19.4.06

QUE FAIRE DE LA CHARIA ?

L’Islam est à l’épreuve des débats d’experts

Intéressant débat entre Jean-Paul Charnay, directeur de recherche au CNRS, et Malek Chebel, psychanalyste, sociologue et champion de l’Islam des lumières, sur la modernisation et la démocratisation de l’Islam. Surtout cette déclaration de Malek Chebel:



Si nous voulons voir émerger une autre conception des droits de l'homme et de la femme, il faut que la maturation des idées se produise à l'intérieur de l'islam. Voilà pourquoi une nouvelle interprétation des textes, par les musulmans eux-mêmes, me paraît indispensable afin d'affirmer qu'il est possible de ne plus être totalement esclave de la charia. Pour ce faire, nous devons organiser une conférence mondiale avec des savants musulmans d'envergure – c'est-à-dire écoutés et respectés par leur propre communauté – capables de réinterpréter en profondeur les textes controversés.



Voilà qui semble fort bien. Mais un tel projet n’a aucune chance d’aboutir, et Malek Chebel est trop fin pour l’ignorer. En effet, d’abord, quels savants musulmans se présenteraient à une réunion visant à réformer la religion dont ils vivent au point de se mettre en situation d’apostasie? Pour mettre sur pied une telle réunion, il faudrait que la volonté en soit préalablement présente parmi eux, de manière presque unanime. Or nous savons qu’un grand nombre de ces savants, et des plus prestigieux, pensons simplement à Qaradawi, et aux diverses mouvances islamistes, ne tiennent nullement à réformer, autrement, peut-être, que de manière purement cosmétique, ce qu’ils présentent depuis des décennies comme la perfection ou comme une perfection en puissance. Ceci à l’image de Malek Chebel, d’ailleurs.

Ainsi, le résultat d’une telle conférence d’experts pourra toujours être disputé par celui d’autres conférences, et l’instrument «conférence mondiale» s’ajoutera simplement aux autres attributs de la lutte pour le pouvoir au sein de la communauté musulmane. Et un homme qui, outre l’Islam, a étudié la psychanalyse, la sociologie, l’anthropologie et les sciences politiques jusqu’au niveau du doctorat ne s’y trompe certainement pas. Mais qu’importe – si de telles conférences se multiplient, le triste miracle de la prophétie auto-réalisatrice fonctionnera: l’Islam en deviendra plus présentable et sera mieux accepté en Occident. Comme Malek Chebel.

Mais le problème restera entier: comment persuader les Musulmans de réformer vraiment l’Islam, des éléments aussi fondamentaux que le djihad, la dhimma, les houdouds? Car même l’abandon, par exemple, de la partie militaire du djihad n’enlèvera pas à l’Islam ses visées suprématistes. Même l’abandon des châtiments corporels n’enlèvera rien à la haine des non-croyants que le coran inspire naturellement à ceux qui choisissent de croire en la nature révélée de ce livre.

Pour cela, il faut autre chose qu’une conférence d’experts qui sont autant de personnages politiques évoluant déjà sur une même scène. Pour cela, il faut un débat qui reconstitue la confrontation du monde réel, soit celle opposant l’Islam d’une part et ce que nous appelons la modernité d’autre part. Qu’est-ce que la modernité? Au-delà des définitions, ce sont des valeurs, celles qui soutiennent et nourrissent les droits et les libertés dont jouissent les individus du fait de la reconnaissance de leur simple dignité humaine, de la prédominance de cet aspect sur toute idéologie, même religieuse, lorsque celle-ci ne le respecte pas.

Le débat qui modernisera l’Islam sera celui donnant la parole à l’individu lui-même. Directement. Il faut pour cela créer non pas une conférence, mais un débat permanent, ouvert à tout un chacun, à des conditions que toute personne douée de raison et de bon sens peut réunir grâce à un minimum de bonne volonté. Ce débat est d’ailleurs déjà en cours, mené par les penseurs de notre temps et soutenu par les technologies de l’information. Mais il reste très déstructuré, fragile, répétitif, et ainsi peu productif. Pour aboutir plus rapidement à l’issue que tout esprit libre et éclairé devine sans grande peine, il doit simplement être optimisé, et centralisé.

Comme le révèle la tendance suicidaire exacerbée de ses croyants les plus épris de lui, ce dont l’Islam a besoin, c’est d’une remise en question fondamentale entre les valeurs de la croyance et celles de la vie elle-même. Il faut mettre ces valeurs en présence, physiquement et de manière à exclure l'influence de la violence. Il faut créer un lieu pour cela, au centre vibrant de cette religion, et l’ouvrir à toutes celles et tous ceux que le débat sur les valeurs religieuses intéresse au point de s’y consacrer corps et âme, de se rendre à La Mecque, en qualité de simple créature, de pèlerin moderne, anonyme, et d’y débattre des écritures sacrées et de l’avenir de l’Islam, sous le regard omniprésent du monde entier, via Internet.

Posted by ajm on April 4, 2006 03:42 PM | Permalink
Comments
Cher Ajm,

Si Malek Chebel avec sa proposition ne trouve par grâce à vos yeux, je me demande ce que les musulmans pourront bien proposer pour vous satisfaire. Je pense que vous leur demandez beaucoup trop et surtout beaucoup trop vite.

D’ailleurs quand vous écrivez : « Mais le problème restera entier: comment persuader les Musulmans de réformer vraiment l’Islam, des éléments aussi fondamentaux que le djihad, la dhimma, les houdouds? » je me demande si vous connaissez votre sujet.

