celles de cosmopolitisme tolérant, de droits de l'homme, de séparation de l'Eglise et de l'Etat, et de démocratie libérale, sont toutes subordonnées aux exigences spirituelles de la religion, et l'on y a recours durant la période de «trêve», ou on les rejette complètement si elles sont incompatibles avec lesdites exigences. Il ne fait aucun doute que beaucoup de Musulmans, aujourd'hui, rejettent cette vision de l'Islam et désirent sincèrement adapter leur religion à ces conceptions occidentales modernes et bénéfiques, mais le fléau du terrorisme islamiste et le large soutien dont il bénéficie de la part de millions de Musulmans, laissent penser que des gens aussi tolérants sont une minorité.

La thèse développée par Bat Ye'or, dans son livre Eurabia, est que le djihad est réapparu, depuis trente ans, comme «un facteur puissant dans les affaires européennes», mais qu'il a été presque complètement ignoré dans les analyses contemporaines. Après que la grande marée du déferlement musulman eut été stoppée, le 11 septembre 1683, devant les murs de Vienne, les siècles suivants ont vu la diminution de la puissance musulmane et l'ingérence grandissante de l'Europe dans les affaires du Moyen-Orient, aggravée par la profonde humiliation du démembrement de l'empire Ottoman après la Première Guerre mondiale. Et tout espoir que l'Islam puisse recouvrer sa gloire perdue par la force des armes fut anéanti lorsque le minuscule Etat d'Israël eut vaincu, par trois fois, les armées arabes. Ces dernières défaites ont confirmé que le djihad ne pouvait pas être réalisé par la force armée, mais qu'il fallait le continuer par d'autres moyens. C'est ce qu'affirme un résumé des remarques du Roi Hassan II du Maroc, lors de la réunion de la Conférence Islamique des Ministres des Affaires étrangères, en 1980 :

«La signification du djihad pour l'Islam ne réside pas dans des croisades ni dans des guerres religieuses. Ce sont plutôt l'action stratégique, politique et militaire, ainsi que la guerre psychologique, qui, si elles sont utilisées par la Oumma islamique [la communauté mondiale islamique], nous donneront la victoire sur l'ennemi.»

Pendant trente ans, ces moyens différents de mener le djihad ont réussi, de manière remarquable, à «transformer la civilisation judéo-chrétienne de l'Europe, héritière des importants acquis laïques de l'époque des Lumières, en une civilisation post-judéo-chrétienne asservie à l'idéologie du djihad et aux pouvoirs islamistes qui la propagent». Par conséquent, l'Europe devient l'Eurabia - une «civilisation de la dhimmitude», prête à sacrifier Israël, aujourd'hui, et sa propre identité culturelle, demain, afin d'obtenir, pour un temps, la tranquillité d'esprit et des bénéfices économiques.

Dans Eurabia, Bat Ye'or documente à la fois ce «djihad par d'autres moyens», que les Etats arabes ont mené contre leur ennemi traditionnel, ainsi que la lâche conciliation [3] dont ont fait preuve les élites politiques européennes, face à cette menace que leurs ancêtres avaient jadis affrontée et endiguée, à Poitiers, en Andalousie, à Lépante et à Vienne. A l'inverse, «l'Europe, telle qu'elle se manifeste au travers des institutions de l'Union européenne, a abandonné la résistance, en échange de la dhimmitude, et l'indépendance, en échange de l'intégration dans le monde islamique de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient». L'analyse de Bat Ye'or nous montre les différentes manières dont ce Munich au rythme lent s'est mis en place, ainsi que les intérêts et les pathologies qui ont facilité cette conciliation.

L'élément central de ce processus est Israël, ainsi que la mise au point à laquelle dut procéder le monde arabe après 1973, sa dernière tentative infructueuse de détruire l'Etat juif. L'une des contributions les plus importantes de Bat Ye'or est de montrer que la guerre contre les Islamistes et le terrorisme ne peut être séparée du destin d'Israël, qu'en fait, Israël mène, depuis soixante ans, une guerre à laquelle les Etats-Unis n'ont participé que récemment, sous la contrainte des événements du 11 septembre 2001. L'existence d'Israël est le symbole le plus douloureux et le plus humiliant de la domination occidentale sur l'Islam, encore plus douloureux et humiliant que les brefs royaumes des Croisés, ou la présence coloniale européenne. Car non seulement Israël existe sur des terres que les Arabes estiment avoir conquises de plein droit sur un peuple qu'ils ne peuvent tolérer que dans l'état servile de dhimmi, mais, en plus, ses réussites et sa prospérité mettent en lumière les inaptitudes politiques et culturelles des pays arabes riches en pétrole. La destruction d'Israël constituerait donc une étape importante pour la réaffirmation, d'une part, de la juste supériorité de la civilisation islamique et, d'autre part, de la décadence d'un Occident qui a abandonné son proche parent culturel [Israël] pour plusieurs raisons : la peur, la faillite morale, le manque de foi dans ses propres idéaux culturels, ses intérêts économiques, et sa tare particulière : l'antisémitisme. La défaite d'Israël deviendrait alors un modèle pour le rétablissement ultérieur de la supériorité islamique perdue depuis trois siècles.

