13.4.09

Nasrallah cerné ?




On savait depuis longtemps que ce n’était pas le grand amour entre L’Egypte et Nasrallah, le chef de la milice chiite libanaise.

Et ce n’est pas que pour des questions religieuses. L’Egypte craint surtout une déstabilisation du Proche Orient venue d’Iran.

De même, l’attitude outrancière de Nasrallah durant le conflit de l’été 2006 entre Tsahal et ses troupes a profondément agacé le gouvernement égyptien, tout le monde s’en souvient.

Du moins ceux qui n’attribuent pas à Israël la totale responsabilité de tous les actes de guerre commis sur cette planète.

Les autres, confits dans leurs haines recuites, ne se laisseront de toute manière jamais convaincre par rien.

L’Egypte, surtout depuis l’arrivée d’Obama, tient à garder le leadership de la région. La diplomatie égyptienne dénonce de plus en plus ouvertement les jusqu’auboutistes islamiques, Hamas et Hezbollah réunis.

Elle a donc vu d’un très mauvais œil l’envoi d’une petite troupe de 49 personnes sur son sol, officiellement chargée d’aider le Hamas. Le plus surprenant n’est pas que ces « envoyés » se trouvaient sur le sol égyptien plus d’un mois avant la cessation de la trêve par le Hamas.

De là à penser qu’ils ont eu une influence sur le déclenchement des hostilités fin décembre 2008 serait fort probablement très exagéré, diront les bonnes âmes.

Ce qui est le plus étonnant est la présence même de ces conseillers techniques du Hezbollah chiite auprès du Hamas sunnite.

Alors que ces deux obédiences ne dialoguent plus maintenant que par attentats et massacres interposés (Cf. l’Irak), alors que l’Iran ne masque plus son ambition de devenir la puissance régionale au détriment de l’Arabie Saoudite et de l’Egypte, donc des régimes sunnites, une telle fraternité entre deux mouvements que tout oppose a vraiment de quoi surprendre.

L’Egypte en a donc conclu que les miliciens libanais ne venaient pas uniquement dans un but fraternel vis-à-vis de Gaza mais qu’ils avaient l’intention de porter atteinte à la solidité du régime égyptien en provoquant des attentats meurtriers.

Hassan Nasrallah a bien évidemment démenti vendredi les accusations du Caire. Mais il a admis avoir envoyé quelques troupes fidèles.

La presse égyptienne, aux ordres au pays des Pharaons, a violemment critiqué le chef du Hezbollah. Elle a même exigé qu'il soit jugé. C’est "un criminel qui ne connaît pas le repentir", (quotidien Al-Gomhouriya).

"Cheikh le singe, (...) tu es un bandit, un pur criminel qui a tué les fils de ton propre peuple mais nous ne te permettrons pas de menacer la paix et la sécurité de l'Egypte... Toi et votre gang, vous êtes des terroristes".

Bien évidemment, cette qualification de « terroriste » à l’encontre du chef libanais ne sera pas reprise par la presse occidentale. Elle pense encore benoîtement, comme certains de nos ministres, que le Hezbollah est un mouvement d’entraide sociale.

Pour Al-Ahram, "le fait que [Nasrallah] ait reconnu avoir envoyé des agents en Egypte (...) exige de traiter avec lui aux termes de la loi égyptienne ou du droit international. L'Egypte doit engager les procédures pour le traduire devant un tribunal international. Il doit être remis au gouvernement libanais en tant que criminel de guerre".

Voilà donc le chef suprême de la milice libanaise en passe d’être trainé devant les tribunaux internationaux, à l’instar d’un El Béchir.

Cela va certainement l’empêcher de dormir.

En attendant, goûtons encore les ineffables paroles de ce chef religieux

"Pour nous, l’islam n’est pas seulement une religion qui se limite au culte et à l’observation des règles religieuses. L’islam est un devoir divin spécial pour toute l’humanité et une réponse à toutes les questions générales et particulières de l’humanité… L’islam est la religion sur laquelle on peut établir un gouvernement en fonction de ses principes".

Il faudrait demander à Ahmadinejad, qui s’annonce à Genève dans le cadre de Durban 2, de le prendre dans son avion pour faire un petit bout de chemin.

Quand au sort de ceux qu’il envoie à la mort, on méditera avec profit les quelques phrases qui suivent : "La mort n’est rien d’autre qu’une porte entre deux mondes. Certains passent à travers cette porte avec difficulté et souffrance, d’autres le font facilement et empressement. Le martyr est la meilleure voie pour passer dans le monde éternel, parce que le martyr est l’un des plus glorieux de Dieu tout-puissant".

De quoi faire réfléchir les puissants, quand bien même ils appartiendraient à un régime policier aussi fort que celui de l’Egypte.

Il ne faut pas trop s’en faire pour lui. Il bénéficiera quand même de l’aide logistique de quelques pays amis. Seul Israël l'a en ligne de mire.

Si vraiment le temps se gâte, il pourra repartir en Irak ou il aurait, à ses dires, suivi de longues études théologiques.

L’internationale islamiste n’est pas qu’un vain mot.


Pierre Lefebvre © Primo, 12 avril 2009