En effet plusieurs savants reconnus et respectés se sont déjà exprimés sur ces sujets, en particulier le cheikh syrien Said Ramadan al Bouti, qui a déjà réaffirmé la position des grandes écoles jurisprudentielles dans un ouvrage qui fût un best seller (« le djihad comment le comprendre, comment le pratiquer ») :

- Son ijtihad l’amène à conclure que le djihad guerrier ne peut être mené qu’en cas de légitime défense, jamais pour conquérir ni convertir
- Que l’apostat ne peut être mis à mort que si il combat la communauté musulmane (= crime de haute trahison puni de mort dans l'ancien droit français)

Ce savant est un mujtahid reconnu et très respecté, et sa postion sur ces sujets a eut un très grand impact dans le monde musulman qui ne se résume pas à sa composante wahhabo-salafiste. Quant aux houdouds, il est vrai qu’il faudrait avancer sur ce sujet.

Je m'étonne que vous ne parliez pas de ces savants.
En effet, ils constituent un levier puissant pour combattre l'intégrisme, car tout musulman non mujtahid se doit d'écouter leur avis.

Posted by: Lapin | April 9, 2006 11:43 PM

C’est qu’à mes yeux, ces gens sont malhonnêtes. Car il est pour le moins vain de tenter de fonder une religion, ou une philosophie, ou une réforme – quoi que ce soit en vérité – sur les écritures islamiques. Et c’est cela, connaître le sujet.


Posted by: ajm | April 10, 2006 06:44 AM

Cher Ajm,

Avec une telle démarche vous ne réussirez qu'à radicaliser les musulmans qui appellent à la modération (il y en a beaucoup, je puis vous donner des noms) en donnant des arguments aux intégristes.

Connaissez vous le judaisme ? Je vous conseille d'aller discuter avec des rabbanim, ce qui vous permettra de constater que la loi juive est extrêmement barbare et cruelle (bien plus que la charia islamique) et qu'en sus aucune de ces lois (lapidation, amputation, infériorité sociale de la femme) ne fût abrogée, simplement ces lois ont été rendues innaplicables (même si elles le restent virtuellement, nuance très importante).

Pourquoi les musulmans ne pourraient ils pas connaître la même évolution ?

Quand vous dîtes que "ces gens" sont malhonnêtes, je pense que vous exprimez le fond du problème : vous ne les connaissez pas.


Posted by: Lapin | April 10, 2006 01:28 PM

Et si je connaissais ces gens, cela changerait quelque chose aux textes islamiques?

Les Musulmans ne peuvent pas suivre la même évolution que les Juifs, car leurs textes sont très différents. C’est une question de priorisation. Dans le Judaïsme, la violence est motivée par des actes ponctuels, elle s’inscrit dans un contexte délimité, par les textes mêmes, lesquels comportent par ailleurs de nombreuses injonctions au bien. Il se crée un équilibre qui se traduit par l’adaptabilité des textes selon les circonstances.

Dans l’Islam, la haine et la violence sont l’ordre central, exprimé de manière aussi claire que possible, répété jusqu’à la nausée. De plus, cet ordre – censément divin – est universel (tous les non-croyants) et illimité (jusqu'à que la religion soit celle d'Allah seul).

Aucun consensus pacifique ou tolérant n’a jamais pu être bâti là-dessus. Et les tafsirs modernes qui s’appliquent à le faire sont tout simplement risibles aux yeux de quiconque a étudié la matière. Et ils le resteront.

Pourquoi s’obstiner à sauver des textes de toute évidence dévoués au culte de la mort, de l’esclavage et de la cruauté, et qui de plus n’apportent pratiquement rien de bon, et ces éléments étant de surcroît volés à d’autres religions… si ce n’est pour tromper l’ennemi? Incidemment, c’est là aussi un ordre clair des écritures coraniques que de ne parler de l’Islam qu’en termes agréables. Et le prophète a autorisé les Musulmans à mentir, et même à dire du mal de lui, pour la cause de l'Islam.

En vérité, l’Islam ne mérite vraiment pas les Musulmans. Car une telle idéologie ne mérite aucun adepte. Les Musulmans méritent peut-être une religion, cependant. Pourquoi pas. Mais alors, il faudra qu’ils la créent, car ce dont parlent les modérés, cela n’existe tout simplement pas.


Posted by: ajm | April 10, 2006 02:03 PM

Je pense que c'est de la démocratie que de choisir la charia, c'est les musulmans qui la veulent alors démocratique parlant, il faut respecter leur choix !!!!
Islam

Posted by: Islam | April 10, 2006 02:49 PM

Nous n'avons pas la même idée de la démocratie. Faire voter une communauté de gens gavés de propagande pour instaurer un régime intrinsèquement antidémocratique est antidémocratique.

Posted by: ajm | April 10, 2006 02:54 PM

Cher Lapin, vous dites
""" Son ijtihad l’amène à conclure que le djihad guerrier ne peut être mené qu’en cas de légitime défense, jamais pour conquérir ni convertir
- Que l’apostat ne peut être mis à mort que si il combat la communauté musulmane (= crime de haute trahison puni de mort dans l'ancien droit français) """"
pour le Djihad, je le savais mais pour l'apostasie, c'est une nouveauté pour moi, j'aimerai en savoir plus !! voilà mon email :
islam.paix@yahoo.fr
je me connecte fréquemment au site www.extremecentre.org avec le même pseudo ''Islam '' j'attends impatiemment que vous me contactez !!
Islam

j'atten


Posted by: Islam | April 10, 2006 03:00 PM

Cher Ajm,

Je comprends bien votre position que je ne partage pas. Je ne vois pas de différence fondamentale entre la violence coranique et biblique, les deux s'inscrivant, pour reprendre votre expression, dans un contexte délimité.

Croyez vous que durant 14siècles les musulmans aient attendu que les mois sacrés expirent pour tuer les associateurs (sourate 9 verset 5) ? Non, bien entendu, car cette violence là s'inscrit dans un contexte précis. D'ailleurs ce verset a entraîné plusieurs avis juridiques.