Selon Bat Ye'or, les signes les plus criants de cette conciliation des Européens avec l'agression islamique sont «l'anti-américanisme, l'antisémitisme/antisionisme et le 'palestinisme', qui bénéficient d'un soutien officiel». L'anti-américanisme est important pour plusieurs raisons : les Etats-Unis sont l'incarnation la plus complète et la plus puissante de l'Occident moderne, celle que les Islamistes haïssent le plus, une aversion qui coïncide avec le ressentiment européen envers la prééminence américaine dans les domaines militaire, culturel et économique ; outre, bien entendu, que les Etats-Unis sont aussi l'allié le plus inconditionnel d'Israël. L'antisémitisme coïncide, de manière similaire, avec le mépris des Arabes pour les peuples conquis qui ont refusé d'accepter le summum de la révélation divine prêchée par Mohammed, et la haine européenne fasciste du Juif, considéré comme l'incarnation de tous les maux présumés du modernisme, tels le capitalisme, l'anti-traditionalisme, le cosmopolitisme sans racines, etc. Cette convergence est évidente dans les écrits de René Guénon, un nazi français qui s'était converti à l'Islam et «prêchait la haine de la civilisation occidentale et de la laïcité occidentale moderne, et qui affirmait également que l'Europe ne pourrait être rachetée que par [l'adhésion à] l'Islam».

Finalement, le «palestinisme» [4] devient le vecteur de la poursuite du combat avec l'Occident, vecteur qui exploite la haine des Juifs sous prétexte d'antisionisme et qui sert ainsi de façade [honorable] au traditionnel antisémitisme que la Shoah avait contraint à la clandestinité. Le palestinisme traduit aussi différentes pathologies culturelles des sociétés occidentales, telles que la haine de soi de l'Occident, l'idéalisation de l'«autre» non occidental, la fascination de la guérilla, le pathos du réfugié, et la culpabilité post-coloniale sentimentale. Toutefois, le but final n'est pas l'établissement d'un Etat palestinien, mais la poursuite du djihad contre l'Occident :

«Le conflit israélo-arabe, auquel la diplomatie euro-arabe - qui procède par association - a volontairement donné des dimensions disproportionnées, n'est qu'un théâtre d'opérations, parmi d'autres, de ce djihad permanent à l'échelon de la planète qui a pour cible l'Occident tout entier. Les actes de piraterie aérienne de l'OLP, depuis 1968, les tueries aveugles, les prises d'otages et les attentats-suicide islamistes à l'explosif, ont été adoptés dans le monde entier comme des tactiques efficaces de djihad contre les Occidentaux et d'autres civils, y compris des Musulmans.»

Toutefois, d'autres forces plus pragmatiques ont également joué un rôle dans cette dynamique de la volonté européenne de ménager les terroristes. Sous l'impulsion de la France, l'unification de l'Europe, en vue de faire pièce au pouvoir des Etats-Unis, a pu être facilitée par une intensification des liens avec le monde arabe musulman. La France, qui considérait le monde arabo-musulman et africain comme appartenant à sa sphère d'influence post-coloniale, estimait que

«L’association de la France avec une fédération musulmane qui couvrirait l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, lui conférerait une prédominance qui impressionnerait l'Union Soviétique et lui permettrait de rivaliser avec les Etats-Unis».

Une telle stratégie séduisait autant les antisémites que les néo-nazis et les ex-nazis, dont beaucoup avaient trouvé refuge et soutien dans un monde arabe qui partage leur haine des Juifs et d'Israël :

«C'est ainsi que deux éléments ont scellé l'alliance franco-arabe des années 1960 : l'anti-américanisme français nourri par des ambitions frustrées de puissance et la convergence entre l'antisémitisme vichyssois français, et le désir arabe de destruction d'Israël. Dès lors et par la suite, l'Amérique et Israël ont été inextricablement liés par cette politique.»

