Caroline Glick
THE JERUSALEM POST 12 mai 2008
http://www.jpost.com/servlet/Satellite?cid=1209627067500&pagename=JPost%2FJPArticle%2FShowFull
Adaptation française de Sentinelle 5768 ©
La réussite du renversement par le Hezbollah des forces pro-démocratiques au Liban, la semaine dernière, était éminemment prévisible. Mais cela ne rend pas moins tragique le renversement violent des forces de la liberté dans ce pays. Et le fait qu’on pouvait prédire le coup d’Etat du Hezbollah ne veut pas dire qu’il était inévitable.
Un grand nombre de forces ont dû tourner le dos aux forces démocratiques du Liban pour permettre le triomphe facile du Hezbollah. Un grand nombre d’acteurs ont dû détourner les yeux au réarmement du Hezbollah financé par l’Iran et la Syrie au cours des deux années passées. Un grand nombre d’acteurs ont dû ignorer et ainsi exacerber les faiblesses inhérentes du Mouvement du 14 Mars, et le gouvernement Siniora qu’il a produit. Un grand nombre de pays et d’organismes internationaux ont dû accepter la fiction que l’armée libanaise prend ses ordres auprès du gouvernement libanais élu.
Hélas, au cours des deux années écoulées, la plupart des gouvernements supposés pro-démocratiques, anti-iraniens, anti-syriens et anti-Hezbollah dans le monde ont détourné les yeux de toutes ces choses, et ont ainsi ouvert la voie à la prise du pays par le Hezbollah.
Il y a trois ans, soutenus pas les USA, le groupe fort de 1,5 millions de membres du Mouvement du 14 Mars réussit à faire honte à la Syrie et à retirer ses forces militaires du Liban, mettant fin ainsi à 18 ans d’occupation du pays. Mais depuis lundi dernier au matin, les chefs du Mouvement du 14 Mars étaient devenus effectivement prisonniers du Hezbollah. Saad Hariri et Walid Joumblatt, ainsi que le premier ministre Fouad Siniora, s’étaient publiquement soumis aux conditions humiliantes du Hezbollah pour un cessez-le-feu.
Joumblatt avait été la mouche du coche du Mouvement du 14 Mars, s’opposant à la transformation constante du Liban en un vassal irano-syrien par le Hezbollah. Dimanche dernier, il mit à nu l’impuissance du mouvement quand il supplia le chef du mouvement Hassan Nasrallah d’épargner ses partisans dans les Montagnes du Shouf. Parlant sous le blocus du Hezbollah depuis son domicile à Beyrouth, Joumblatt déclara au cours d’un entretien télévisé : « Sur LBC, je m’adresse à Saïd Hassan Nasrallah : si vous avez un problème personnel avec moi, ça va. Mais nous ne pouvons pas permettre des attaques sur la population d’Al Jebel (c.a.d. les villages druzes dans les montagnes autour de la capitale). Nous devons tous œuvrer à un cessez-le-feu avec l’armée, et laisser les questions personnelles de côté.
Joumblatt fit son plaidoyer pour la vie des membres de sa communauté après qu’il leur ait ordonné de déposer les armes, et de mettre leur confiance dans l’armée libanaise, dimanche dernier après-midi. Pourtant l’armée, sous le commandement du Général Michel Souleiman, a refusé de les protéger. Apparemment la campagne du Hezbollah contre les Druzes est malveillante. Car dimanche dernier, même le collaborateur druze du Hezbollah, Mir Talal Arslan a requis l’intervention de l’armée. Pour leur part, les partisans de Joumblatt dans les montagnes du Shouf menaient une défense désespérée de leurs villages et appelaient à une assistance mondiale. Jusqu’à présent, personne n’a répondu à leurs appels.
Evidemment, Joumblatt savait qu’il ne pouvait pas faire confiance à l’armée de Souleiman. S’il l’avait pu, il n’aurait pas imploré la merci de Nasrallah pour sa communauté. Et il avait raison, car depuis que le Hezbollah a commencé sa violente prise du Liban mercredi dernier, il l’a fait en pleine coopération avec l’armée libanaise. Quand les forces du Hezbollah ont lancé leurs attaques, mis le feu et détruit les bureaux du journal et de la station de TV « Future News » de Hariri, ils l’ont fait avec une escorte de l’armée. Les forces de Souleiman n’ont pas rouvert les installations des media pro-démocratiques de Hariri, après avoir ordonné aux forces du Hezbollah de quitter les rues de Beyrouth en fin de semaine. Elles n’ont pas fait face aux forces du Hezbollah à Tripoli ou à Tyr. Et maintenant, elles autorisent la destruction des Druzes.