Vous écrivez :
"Aucun consensus pacifique ou tolérant n’a jamais pu être bâti là-dessus". Et bien je vous encourage à voyager, d'abord en Afrique (Maroc, Mauritanie, Sénégal) vous pourrez mesurer la grande intolérance et agressivité des musulmans (souvent très pratiquants) qui vivent dans ces contrés ! Puis, vous pourriez faire le même constat à l'autre extrémité du monde musulman (Indonésie par exemple. Pourtant ces musulmans qui sont tout sauf agressifs sont très attachés à leur religion et en vivent. Vous pourriez me répondre que ces gens ne connaissent pas leur religion, si cela est vrai pour nos déracinés européens, je puis vous affirmer d’expérience qu’il est faux de dire cela des musulmans de ces pays. Je ne doute pas d’une chose cependant, c’est que si quelques mal avisés trouvaient juste d’insulter leur prophète et leur religion, ces gens délaisseraient leur pratique traditionnelle et deviendraient sensibles à ce vent brûlant qui souffle d’Arabie saoudite : le réformisme wahhabo-salafiste.

En ce qui concerne la part des musulmans, malheureusement de plus en plus importante, ayant déjà abandonné sa pratique traditionnelle de l’islam pour cet islam réformé en guerre ouverte contre l’Occident, et bien je pense que c’est par la force qu’il est nécessaire de leur imposer une évolution vers « un consensus pacifique et tolérant ». La dialectique dans ce cas précis ne suffira pas. La situation en Europe est d'ailleurs déjà très inquiétante.

Pour conclure, je pense, Ajm, que vous sous-estimez fortement l’implantation de l’Islam dans le cœur des musulmans, cela vous empêche d’envisager des solutions réalistes.

Cher Islam,

Je vous transmettrai les références et avis juridiques des savants sur l’apostasie.

Posted by: Lapin | April 10, 2006 06:37 PM

Après quatorze siècles d’échec, le réalisme consisterait à continuer de tenter d’amadouer l’Islam à l’aide de belles paroles d’apaisement tout en en respectant les écritures haineuses et agressives?

Non. L’Islam «traditionnel» est incapable de résister à l’appel des textes, comme toujours. Et cet Islam traditionnel, d’ailleurs, n’a pu s’imposer largement, pour un temps, que grâce à l’intervention d’armées coloniales, puis à la main de fer de dictateurs bien décidés à ne pas laisser les islamistes reprendre le dessus. Aujourd’hui, ils s’effondrent les uns après les autres, et vos interpréteurs d’opérette n’y font strictement rien. Personne ne les prend au sérieux si ce n’est des Occidentaux trop contents de pouvoir croire en un vaporeux Islam des lumières, si rassurant, si bon marché.

Cette fois aussi, il faudra briser violemment l’élan des islamistes, mais sans refaire la même erreur millénaire, sans permettre aux Musulmans de continuer de croire que l’Islam est une religion. Cette fois, il faudra qu’ils la regardent en face, cette monstruosité, cette indicible horreur, cette épouvantable mystification que vous croyez bon de respecter parce que des ignares bornés pourraient sinon s’offusquer.

La vérité à des vertus et une force qui peuvent vaincre même l’obstination la plus noire. Si l’on ne croit pas cela, alors on n’est pas digne, en effet, ni capable, de s’opposer à l’Islam. Mais le réalisme, à l’heure où les actions des hommes peuvent influencer l’avenir de la planète entière, c’est de faire triompher la vérité. Car le mensonge, cette fois, pourrait fort bien nous coûter toute la lumière.


Posted by: ajm | April 10, 2006 08:54 PM

C'est donc un bain de sang que vous appelez de vos voeux.

Heureusement, je pense que vous ne convaincrez pas beaucoup de monde, avec votre vision de l'histoire qui semble à la base de vos projets.

Posted by: Lapin | April 11, 2006 08:01 PM

Le bain de sang, la guerre, nous les avons déjà. Et en continuant de répandre des mensonges absurdes sur la réalité de l’Islam, c’est vous qui favorisez cette issue.

Le djihad n’est pas l’invention de Ben Laden, ni des Wahhabites – c’est l’essence même de l’Islam. C’est l’ordre parfaitement clair qui émane des écritures islamiques, par
1) les termes mêmes du message coranique;
2) l’incitation sous-jacente; et
3) l’interprétation des meilleurs experts musulmans de toutes les époques.

1) Le Coran ne contient pas de contexte. Il est de plus classé de telle sorte qu’il est impossible d’en comprendre directement le contexte. Le Coran est une récitation – encore aujourd’hui. Si l’Islam tenait à mettre les choses en contexte, il aurait, comme les textes juifs, placé le contexte dans le texte. Il aurait dit «tuez ceux qui ont trahi», «tuez les apostats qui combattent contre l’Islam», «tuez les polythéistes qui font couler le sang des innocents». Alors, ce serait possible, en effet, d’interpréter, de dépasser, de s’entendre. Mais l’Islam ne dit pas cela. L’Islam dit de les tuer «tous», «partout où vous les trouverez», et pas parce que qu’ils auraient commis un crime quelconque, mais simplement parce qu’ils ne croient pas. Plus de détail ici.

2) Le Coran est une monstrueuse incitation à la haine raciale et religieuse. Je recommande à chacun d’en copier le contenu dans un traitement de texte, puis de le lire à l’écran en mettant en évidence les passages dans lesquels les incroyants sont maudits, insultés, dénigrés, condamnés, avilis, etc. Démonstration ici.