La France a cessé de vendre des armes à Israël et s'est mise, par contre, à armer des dictatures arabes, tels la Libye de Kadhafi et l'Iraq de Hussein.

Lorsque, en 1973, pour riposter à la nouvelle défaite infligée par l'armée israélienne, les Etats arabes producteurs de pétrole décrétèrent un embargo sur le pétrole et quadruplèrent son prix, la politique de la France fut adoptée par la Communauté Economique Européenne. En novembre de cette même année, la CEE adopta une résolution commune qui érigeait les «droits légitimes des Palestiniens» en condition sine qua non de l'instauration de la paix au Moyen-Orient. Cette toute nouvelle conception d'une nation palestinienne fut le moyen inventé pour tirer parti des idéaux culturels occidentaux qui avaient peu de pertinence pour la culture arabe.

«Les Arabes qui s'étaient installés en Terre Sainte, alors sous domination byzantine, après les premières conquêtes arabes, n'ont jamais manifesté le désir d'une quelconque autonomie politique ou culturelle qui les aurait différenciés des autres conquérants arabes musulmans des régions voisines. L'idée d'un peuple palestinien arabe distinct du reste de la nation arabo-islamique n'était pas seulement entièrement nouvelle, mais contraire à deux concepts historiques fondamentaux : celui de oumma (la communauté mondiale islamique) et celui de nation arabe - idéologie qui remonte aux années 1890 et prône un nationalisme totalitaire panarabe affirmant que les Arabes sont un peuple supérieur, et qui s'apparentait au panislamisme.»

Après tout, si les Arabes désiraient tellement créer un Etat palestinien, ils auraient pu le faire à n'importe quel moment avant 1967, lorsqu'ils contrôlaient la bande de Gaza, Jérusalem-Est et la Rive Occidentale du Jourdain.

La reconnaissance du peuple palestinien servit également de couverture à la légitimation du terrorisme, comme le prouve le statut accordé à l'organisation terroriste de l'OLP, et à son chef, Yasser Arafat, qui se métamorphosa alors en chef d'Etat, et fut traité avec tout le respect et les privilèges dus aux dirigeants légitimes. Dès lors, la rhétorique des «aspirations nationalistes» pouvait être manipulée et utilisée pour dissimuler le véritable objectif de l'OLP : la destruction de l'Etat d'Israël par un processus d'«étapes». «Au nom des droits des Palestiniens, de nouvelles horreurs allaient bientôt se déchaîner contre Israël et contre le monde». Par contre, en ce qui concerne les Européens, leur collusion avec le mythe de l'Etat palestinien leur valut la protection contre le terrorisme. Par exemple, après l'attaque, par des terroristes palestiniens, de la réunion de l'OPEC à Vienne, en 1973, le chancelier socialiste autrichien, Bruno Kreisky, adopta une politique pro-palestinienne, bien que l'Internationale Socialiste ait toujours été favorable à Israël. Kreisky devint l'infatigable artisan des relations publiques de Yasser Arafat, la politique de l'Internationale Socialiste changea de direction pour soutenir la création d'un Etat palestinien, en dépit de la volonté de l'OLP de détruire Israël, et Arafat fut accueilli à Vienne avec tous les honneurs réservés à un chef d'Etat légitime.

L'embargo sur le pétrole fut suivi de la création du Dialogue Euro-Arabe (DEA) qui, à son tour, fut à l'origine de nombreuses organisations de rapprochement [en français dans le texte] euro-arabe, telle l'Association Parlementaire pour la coopération euro-arabe (APCEA). Toutes ces organisations sont financées par les contribuables européens qui, pour la plupart, ne sont pas du tout informés de ce que ces fonctionnaires et bureaucrates font de l'argent de leurs impôts. Pour les Arabes, la reconnaissance et le soutien de l'OLP et de ses exigences étaient le prix à payer par les Européens pour être épargnés par le terrorisme et pour que s'ouvrent à leurs entreprises les marchés économiques arabes : «la reconnaissance de l'OLP… était une condition essentielle pour l'octroi à la CEE des immenses marchés du monde arabe». La politique et l'économie seraient liées : en 1975, un membre belge de l'APCEA écrivait que le soutien de la campagne des Etats arabes contre Israël faciliterait le développement de liens économiques mutuellement bénéfiques : «Le monde arabe pourrait amener la main-d'œuvre et les matières premières, les Européens, la technologie», en particulier les armements et la technologie militaire. Nous voyons là les débuts de l'aide européenne à l'immigration musulmane, qui allait devenir progressivement une arme puissante dans la guerre contre l'Occident.