Bien sûr, l’armée libanaise dominée par les Shiites a donné la victoire au Hezbollah dans le coup d’Etat, quand les généraux ont annoncé qu’ils n’appliqueraient pas les décisions anti-Hezbollah du gouvernement Siniora. L’armée a remis en place l’agent du Hezbollah limogé, le brigadier général Wafiq Shuqeir, comme chef de la sécurité à l’aéroport international Hariri de Beyrouth. Elle s’est aussi inclinée devant le Hezbollah en annonçant qu’elle ne prendrait aucune mesure pour fermer le système de télécommunications indépendant du Hezbollah, dirigé par l’Iran et lié aux services de renseignement syriens.
La collaboration de Souleiman avec le Hezbollah n’est pas nouvelle. Elle a été révélée pendant la guerre de 2006 avec Israël. Les forces libanaises assistaient activement les forces du Hezbollah dans leur guerre contre Israël. Elles ont désigné les cibles israéliennes pour les escouades de missiles du Hezbollah. Elles ont collaboré dans l’attaque au missile contre le bateau de la marine israélienne ‘Hanit’. Elles ont payé des pensions aux familles de combattants du Hezbollah tués au cours de la guerre.
Depuis 2006, les forces militaires libanaises déployées le long de la frontière avec Israël, suivant la résolution 1701 du conseil de Sécurité de l’ONU, ont rapporté les mouvements de Tsahal au Hezbollah. Elles ont permis au Hezbollah de transférer des armes et de déployer des combattants dans les villages frontaliers d’Israël. Elles ont permis à l’Iran et à la Syrie de transférer des quantités massives d’armes au Hezbollah à travers le pays. Ces transferts d’armes ont permis de tripler l’arsenal de missiles du Hezbollah depuis les niveaux d’avant-guerre.
Puis aussi, il y a eu la campagne soi-disant réussie de Souleiman contre les forces syriennes soutenues par al Qaïda dans le camp de réfugiés de Nahar el Bared l’été dernier. Souleiman a permis de prolonger les combats pendant 33 jours plutôt que de prendre d’assaut le camp. Il a permis à la plupart des terroristes de ’Fatah al Islam’ affiliés à al Qaïda, soutenus par la Syrie, y compris leur commandant, Shaker al Abssi, de fuir en Syrie.
Avec cette histoire, il aurait dû être clair depuis longtemps à tous ceux qui étaient attentifs, que loin d’être une institution nationale servant le gouvernement démocratiquement élu du Liban, l’armée libanaise n’est rien qu’une autre milice ; Et il aurait aussi dû être clair qu’en l’absence d’une armée loyale et subordonnée, le gouvernement Siniora était juste un peu au-dessus d’un groupe de pression.
Pourtant, beaucoup complotèrent à ignorer cette réalité. D’abord bien sûr, il y a Israël. Le gouvernement Olmert- Livni a soutenu la résolution 1701, et le déploiement prescrit de l’armée libanaise sur la frontière avec Israël, comme le couronnement de leur réussite à leur poste. Ils devaient maintenir la fiction que l’armée libanaise dominée par les Shiites s’opposait au contrôle du Hezbollah sur le Liban, de façon à préserver l’apparence que la résolution 1701 est un bon accord pour Israël.
De plus, le premier ministre Ehud Olmert et la ministre des affaires étrangères Tzipi Livni ont soutenu la fiction que les 15.000 membres des forces terrestres de la FINUL et son détachement naval sont vraiment déployés au Sud Liban pour défendre le gouvernement libanais, et empêcher le réarmement et le redéploiement du Hezbollah. Suite à ce fantasme, plutôt que de prendre une mesure efficace contre le Hezbollah pour empêcher la prise du Liban par laminage, Livni et Olmert se sont contentés d’émettre des plaintes à l’ONU concernant le réarmement massif du Hezbollah et le redéploiement le long de la frontière. De nouveau, se confronter vraiment à la réalité impliquerait de reconnaître leur propre incompétence.