3) Le Coran étant souvent incompréhensible, d’innombrables savants l’ont commenté, s’appuyant sur le Hadith, soit différents recueils de ouï-dire sur les actes et les paroles du prophète et de ses compagnons. Toutes les interprétations qui ont jamais fait autorité sont consensuelles sur la nature du djihad (guerre de conquête jusqu’à l’avènement de l’Islam sur toute la terre), de la dhimma (les non-Musulmans sont tolérés, mais ne bénéficient que d’un statut «humiliant», selon les termes du Coran) et des houdoud (singulier hadd) (châtiments corporels fixes, obligatoires, en place publique, pour les péchés mentionnés dans le coran – vol, banditisme, rapports sexuels illicites et l’accusation infondée de ceux-ci, consommation d’alcool et apostasie).

En fait, ceci entre parenthèses, au début de la conquête, peu après la mort de Mahomet, même les non-Arabes ne pouvaient pas jouir d’un statut égal à celui des Musulmans «originaux», ils pouvaient tout au plus devenir les «clients» des Musulmans arabes qui les avaient convertis. C’est cette injustice flagrante qui a entraîné les premières luttes intestines sérieuses de l’Islam et ainsi le transfert, hors de Médine, du centre du pouvoir islamique.

Sur la base du Coran, des ahadiths et des interprétations des savants, les Musulmans légiférèrent. Il se forma ainsi quatre écoles de jurisprudence (une cinquième fit long feu) classiques, les madhahib (singulier madhab). Toutes prévoient le djihad offensif (voir ici pour une vision d’ensemble, et ici pour une description plus détaillée avec la traduction française d’une dissertation arabe sur le djihad par Ibn Rushd, dit Averroès).

- - -

À côté de cela, que peuvent donc valoir des interprétations modernes si tortueuses que personne ne peut en exposer la teneur de manière clairement compréhensible à tout un chacun? Rien, bien sûr. Dès le moment où des gens qui croient en l’origine divine de l’Islam en étudient les textes, ils deviennent des assassins en puissance, et des menteurs éhontés.

L’Islam nous a déclaré la guerre. L’Islam promet le meilleur des paradis à ceux qui mourront au combat pour sa cause. C’est l’Islam qui veut le bain de sang, sans le moindre doute, sans la moindre ambigüité. Il faut interdire cette abomination, pour la contenir, et en même temps ouvrir les yeux des Musulmans. C’est la seule chance d’éviter le bain de sang.

Et cette chance est réaliste. La grande majorité des Musulmans actuels sont très jeunes, ils sont capables de voir la vérité, de changer d’avis, de constater l’erreur du passé et de construire un nouvel avenir sur les valeurs qui leur sont propres. C’est cette chance-là qu’il faut leur donner.


Posted by: ajm | April 12, 2006 07:32 AM

Cher Ajm,

Votre point 1) montre clairement que vous ne connaissez pas votre sujet. Sous une apparence de rigueur (merci de me donner le singulier de certains mots arabes, mais je vous assure : je n’en ai nullement besoin), vous écrivez des âneries que le dernier des étudiants en histoire / civilisation islamique pourrait démentir. En effet, la prise en compte du contexte des versets coraniques pour en comprendre le sens (= le vouloir dire de Dieu, dans la tradition musulmane) est un des fondements de la jurisprudence islamique (« le Coran ne parle pas de lui-même, ce sont les hommes qui le font parler » a dit le célèbre compagnon Ali). Pour faire la Loi, extraire « l’argument légal », le savant musulman doit faire appel à plusieurs outils. Parmi ces derniers, arrivent en tête la connaissance de l’abrogeant et de l’abrogé (an-nâsikh wa al-mansûkh) et la connaissance du contexte de la révélation. D’autres outils (analogie, raison, intérêt général etc.…) sont utilisés diversement selon l’école juridique considéré. Ces écoles reconnaissent que certains versets ne sont pas interprétables au premier degré, et il y a consensus des savants pour condamner celui qui interprète le Coran sans science (je ne parle même pas du chiisme dans lequel certains alides sont considérés comme les gardiens de l’interprétation juste du coran). Ne vous en déplaise, les tendances purement littéralistes refusant l’interprétation de manière à instrumentaliser les versets violents du Coran, ont pris un nouvel essor à partir du 19siècle, et cela avec la bénédiction et l’aide de certains pays occidentaux, dans l’ordre : France, Angleterre puis Etats-Unis. Ces pays ont grandement favorisé l’émergence puis la diffusion de l’islam saoudien, précipitant l’affaiblissement des écoles interprétatives traditionnelles pour laisser place à un islam sans cadre susceptible d’être instrumentalisé pour servir d’exutoire au sentiment d’humiliation et au désir de revanche (fruit pourri de la colonisation) qui ronge le monde musulman dans son entier.

Votre point 2) pourrait tout aussi bien s’appliquer à l’ancien testament qu’apparemment vous n’avez pas lu, puisque vous en sous-estimez la violence. Je vous recommande chaudement de poser cette question à un rav si vous en avez l’occasion : « Quelle est le rôle des juifs sur terre, leur mission ? ». Je vous garantie que vous ne serez pas déçu. D’autre part, je vous fais remarquer que la plupart des menaces de châtiments (y compris pour l’apostat) contenues dans le Coran, font référence à l’après vie, et ne peuvent donc être utilisés pour dériver la Loi. Ce point est souvent souligné dans les ouvrages classiques de jurisprudence.

A propos de votre point 3) et du djihad en particulier. Voilà ce qui arrive quand on s’imagine que consulter une traduction du « bidayat al mudjathid » fait de vous un spécialiste du droit musulman. Si on considère beaucoup plus largement, les ijtihads sur ce sujet au sein de chaque école juridique on arrive à la conclusion démontrable que l’avis majoritaire sur le djihad guerrier est qu’il ne peut pas être déclenché en cas de dénégation (c'est-à-dire pour convertir), mais qu’en cas de combativité d’un groupe ennemi. La combativité est prouvée si il y a attaque directe, ou s’il y a des preuves claires qu’un ennemi se prépare à attaquer. Et je puis vous assurer, que ces interprétations sont tout ce qu’il y a de plus classique même si il est vrai qu’elles ont été mises en avant quand les musulmans se sont trouvés en position d’infériorité (alors que les positions minoritaires belliqueuses étaient utilisés quand les musulmans, en position de force, souhaitaient étendre la maison de l’islam, mais nous discutons ici de la nature de l’islam et non de l’instrumentalisation de la religion à des fins politiques ou pour servir quelques objectifs de conquête, non ?).