C'est ainsi que les réunions du DEA [Dialogue Euro-Arabe] se concluaient régulièrement par des déclarations, de la part des Européens, qui s'alignaient, à la lettre, sur les positions arabes, particulièrement en ce qui concerne les «droits nationaux des Palestiniens», l'abandon de Jérusalem par Israël, et l'expression «territoires arabes occupés» pour désigner la bande de Gaza et la Judée Samarie (c'est-à-dire, la Rive Occidentale), formule injuste qui occulte le fait qu'il s'agit de terres historiquement juives et que, tant qu'un accord définitif ne fixera pas leur frontières, ces terres resteront des territoires «disputés» [5], dont l'attribution finale doit être négociée. Mais la politique, la peur et l'économie ont modelé la politique européenne au Moyen-Orient :

«Dorénavant, l'Europe ne verrait la question du droit à l'existence d'Israël qu'en relation avec le besoin européen de pétrole. Pendant la décennie suivante, en Europe, les réalités économiques et les menaces terroristes de djihad feraient nettement pencher la balance en faveur des ennemis d'Israël.»

Jouant sur les idéaux occidentaux de tolérance, de respect multiculturel de «l'autre », de cosmopolitisme, etc, - tous étrangers à leur culture islamique -, les délégués arabes auprès de ces diverses institutions sont parvenus à faire, des échanges entre l'Islam et l'Europe, quasiment une voie à sens unique. Alors même que les Européens cédaient aux exigences et permettaient aux immigrés arabes d'être aidés financièrement et de résister à l'intégration tout en restant loyalistes envers leur pays d'origine, aucun Etat arabe n'envisageait d'accorder les mêmes faveurs, même à ses propres citoyens :

«Alors que les Européens faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour plaire à leurs partenaires arabes, le monde arabe n'acceptait ni n'appliquait aucune des mesures progressistes promues par le DEA. En fait, le DEA traitait de concepts largement étrangers au monde arabe. Que pouvaient réellement signifier la liberté de conscience et de religion, l'égalité des sexes et l'égalité en dignité de tous, dans des sociétés qui pratiquent la ségrégation des femmes et des infidèles, la mort comme châtiment de l'apostasie, les 'crimes d'honneur', la mutilation génitale et même la lapidation des femmes, et sont pétries de haine et de fanatisme religieux, entretenus par les valeurs de la charria et du djihad, qui perdurent au cœur même de la civilisation arabo-musulmane ?»

Pendant ce temps, tandis que des organisations, tel le DEA, légitimaient l'existence de l'OLP et son appel explicite à la destruction d'Israël, dans sa Charte de 1964, les attaques terroristes

«se multipliaient, au niveau international, durant les années 70 et 80, qui virent le massacre, en 1972, des athlètes israéliens, aux Jeux Olympiques de Munich, les explosions d'avions, les attaques et les assassinats de civils perpétrés par le groupe Septembre Noir, et la guerre sanglante contre les Chrétiens au Liban».

Pourtant, à la même époque, l'OLP est devenue membre de différents organismes onusiens, telle la Commission des Droits de l'Homme (dont Israël est exclu), et Arafat a été reçu comme un dirigeant politique et un chef d'Etat légitime, processus qui a culminé dans la fameuse Résolution 3379 de l'ONU, qui définissait le sionisme comme une forme de racisme [6], conférant ainsi une apparence encore plus légitime à l'antisémitisme et à l'assassinat des Juifs.

L'ensemble de l'étude inestimable de Bat Ye'or contient une analyse soigneuse des transcriptions et des communiqués de différents séminaires, conférences et autres manifestations officielles, dans lesquels la politique de conciliation européenne avec la terreur et la 'diabolisation' d'Israël sont exposées en termes explicites. Maintes et maintes fois, ces documents arides révèlent l'érosion progressive de la volonté européenne de résister à une culture radicalement opposée à la sienne et n'ayant que du mépris pour ses idéaux les plus chers. En conséquence de quoi, le minuscule Etat d'Israël qui, depuis sa naissance, n'a cessé de subir de violents assauts contre son existence, a été transformé en paria international, qui doit porter la responsabilité de sa victimisation, comme le prouve la déclaration faite en 1996 par le Président français Jacques Chirac, qui impute la responsabilité du terrorisme à la «lenteur du processus de paix et à la frustration du peuple palestinien». Des siècles d'agression islamique contre les infidèles, justifiés par «d'innombrables versets du Coran et des hadiths, ainsi que par la jurisprudence religieuse musulmane», sont complètement ignorés dans cette analyse réductrice et égoïste.