Dès le début de la guerre il y deux ans, Olmert annonça avec raison qu’Israël tenait le gouvernement Siniora pour responsable de l’agression du Hezbollah. L’annonce d’Olmert était juste parce qu’à ce moment-là, le Hezbollah était membre à part entière du gouvernement Siniora, qui agissait effectivement comme le microphone du Hezbollah. Pourtant, les USA ne lui en faisaient pas reproche.
Dans les premiers jours de la guerre, la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice exigea qu’Israël ne prenne aucune mesure contre le gouvernement Siniora dont elle prétendait – à tort – qu’il était un allié crédible des USA. Comme lourde conséquence de l’exigence de Rice, et du refus du gouvernement Olmert- Livni de cibler les camps d’entraînement et les bases logistiques du Hezbollah et du Hamas en Syrie, la stratégie du gouvernement Olmert- Livni contre le Hezbollah perdit sa rationalité. Dès lors, la défaite d’Israël n’était qu’une affaire de temps.
Après la guerre, les USA eurent l’opportunité de vraiment soutenir les forces démocratiques, anti irano-syriennes au Liban en aidant le gouvernement Siniora quand le Hezbollah quitta brutalement la coalition au pouvoir, et soutenu par l’Iran et la Syrie, tenta de prendre le contrôle du gouvernement par les assassinats et le terrorisme.
Les USA auraient pu agir contre la Syrie ou l’Iran. Mais au lieu de cela, ils cherchèrent le compromis avec l’Iran et la Syrie dans l’espoir qu’ils modèreraient leur soutien aux insurgés en Irak. L’apogée de cet abandon par les USA du Mouvement du 14 Mars, ce fut la décision de Rice d’inviter la Syrie à participer à sa conférence de la paix à Annapolis en novembre dernier.
Aussi bien l’acquiescement silencieux des USA et d’Israël à la prise du Liban par le Hezbollah complète leur acceptation de la prise de Gaza par l’Iran par le Hamas.
De nouveau, pour masquer l’échec de leur politique de signature de documents, en retirant Tsahal de Gaza et en expulsant 10.000 civils israéliens de leurs foyers de Gaza et du nord de la Samarie en 2005, le gouvernement Olmert- Livni a refusé de prendre des mesures contre le régime du Hamas soutenu par l’Iran à Gaza. Là encore, exactement comme les USA ont protégé le Hezbollah pendant la guerre de 2006 en prenant le parti de Siniora, qui partageait alors le pouvoir avec le Hezbollah, de même aujourd’hui, les USA protègent le Hamas en prenant le parti du chef du Fatah, Mahmoud Abbas, qui a partagé le pouvoir avec le Hamas jusqu’à ce que celui-ci l’expulse l’été dernier, alors qu’il a cherché désespérément depuis lors à se réunifier avec le Hamas.
Avec la visite du ministre du renseignement égyptien Omar Souleiman lundi en Israël, le gouvernement Olmert- Livni a démontré la profondeur de sa reconnaissance du régime du Hamas à Gaza. Souleiman est venu présenter au gouvernement l’accord de cessez-le-feu que l’Egypte a négocié avec le Hamas. L’accord interdira à Tsahal de renverser le vassal palestinien de l’Iran, et permettra au Hamas de garder son armée financée, entraînée et armée par l’Iran. Les attaques de roquettes Katyusha du Hamas lundi matin sur Ashkelon ont montré clairement où ce cessez-le-feu conduira.
Et pourtant, le gouvernement Olmert- Livni y adhère. Et l’administration Bush le soutient.
Pendant sa visite festive en Israël cette semaine, on s’attend à ce que le Président George W. Bush célèbre l’alliance stratégique des USA avec l’Etat juif. C’est une grande tragédie que les stratégies que ces alliances ont promues dans les années récentes aient ouvert la voie de la disparition du Liban, et de l’encerclement d’Israël par des vassaux iraniens.
La tragédie n’est que renforcée du fait que ce résultat était éminemment évitable.