Je pense, cher Monsieur Ajm, que vous êtes un doctrinaire et comme tous les doctrinaires la vérité scientifique ne vous intéresse guère. Voir l’islam comme un mal absolu est une vision de petit garçon, une conception infantile et dangereuse.

Je vous rejoins cependant sur un point, le coran comme l’ancien testament, considérés seuls, sans les écoles interprétatives qui se sont constitués au fil des siècles pour leur donner sens, sont susceptibles d’être instrumentalisés pour servir de base idéologique à des projets guerriers. Et quand on s’intéresse avec un peu d’objectivité à ce qui se passe depuis un siècle dans le monde musulman on ne peut être que frappé par l’acharnement déployé par les mouvements littéralistes issus du wahhabisme faisant la promotion du djihad guerrier, pour détruire les écoles juridiques traditionnelles.


Posted by: Lapin | April 12, 2006 04:47 PM

Point 1. Non seulement le coran ordonne de tuer tout à fait directement (les incroyants), mais cette interprétation est confirmée par l’étude des traditions et par l’interprétation des juristes musulmans, des quatre écoles de jurisprudence, comme je le démontre à l’aide des références inclues dans mon texte de ce matin. Ces références prouvent que l’Islam des Saoudiens n’a rien à envier à l’Islam traditionnel des textes en ce qui concerne les visées guerrières et expansionnistes.

Point 2. Je n’ai aucune raison de m’appesantir sur les incitations à la haine de l’AT qui seraient, selon vous, comparables à celles du Coran. Il n’existe pas de djihadistes juifs. Et ce n’est pas un hasard. Le djihad, la guerre contre les incroyants jusqu’à que la religion sont celle d’Allah seul, est spécifique à l’Islam. Et on s’en aperçoit aisément en lisant cet ouvrage dans cette lumière, comme je le démontre ici.

Point 3. Vous vous tirez dans le pied. Vous nous dites que les interprétations de la légitimité du djihad offensif furent toujours favorables à l’agression aussi longtemps que l’Islam était fort. Une fois faible, l’Islam accepta en effet plus aisément, comme vous le dites, de croire que seule une agression imminente allait nécessiter une action militaire, et pour cause. Or l’Islam reprend des forces, aujourd’hui, et son agressivité naturelle reprend le dessus également. Car la mission essentielle, originale, centrale des Musulmans est de répandre l’Islam dans le monde, ou plutôt de rendre le monde à l’Islam, comme on dit lorsqu’on est Musulman.

Contrairement à ce que vous dites, depuis des décennies, l’Islam ne cesse de hausser le ton, l’islamisme prend toujours davantage d’importance. Plus les Musulmans savent lire, plus ils lisent leurs écritures, bien sûr. Et plus ils sont extrémistes. Et c’est parce que les textes, les interprétations et les lois de l’Islam sont intrinsèquement malsaines. Parce qu’elles ordonnent aux Musulmans de conquérir le monde, d’en éliminer les incroyants, qui seraient de toute manière destinés par Allah à un terrible châtiment.

C’est à cause de ces écritures malfaisantes que les Musulmans deviennent terroristes, suprématistes, intolérants, non créatifs, pauvres, et la mince couche de vernis que les «modérés» tels que vous tentent d’y apporter n’est guère que de l’hypocrisie.

En effet, comment des Musulmans modérés, pacifiques, empêcheraient-ils leurs coreligionnaires attachés aux textes originaux de s'imposer - au nom de quoi, de quelques ijtihads modernes, alors que ceux-ci, au sens des consensus des anciens, ne devraient plus porter que sur des points de détail et sur des facteurs exogènes nouveaux? Cela est si dérisoire. Des gens honnêtes commenceraient par reconnaître la nature et l’ampleur du problème, puis s’attaqueraient à une vraie réforme.

Une réforme, cela commence par la vérité, par la clarté. Il est vrai que la vérité de l’Islam est très douloureuse à mettre au jour, mais une fois passé ce cap, l’avenir est à lui. Si les Musulmans parviennent à faire, pour eux, la lumière sur leur passé, sur l’inanité criminelle de leurs croyances, puis à passer par-dessus cela, à se donner des lois modernes, basées sur une réflexion vraiment ouverte, élaborée au sein du plus grand divan de leur histoire, ils seront les enfants prodigues du XXIe siècle. Et cela vaudra tellement mieux que ce retour à une Médine mythique, où tout indique qu’on ne trouvera que des piles de cadavres sans tête.


Posted by: ajm | April 12, 2006 05:32 PM

Bon, bon, bon...

Sur les points 1) & 2) j'ai bien lu votre ijtihâd : http://www.ajm.ch/liberty/plainte_18.3.06.pdf.

Bien entendu je n'y souscris pas et cela pour plusieurs raisons :
- vous n'êtes pas mujtahid
- vous ne bénéficiez d'aucune ijaza
Ces deux raisons doivent normalement suffire à tout musulman traditionaliste (= suivant une école juridique) pour rejeter votre interprétation (ce qui ne serait pas le cas pour un salafiste qui s'en inspirerait sûrement histoire d'exciter un peu plus les foules afin de servir ses projets de conquête), mais je continue :
- vous n'employez aucune des méthodes traditionnelles d'interprétation
- vous employez des méthodes qui vont franchement à l'encontre de pratiques centrales adoptées par les écoles jurisprudentielles (cela en est presque drôle)
- contrairement à un musulman vous ne cherchez pas le vouloir dire de Dieu à travers le texte (où le sens du texte pour un athée) mais à trouver des arguments dans les versets coraniques pour appuyer votre thèse : « Le coran, par le sens non équivoque etc.... ». Des sanctions légales sont prévues dans la loi musulmane pour empêcher l’usage de ce biais méthodologique (en particulier dans le malikisme), c’est dire à quel point l’islam classique récuse cette pratique.