En effet, réduire le terrorisme à une réaction au «problème palestinien» est devenu un cliché en politique étrangère européenne ; ainsi, le long passé du djihad est complètement occulté.

«La prise d'otages, l'égorgement rituel, l'assassinat des infidèles et des apostats musulmans sont des tactiques djihadistes légales, qui jouissent d'une haute estime et ont été minutieusement décrites, au fil des siècles, dans de très nombreux traités [sic] juridiques consacrés à ce sujet. Pourtant, [le ministre britannique des affaires étrangères, Jack] Straw et [l'ex-ministre des affaires étrangères français, Dominique] de Villepin ont déclaré à la presse que le monde arabo-islamique était révolté par le sentiment d'injustice qu'éprouvent les Palestiniens, et que cela constituait le problème le plus important pour le monde et pour les relations euro-arabes».

Dans le même temps, le massacre de Chrétiens noirs par les Musulmans arabes, au Soudan, s'accélère, les Libanais sont occupés par les Syriens, et les Kurdes n'ont toujours pas de patrie, malgré 2.500 ans d'existence ininterrompue dans des territoires aujourd'hui dominés par la Turquie, l'Iran, la Syrie et l'Iraq. Concernant tous ces autres problèmes, l'élite européenne, dont le cœur saigne pour les Palestiniens, est restée silencieuse.

L'analyse de Bat Ye'or offre une argumentation de poids pour comprendre que la politique européenne au Moyen-Orient est un exemple classique de la psychologie du dhimmi.

«Les attitudes dhimmies de soumission, d'humiliation et de servilité, conjuguées à l'antisémitisme et à l'anti-américanisme, ont donné à la dhimmitude eurabienne sa texture complexe. Elles suivent le modèle djihadiste historique en fomentant l'animosité entre les groupes de dhimmis, et la division entre les nations infidèles.»

C'est là une explication très convaincante de l'étrange avilissement des élites politiques, religieuses, culturelles et intellectuelles européennes, de leur ardeur à dénigrer leur culture et leurs valeurs propres comme inférieures à la civilisation islamique et à la culture des immigrés qui ont fui leurs propres sociétés, dont les dysfonctionnements sont, dans une large mesure, une expression de cette culture prétendument supérieure. La mentalité de dhimmi explique également la bonne volonté dont font preuve les gouvernements européens, depuis des années, en versant des milliards en liquide à des régimes brutaux et à des groupes terroristes, tel l'OLP, en conférant une légitimité à des assassins, et en participant à des conférences dans les capitales de tyrans qui torturent et massacrent leurs propres citoyens. Et cette orientation mentale clarifie le comportement des gouvernements européens qui, au cours des trois dernières années, ont entravé et perverti les efforts des Etats-Unis pour mettre fin à la mauvaise habitude qui consiste à chercher à se concilier les terroristes, et dont l'effroyable résultat est ce trou béant dans la partie inférieure de Manhattan, sans parler des centaines d'Israéliens déchiquetés par des assassins qui ont bénéficié d'un réconfort psychologique et matériel de la part de l'élite de l'Europe.

En 1973, Jean Raspail, auteur français de récits de voyage, a publié un ouvrage intitulé : Le Camp des saints, une troublante allégorie du suicide culturel de l'Europe face à l'invasion d'une multitude de miséreux du Tiers-Monde. En tout cas, si le portrait, brossé par Raspail, de l'épuisement spirituel, culturel et moral de l'Europe s'est révélé correct, le monde européen ne se terminera pas par un tel éclatement, mais plutôt par un long et lent gémissement de conciliation, ainsi que l'illustre Bat Ye'or dans sa brillante analyse. Mais qu'en sera-t-il de l'Amérique ?

Dans sa conclusion, Bat Ye'or reconnaît l'importance des actes posés par l'administration Bush, après le 11 septembre 2001, pour commencer à prendre le contre-pied de décennies de conciliation.

«En tant que partie intégrante de la guerre déclarée par Bush au terrorisme, le conflit irakien a discrédité la complaisance et la collusion de l'Europe. Qui plus est, le Président George W. Bush a dévoilé le danger mortel du terrorisme islamique et l'a placé sur la sellette internationale, détrônant la 'cause palestinienne', ce qui a provoqué la colère de beaucoup d'Européens, du fait de l'affaiblissement du combat euro-arabe contre Israël.»

