Le 20 mai dernier, en Algérie, une chrétienne de 37 ans, Habiba Kouider était jugée pour «pratique (d’) un culte non musulman, sans autorisation.»
Après une audience houleuse, le procureur du tribunal correctionnel de Tiaret a requis contre elle trois ans de prison ferme. Car en Algérie, au XXIe siècle, détenir des livres religieux d’une autre foi que l’islam est un délit passible de prison, aux termes de la loi qui réglemente «les cultes non musulmans».
Quel que soit le châtiment auquel Mme Kouider sera finalement condamnée, elle peut se féliciter de ne pas encourir la peine de mort, à laquelle la charia soumet normalement les apostats.
Autruche et relativisme
Ce qui se passe sur l’autre rive de la Méditerranée devrait soulever chez nous des réflexions fondamentales. A commencer par la plus évidente : nombreux sont les Algériens qui, après avoir immigré en France pour des raisons économiques, y sont restés pour profiter des bienfaits de la laïcité.
Au lieu de les protéger contre les offensives des barbus, la société française, paralysée devant la menace d’être cataloguée islamophobe, scande haut et fort que l’islam est une religion de tolérance et de paix et que le christianisme n’a rien à lui envier, qui, au même âge, soumettait l’Europe au glaive de ses hordes d’inquisiteurs.
Il suffit donc d’attendre encore cinq ou six siècles et les intégristes de tout poil se fondront dans la liberté, l’égalité et surtout la fraternité.
Cette tentation relativiste ne peut satisfaire que les autruches. En effet, si l’islam n’a que 15 siècles, l’humanité, elle, évolue à un rythme à peu près égal et les musulmans européens d’aujourd’hui ne revêtent ni la cotte de maille ni le pourpoint et les chausses pour circuler à cheval ou en carrosse et s’éclairer à la bougie chez l’aubergiste du relais postal.
L’information circule en temps réel et les terroristes (pardon, activistes) qui ont commis les attentats de Londres avaient même bénéficié d’études universitaires. On leur avait enseigné que la terre était ronde et que Margaret Thatcher était l’égale de l’homme.
Refuser de croire à une croyance destructrice
Pourquoi dépense-t-on autant d’énergie à chercher des justifications à ces actes destructeurs ? Mesurer ce nihilisme à l’aune de notre logique occidentale n’a, jusqu’ici, servi qu’à nous plonger dans la terreur lorsque les vagues suivantes se sont abattues sur nous : certes, si les islamikazes ne sont mus que par le « désespoir-de-l’occupation », nous pouvons estimer que la contagion nous sera épargnée à 4000 kilomètres de Gaza.
Mais si à l’inverse, c’est grâce à un entraînement « pour rire » qu’on a envoyé une trisomique de se faire exploser au milieu de civils irakiens, rien n’indique que ses instructeurs ne décideront pas d’élargir leur zone de chalandise.
Se lamenter ne donne pas d’armes pour lutter contre les illuminés acharnés à nous prouver l’amour d’Allah à coup d’explosifs, comme les inquisiteurs torturaient joyeusement en chantant des hymnes à la gloire d’un autre dieu d’amour.
D’ailleurs, l’ardeur des séides d’Isabelle la Catholique s’est éteinte faute de combattants, voire de combattus. Il faut dire que la roue et le pal faisaient artisanal et pâlichon comparés aux performances d’une bombinette atomique…
Mais de même qu’on ne peut soigner une maladie si l’on n’a pas établi préalablement un diagnostic exact, on ne prendra jamais les mesures efficaces contre l’intégrisme militant sans reconnaître ses motivations profondes : transformer le monde entier en dar-al-islam où règne la charia et l’ordre.
La route des vains
Habiba Kouider n’a pas commis d’autre crime que de croire en Jésus. Les Français conservent leur foi dans l’intimité de leur foyer et peuvent se gausser des sociétés primitives où l’on encourt une peine de prison pour avoir transporté un missel.
C’est oublier un peu vite qu’en Europe, l’islam monte lentement du sud au nord alors qu’en Afrique, il descend très rapidement du nord au sud.
Et entre la société animiste et chrétienne soudanaise et le génocide des Darfouris par les djandjaweed, il n’y a pas beaucoup plus de temps qu’il n’en faut à une ville de la banlieue parisienne pour fermer tous les commerces d’alcool et de charcuterie…
Liliane Messika
Primo