En un mot, vous êtes un wahhabo-salafiste (ce n'est pas vraiment un compliment dans ma bouche), plus occupé (comme eux) à créer un nouvel islam, qu’à comprendre les musulmans et leur rapport séculaire au coran. Comment après tout cela, voulez vous que nous ayons la même conception du sens du message coranique ? (et oui, Ajm, je ne suis pas un menteur, j’ai juste une conception différente de la votre, voilà tout).

Concernant le point 3) je ne me tire pas une balle dans le pied, il s'agit simplement d'analyser les choses calmement et avec honnêteté. Effectivement il y a une position (minoritaire mais orthodoxe) de certains mujtahids qui autorise le djihad offensif sans cause de combativité (cette position n’est pas la mienne). Les chefs des musulmans, souvent piètres pratiquants, n’ont jamais hésité à utiliser l’islam (excellent pour mobiliser le peuple) pour servir leurs appétits personnels et par conséquent à promouvoir au besoin des positions belliqueuses même si ces dernières se trouvent être minoritaires sur le plan de l’orthodoxie (c'est-à-dire soutenus par peu de mujtahids) voir carrément hétérodoxe. Sur la question du djihad, je persiste et signe (mille fois pardon ajm, mais les faits sont les faits), il existe deux positions également orthodoxes qui dépendent de la conception qu’on a des relations préexistantes entre groupes humains (paix ou guerre). Un ouvrage magistral (http://www.orient-lib.com/index.php?op=article&cat=01010104&articles=2984&count=130) d’un très grand mujtahid (mujtahid al mutlaq) appartenant à l’islam classique des écoles juridiques, fait le point et autorité sur cette question (résumé des positions classiques dans chaque école + ijtihâd+ démonstration de l’incohérence, au regard des textes sacrés, de la position belliqueuse sans motif de combativité). Son avis est accepté par beaucoup de musulmans à travers le monde y compris par certains que vous qualifiez « d’intégristes » (exception faite des wahhabo-salafistes et de ceux, incultes ayant déjà succombés à leur entreprise de séduction bénie et rendue possible par l’occident). Bien entendu, la lecture de cet ouvrage pourrait (bien plus que bidayat al mudjtahid qui n’a d’ailleurs pas plus de légitimé, juridiquement parlant) vous permettre de comprendre un point de vu fondamental adopté par beaucoup de musulmans orthodoxes. Mais au fond, je pense que vous vous en foutez, Ajm, votre combat c’est de persuader les musulmans que les salafistes ont raison, que leur conception réformiste et littéraliste de l’islam est la bonne et que leurs vieux savants aux positions souvent beaucoup plus nuancées sont des cons qui n’ont rien compris au sens profond de cette religion. Utilisant le même démagogisme que nos salafistes (invitation à l’exégèse sauvage du coran et des hadiths à la lumière, à défaut de connaissance, de la seule chose qui reste à ces populations : un fort ressentiment et une haine tenace) je ne doute pas de votre efficacité. Ainsi nul doute que vous libérerez le musulman en tant qu’ « individu », mais ne croyez pas qu’il lâchera sa religion pour devenir ce que vous voulez qu’il soit (en effet, aucun être humain n’accepte d’être humilié, je partage cette idée avec Daniel Sibony). Une fois libre du cadre interprétatif dont les ulama sont garants (les vrais pas ceux d’Arabie saoudite, tristes guignols déguisés en cheikhs), cadre interprétatif qui aurait pu l’élever à une compréhension sereine de l’islam, ce musulman « libre » et sans doute jeune pourra projeter dans le Coran toute sa haine, son ressentiment et son désespoir, lui donnant ainsi une caution religieuse fruits de ses fausses interprétations, pour plonger dans l’irrationnel et dans la violence. Vous aurez, à ce moment là, gagné votre combat cher ajm : la boite de Pandore sera définitivement ouverte.

Je souhaite souligner une fois encore un point qui me semble important et j’espère qui ruinera vos espérances naïves :
« Et cette chance est réaliste. La grande majorité des Musulmans actuels sont très jeunes, ils sont capables de voir la vérité, de changer d’avis, de constater l’erreur du passé et de construire un nouvel avenir sur les valeurs qui leur sont propres. ».
Je pense qu’en plus de n’avoir de l’islam qu’une connaissance très approximative, vous ignorez, pour n’y avoir jamais mis un pied (les vacances au Maroc ne comptent pas), la situation des pays musulmans et en particulier la situation de la jeunesse. Pour résumé, disons qu’en plus de la pauvreté, de l’inactivité s’ajoutent deux maux ravageurs : le désespoir et un fort sentiment d’humiliation. Ce sont les jeunes qui souhaitent s’engager et s’engagent massivement dans un jihad contraire aux préceptes d’un islam bien compris (prthodoxe) et cela avec l’énergie du désespoir (attention tous les jihads actuellement en cours sur la planète ne sont pas illégitimes de mon point de vue). Ceux qui appellent à la modération sont les savants de l’islam traditionnel et classique. Expliquer à ces jeunes que leur conception de l’islam est mauvaise est possible et porte des fruits, en revanche avoir le projet, pour des occidentaux, de leur ouvrir les yeux en leur enseignant que leurs problèmes viennent de l’islam, à eux qui ont une conscience plus qu’aigue des ravages opérés par les colonisations successives et autres « bienfaits » du monde occidental, est une sinistre plaisanterie. Sur ce sujet je vous conseille l’excellent livre de la journaliste Anne Nivat qui vous permettra peut être de développer une analyse plus réaliste :
http://www.amazon.fr/exec/obidos/ASIN/2213628629/403-3846522-8940451


Posted by: Lapin | April 13, 2006 05:39 PM

Mon document n’est pas un ijtihad, c’est un travail destiné à servir de moyen de preuve dans le contexte légal français, la démonstration que le coran est un appel à la haine délibéré. Le libellé et la composition en sont choisis dans ce but et ne prétendent nullement ressembler à un ouvrage islamique. Au contraire.