C'est vrai, mais certaines considérations devraient tempérer notre optimisme quant à la victoire finale des Etats-Unis.

D'abord, la récente élection [présidentielle] montre qu'un nombre important d'Américains ne comprennent pas encore la vraie nature du combat contre l'Islamisme. Trop de gens croient toujours que la pauvreté, ou l'intransigeance des Israéliens, ou encore les conséquences de la colonisation, ou bien les menaces guerrières unilatérales de Bush, ou enfin "l'arrogance" culturelle occidentale et le mépris de 'l'autre' à la peau foncée, expliquent le terrorisme islamiste. Des années de multiculturalisme thérapeutique, sur fond de calomnies d'inspiration gauchiste à l'égard de l'Occident, répandues par l'enseignement et la culture populaire, ont causé des dégâts. En conséquence, beaucoup d'Américains s'abandonnent à un relativisme culturel sentimental, ainsi qu'à une haine de soi, qui permettent de s'abstenir tranquillement d'exercer des jugements moraux et de désigner les responsables des assassinats terroristes. Et, bien entendu, l'ignorance pure et simple des faits historiques rend beaucoup d'entre nous vulnérables aux falsifications de l'histoire, qui étayent ce genre de relativisme.

Ensuite, la politique du Président consistant à encourager les régimes démocratiques et la liberté politique au Moyen-Orient ne tient pas suffisamment compte de la force des idéaux culturels et religieux dans le conditionnement du comportement. La démocratie est, bien sûr, importante, à condition qu'elle s'accompagne des évolutions culturelles essentielles suivantes : le respect des droits de l'homme sans distinction de sexe, de secte, ou de race ; l'application de la loi ; la subordination de la religion au gouvernement ; le contrôle de l'armée par les civils ; un système judiciaire indépendant et transparent - tout cela est nécessaire pour que la démocratie instaure la liberté politique, au lieu de ratifier une nouvelle tyrannie, comme cela a été le cas des élections démocratiques algériennes, en 1993. Nous devons reconnaître le pouvoir de mobilisation des Islamistes, qu'ont des idéaux spirituels comme le djihad [7], et ne pas nous contenter d'expliquer que tout cela est la conséquence de l'absence d'élections.

Finalement, je ne suis pas sûr que le Président ait "détrôné" la cause palestinienne.
Depuis la mort d'Arafat, le négateur de la Shoah et apologiste de la terreur, qu'est Mahmoud Abbas, a été élevé au rang de chef d'Etat et s'est vu promettre des millions de dollars d'aide.
L'écran de fumée de la souveraineté étatique palestinienne continue d'occulter l'objectif à long terme de la stratégie arabe, qui demeure la destruction d'Israël par "étapes".

Les organisations terroristes, tels le Hamas et le Djihad Islamique, qui se sont fixé cet objectif, n'ont été ni désarmées, ni détruites. Plus important encore : le mythe, selon lequel tous les désordres et toute la violence qui règnent au Moyen-Orient sont causés par l'absence d'un Etat palestinien, perdure encore. Le calme actuel ressemble de plus en plus aux jours enivrants des lendemains d'Oslo, quand toutes les concessions israéliennes non payées de retour, ont été finalement accueillies par du sang et des lambeaux de chair israéliens dans les rues. Comme l'établit l'analyse de Bat Ye'or, le ressort du terrorisme islamiste, c'est Israël, mais pas de la manière qu'imaginent la plupart des gens. Pour le djihadiste, Israël doit être détruit. Si ce n'est pas par des bombes et des tanks, ce sera par des concessions au coup par coup et par le simple jeu de la démographie. Cela prendra peut-être cinquante ans, voire cent ans, mais, comme ce fut le cas pour les royaumes des Croisés médiévaux, Israël, en tant que manifestation de la puissance dynamique des idéaux culturels occidentaux ne peut être autorisé à survivre, car il constituerait un constant rappel de l'échec de la civilisation islamique.

La guerre d'Israël est notre guerre, et tant que nous ne proclamons pas, haut et fort, ce lien dans nos discours publics et surtout par nos actions, tout ce que nous faisons d'autre nous permet seulement de gagner un peu de temps, durant lequel les forces de conciliation et l'ardeur meurtrière des djihadistes accomplissent leur œuvre.

Bruce Thornton

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(Objectif-info.com - Disclaimer) ajoutée le 2006-04-18