25.4.06

LES VICTIMES SUISSES DU TERRORISME

Les Suisses et le terrorisme

Les attentats commis hier dans la station égyptienne de Dahab, avec 3 bombes placées délibérément dans des lieux publics, ont fait apparemment au moins 23 morts et 62 blessés. Comme durant les années 90, où les attaques terroristes islamistes ont fait plus de 1000 morts, la majorité des victimes sont des citoyens égyptiens frappés en même temps que leur gouvernement, pour lesquels le tourisme reste une source majeure de revenus. Cependant, des ressortissants étrangers ont également été touchés, et le décès d’un citoyen suisse a notamment été annoncé. Ce qui ne peut bien entendu que susciter un intérêt particulier chez ceux qui ont le devoir de protéger la Suisse et sa population (entre 60 et 70 Suisses étaient sur place)…

Toutefois, les victimes suisses du terrorisme (j’entends ici les personnes tuées, et non blessées ou traumatisées, puisque de tels effets sont plus difficiles à mesurer précisément) ne sont pas exactement une priorité politique dans notre pays. Il est d’ailleurs difficile d’obtenir une liste complète, et mes recherches – certainement insuffisantes – pour les 20 dernières années m’ont amené aux chiffres suivants :

21.12.1988 : 1 ressortissant suisse tué lors de l’explosion en vol du Pan Am 103 et du crash à Lockerbie
19.9.1989 : 2 ressortissants tués lors de l’explosion en vol du DC10 d'UTA
17.9.1997 : 36 ressortissants tués lors du massacre de Louxor
11.9.2001 : 2 ressortissants lors des attaques sur le WTC à New York
12.10.2002 : 3 ressortissants tués lors de l’attentat de Bali
24.4.2006 : 1 ressortissant tué lors des attentats de Dahab
Je saurais gré aux lecteurs de ce site de bien vouloir communiquer les victimes helvétiques que cette liste a omises ou corriger ses erreurs. Malgré cela, on parvient au chiffre d’au moins 45 morts en 20 ans, qui du point de vue statistique est extrêmement bas et n’indique pas de recrudescence récente, mais qui du point de vue politique et stratégique reste significatif. Il pose en effet la question suivante : dans la mesure où ces citoyens suisses – en tout cas depuis Louxor – ont été délibérément tués sans que leur nationalité suscite la moindre retenue, bien au contraire, à partir de combien de morts un Etat doit-il considérer ceci comme une attaque contre lui ? En d’autres termes : puisque nous faisons partie de l’Occident chrétien, blanc, high tech et opulent, à partir de combien de morts devons-nous considérer que les menaces à notre endroit se sont concrétisées, et que nous sommes en guerre ?

Une telle interrogation peut difficilement être tranchée dans un sens ou dans l’autre, puisqu’une vie humaine peut être à la fois tout et rien (ou presque), suivant la perspective que l’on adopte. Pourtant, alors que par le passé des guerres ont été déclenchées pour une oreille coupée, un télégramme insultant ou un ultimatum implacable, il reste assez surprenant de constater que l’on peut aujourd’hui tuer des Suisses sans s’attirer les foudres de la Confédération. Je ne suis pas sûr que nos ancêtres belliqueux apprécieraient… ce d’autant plus qu’un large éventail de réponses diplomatiques, judiciaires, financières et sécuritaires existent. Peut-être faudra-t-il que des Suisses meurent en Suisse du terrorisme contemporain, c’est-à-dire avant tout islamiste, pour qu’une telle réaction se produise – tant il est vrai que seul le sang parvient à émouvoir, et donc mouvoir, les démocraties.

Publié par Ludovic Monnerat le 25 avril 2006 à 10:48