Je conteste également, naturellement, votre affirmation selon laquelle le djihad offensif serait une interprétation minoritaire dans l’Islam. Si c’était le cas, il n’y aurait jamais eu d’empire islamique. Et votre référence (Al-Bouti Ramadan) est celle d’un illustre inconnu, auquel je souhaite opposer les juristes cités ici, par exemple.

En vérité, le djihad est évidemment offensif par nature. Mahomet a tant insisté là-dessus, a lancé lui-même des ultimatums, puis des expéditions agressives vers l’empire byzantin (al-Muta, en 629, et Tabuk, en 631) et vers la Syrie (632). Ses dernières paroles (632) furent les plus claires du Coran à ce sujet (sourate 9). Aucun juriste, aucun savant de l’époque ne soutient votre thèse. Vos sources sont modernes, datent de la période d’effondrement de l’Islam face aux puissances occidentales et donc du besoin d’user de davantage de ruse. Aucun érudit ne peut baser l’absence du djihad offensif sur les actes de Mahomet. Il doit, pour motiver sa position, utiliser des versets dont le contexte est modifié, limité, et que personne ne peut accepter après une lecture sérieuse de l’ensemble.

En vérité, ce débat, sur l’abandon du djihad, n’a jamais dépassé sérieusement, parmi les Musulmans érudits, que le stade de la thèse des savants l’Al-Azhar, qui proposent de renoncer au djihad militaire et de ne conquérir le monde que par la persuasion. Mais leur charia est toujours la même, leur dhimma, leur suprématisme, leurs châtiments corporels – bref tout ce qui provient directement de la foi dans la divinité des écritures coraniques, tout cela reste. Et tout cela forme un système de société qui ne fonctionne tout simplement pas et qui s’oppose de manière tout à fait frontale aux valeurs occidentales.

La boîte de Pandore est la simple foi en l’Islam. Le monde en sera libéré lorsqu’Allah aura rejoint Odin et Thor dans les oubliettes de l’histoire. Et nous en arriverons là lorsque suffisamment de Musulmans auront eu l’occasion d’observer les origines de leur religion de manière objective, à froid, comme dans un musée, dernière étape avant l’oubli définitif.

Et quant à votre thèse qui voudrait que le désespoir et la pauvreté soient à l’origine de la haine et du ressentiment qui nourrit l’islamisme, je vous signale qu’elle s’accorde mal avec votre autre thèse selon laquelle le méchant Islam serait une invention des Wahhabites, les plus riches des Musulmans. Il faut être riche pour faire la guerre. Les pauvres ont d’autres soucis.

Merci pour votre proposition de livre. Je vais le commander, et peut-être en faire la critique.


Posted by: ajm | April 13, 2006 06:33 PM

Oui effectivement votre document n'est pas un ijtihad au sens classique du terme (ou alors il serait un ijtihad-salafiste étant donné qu'il en a toutes les caractéristiques) et je voulais, par l'emploi de ce terme pour qualifier votre document, attirer votre attention sur le fait qu'aucun musulman non wahhabo-salafiste ne lirait ni n’interpréterait le texte coranique comme vous le faites : en d’autres termes vous créez un islam imaginaire.

Saïd Ramadan Al Bouti un inconnu (autant que le cheikh Murabit al Hadj je présume)....je n'ai pas de commentaire à faire sur cette savoureuse affirmation, je pense que les lecteurs éclairés apprécieront votre vaste culture islamique. D'ailleurs le cheikh al Bouti est un savant de l'islam classique (c'est-à-dire qu’il détient des ijaza, donc s’inscrit dans une continuité) qui ne fait que reprendre les références classiques (il faudrait que vous consultiez son ouvrage pour vous en convaincre, mais je doute que vous le ferez étant donné que la vérité ne semble pas vous intéresser, d’autant plus qu’ayant lu la compilation juridique d'Ibn Rushd vous vous considéré sans doute comme plus savant que lui qui a consacré sa vie à l’étude du coran et de la sunnah).

A propos de l’apparente contradiction que vous croyez déceler dans mes propos : c’est que ma thèse est un poil plus subtil que ce que vous semblez en avoir compris. Le wahhabisme est un mouvement réformiste qui est à l’islam ce que la réforme fût au catholicisme, à savoir essentiellement, rejet du culte des saints sur le plan de la spiritualité et rejet des mujtahids et des savants comme seuls habilités à dériver la Loi sur le plan extérieur (l’ijtihad pour tous !). Donc mouvement prônant l’accès direct aux textes religieux par le commun des croyants (comme vous le prônez également) et encourageant une lecture littéraliste absolue (comme vous le faites pour les besoins de votre propagande), ce qui constitue une formidable innovation dans l’histoire islamique. Cette tendance fût combattue dès son apparition, la propre famille de son fondateur se désolidarisa publiquement de ce dernier. Ecrasé par le pouvoir central ottoman, ce mouvement ne dut sa survie et sa réapparition qu’à deux puissances occidentales dont principalement l’Angleterre. Ajoutez à cela la découverte de réserve pétrolière considérable, un nouvel allié de poids (les Etats-Unis) et vous comprendrez comment ce qui n’était qu’une tribu de bédouins hérétiques dégénérés (je les aime beaucoup) a un jour commencé à nourrir sérieusement le projet de reconvertir à ses thèses le monde islamique dans son intégralité (puis le monde occidental bien entendu). Discuter le rôle fondamental qu’a joué l’Occident dans ces événements et dans l’émergence de cet islam littéraliste sanguinaire est ridicule, ces faits étant aujourd’hui connus et admis par tous (trouvez moi un auteur sérieux récusant ces faits).

