Le secrétaire à la Défense Robert Gates a estimé qu’une augmentation du nombre de visites privées de citoyens américains en Iran pourrait permettre de combler le fossé entre les deux pays et permettre la tenue des négociations bilatérales. Fin avril, ce même homme se disait convaincu que l’Iran voulait se doter d’une arme nucléaire, c’est pourquoi il évoquait encore l’option militaire contre l’Iran. Début mai, il avait laissé entendre qu’il avait envoyé un second porte-avions dans le Golfe Persique pour une opération militaire. C’est pourquoi un complément d’infos est utile pour comprendre ce changement d’opinion.
En fait, il n’y a pas vraiment de changement : les menaces formulées en avril-mai 2008 faisaient partie de ce que l’on a appelé le « roulement de tambours inutile », ces intimidations verbales qui avaient pour objectif de justifier le maintien d’une politique de sanctions contre l’Iran, tout en continuant via des émissaires irakiens à chercher à renouer le dialogue avec Téhéran afin de lui proposer un deal : la levée de ces sanctions contre un alignement des mollahs sur Washington.
Cette approche a été momentanément écartée car elle a échoué : la rencontre irano-américaine préparée par les émissaires irakiens n’a pas eu lieu et n’aura sans doute pas lieu dans l’immédiat. L’Amérique a décidé de revenir à la charge via des émissaires américains d’où cet éloge pour des « visites privées de citoyens américains en Iran ».
Mais ce n’est pas tout. Gates a également déclaré qu’il fallait envoyer des intermédiaires pour sonder « les iraniens » afin que les Etats-Unis n’avancent pas à l’aveuglette dans ses possibles et éventuelles négociations officielles et directes avec l’Iran.
« Nous devons trouver un moyen d’avoir des contreparties (à offrir) aux Iraniens et ensuite nous asseoir et parler avec eux », a déclaré Gates lors d’un discours à l’American academy of diplomacy.
Il y a en fait plusieurs informations dans cette présentation.
Première information : les américains rassurent les mollahs. Il y aura un jour des négociations directes, officielles et bilatérales avec les mollahs comme le proposait récemment Henry Kissinger qui a fait partie de plusieurs délégations qui ont rencontré des représentants du régime des mollahs.
Seconde information : les américains préparent leur propre opinion nationale et dédiabolisent le régime des mollahs. Et troisième et dernière information : Gates montre aux mollahs qu’il peut œuvrer dans le sens de cette dédiabolisation à travers des « visites privées de citoyens américains en Iran ».
Ce dont parle Gates existe depuis des années : une organisation soi-disant caritative a même été créée pour ce genre de missions sous le nom de FOR-USA qui a une section iranienne et envoie depuis 2005 des délégations en Iran pour tisser des contacts avec les soi-disant modérés ou dissidents iraniens qui sont en fait les alibis d’une soi-disant démocratisation du régime des mollahs.
FOR-USA affirme qu’au cours de leur dialogue, ces dissidents l’informent sur les attentes de la société iranienne vis-à-vis des Etats-Unis. Evidemment, ces faux-opposants ne demandent pas aux missionnaires de FOR-USA de les aider à dénoncer les crimes du régime (comme la pédophilie dépénalisée), mais comme Kissinger, ils empressent les missionnaires américains à plaider dans les médias pour un dialogue direct et officiel entre Téhéran et Washington.
L’opération est doublement bénéfique pour les deux parties : les mollahs peuvent ainsi améliorer l’image de leur régime et Washington y trouve son compte car il va prétendre que le dialogue aidera la démocratisation du régime des mollahs.
En revanche, Gates n’a pas besoin de ce genre de délégations pour connaître les demandes de Téhéran. Washington sait très bien que les mollahs souhaitent la fin de l’hostilité des Etats-Unis à l’égard de leurs protégés du Hamas et du Hezbollah. Cette exigence étant impossible à accepter, les américains leur proposent le palliatif de la multiplication des missions de dédiabolisation.
Cette déclaration de Gates a été faite le 14 mai 2008 c’est-à-dire au lendemain du retour de la dernière mission de FOR-USA de l’Iran et contient la promesse d’autres missions de dédiabolisation. En 2005 et 2006, FOR-USA a envoyé une seule mission par an en Iran, il y a eu deux missions en 2007 et en 2008, il y en aura 3. Sans doute Téhéran pourrait bénéficier d’autres missions (par d’autres organismes ) s’il se montrait plus malléable.
Les mollahs savent également que ces derniers temps, les membres des précédentes délégations de FOR-USA ont publié plusieurs articles sur le site Marrakech.info pour plaider en faveur du dialogue avec l’Iran, articles où il était fortement question de mollahs très sympathiques et modernes qui dirigent le régime mais jamais des violations des droits de l’homme…
Les propos de Gates laissent entendre que les Etats-Unis pourraient se lancer dans une vaste opération de dédiabolisation du régime pour permettre la tenue d’une négociation directe, bilatérale et officielle à condition que Téhéran accepte le deal pour devenir un allié docile des Etats-Unis.
L’Amérique cherche par tous les moyens à arriver à une entente qui est vitale pour son hégémonie au Proche et Moyen-Orient et réessaye sans cesse les mêmes solutions à maintes reprises mises en œuvre mais toujours sans succès. Dans ce cas précis, il s’agit de l’opération bien connue des opposants iraniens : « promotion à Washington des faux-opposants fabriqués à Téhéran » [1].
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[1] Promotion à Washington des faux-opposants fabriqués à Téhéran | Il y a même parmi ceux-là un ancien de FOR-USA ! Il s’agit d’Hossein Alizadeh qui a travaillé pour FOR-USA en préparant les voyages des délégations en raison de ses contacts haut placés au sein du régime : avant de venir aux Etats-Unis, il travaillait à la section études et conférences du ministère des affaires étrangères, un ministère jumelé au ministère des renseignements de la république islamique d’Iran. Après deux années de bons et loyaux services au sein de FOR-USA, il est devenu « gay » et a pris en charge la communication du régime dans la section « faux-opposants gay qui plaident en faveur d’un dialogue avec les dissidents du régime ».