Malgré sa puissance financière cet islam s’est heurté aux structures séculaires de l’islam classique des écoles. Les pays où il a fini par s’imposer ont tous connu un scénario comportant des éléments communs :
- une situation de crise plus ou moins importante (guerre provoquée bien souvent par les occidentaux cherchant à instrumentaliser des populations comme en Afghanistan, pauvreté ou simple exclusion sociale)
- un terrain d’acculturation conséquence d’une colonisation ou d’une émigration, acculturation ayant entamé l’emprise des savants et des structures traditionnelles sur la masse des croyants
- pénétration de la culture occidentale, invitant le croyant à s’extraire de la communauté pour se créer « son » islam en dehors des interprétations traditionnelles

Ce sont ces éléments qui ont permis au wahhabo-salafisme de prospérer. Le cas tchétchène est assez intéressant étant donné qu’un de leur leader était venu il y a quelques années demander de l’aide à l’Europe en expliquant sur les plateaux de télévision française que pour l’instant il était encore en mesure de refuser les généreuses propositions d’aide de riches intégristes issus de la mouvance wahhabo-salafistes, mais plus pour longtemps étant donné l’état lamentable de son peuple. Les gentils occidentaux (plutôt leur gouvernements) ont préféré souscrire à la thèse des russes qu’ils ne voulaient pas froisser, à savoir tchétchène = terroriste = méchant. La suite est connue.

Le cas de la France est assez clair lui aussi à la lumière de ces éléments. Les gouvernements français successifs depuis les années 70, ont prônés une politique de non intervention en ce qui concerne l’islam de son importante communauté musulmane. L’Arabie saoudite bien consciente de cette situation propice et du potentiel que représentaient les jeunes musulmans de France (pour la plupart en situation d’exclusion sociale et complètement ignorants de leur religion, de leur histoire, de la langue arabe et donc facilement convertibles aux thèses agressives salafistes), n’a pas tardé à envoyé ses émissaires dans ce pays. Il fut une époque ou des « cheikhs » saoudiens se déplaçaient jusque dans les quartiers pour proposer aux jeunes des bourses pour aller étudier « l’islam » en arabie saoudite et revenir pour faire « l’imam » en France. Ce système à d’ailleurs fonctionné à merveille, et « grâce » à lui, la communauté musulmane française est celle qui est la plus gangrenée par les thèses de cet islam hérétique. Vous ignorez cela Ajm ?

Je pourrais multiplier les exemples, vous parlez du Maroc où les wahhabo-salafistes qui ont de gros moyens aident les populations les plus pauvres en échange de l’acceptation de leurs thèses (heureusement pour ce pays, le roi a compris que le seul moyen de lutte efficace était de promouvoir le malikisme traditionnel).

Concernant votre projet de permettre aux musulmans « d’observer les origines de leur religion de manière objective, à froid, comme dans un musée, dernière étape avant l’oubli définitif », n’oubliez pas, quand vous entamerez votre prédication, de leur rappeler que votre objectif est qu’ « Allah » rejoigne « Odin et Thor dans les oubliettes de l’histoire ». Je ne doute pas que vous serez accueilli de la meilleure manière.

Posted by: Lapin | April 13, 2006 08:50 PM

Mon document montre de manière indubitable, pour une quelconque personne de bonne foi, pourquoi les Musulmans deviennent si aisément terroristes. L’effet sur les gens de ce genre de texte, qui décrit une certaine catégorie de gens (ici les incroyants) comme étant inférieurs, intrinsèquement mauvais, ennemis de dieu, etc. de manière répétitive, quasiment hypnotique, relève de la psychologie de base, du simple bon sens. Si l’on croit, à plus forte raison au sens religieux du terme, que les incroyants sont des êtres condamnés par dieu à être torturés, on a moins d’inhibitions à les torturer soi-même. Si, de plus, le texte incite à le faire, et même ordonne de les tuer, il faudrait renier sa foi pour ne pas le faire.

Et si, d’autre part, l’examen des contextes respectifs décourageait cette interprétation, nous en trouverions la trace dans les dissertations des juristes originaux de l’Islam, et ces traces seraient évidentes dans le travail d’Averroès que j’ai joint à mon survol du coran. Car ce qu’Averroès présente ici n’est pas son interprétation, c’est un véritable travail de juriste, au sens où nous l’entendons nous aussi, c’est-à-dire un examen des textes de loi qui ont fait et continuent de faire autorité, au nom desquels les éléments les plus puissants des sociétés islamiques, soit l’armée et la police, ont affectivement agi au cours des siècles.

À côté de cela, à côté d’Averroès et des autres juristes des quatre écoles de jurisprudence islamique dont je cite les travaux sur le djihad, votre cheikh contemporain et son malheureux livre font très piètre figure. Et vos fulminations à propos des Wahhabites et des aléas de la politique du monde arabe moderne sont tout simplement à côté du sujet.

Quant à moi, je n’ai pas l’intention d’aller prêcher quoi que ce soit aux Musulmans. J’ai horreur du climat et des nourritures typiques de la région. Je vais rester juste là où je suis et m’efforcer de protéger mon pays des pires d’entre eux, et de proposer des idées porteuses d’avenir pour accélérer l’indispensable réforme de ce capharnaüm infâme que les Musulmans prennent pour une religion.


Posted by: ajm | April 13, 2006 09:50 PM