1.5.08

UNE INSTRUMENTALISATION CROISSANTE DE L'HOLOCAUSTE : LA BANALISATION

Par Manfred Gerstenfeld
pour Guysen International News

Depuis plusieurs décennies, des informations importantes sur l’histoire de l’Holocauste sont disponibles. A cet égard, on pouvait s’attendre à ce que l’instrumentalisation de l’Holocauste tendrait à diminuer. Cependant le nombre de manipulations sur la Shoah ont considérablement augmenté ces dernières années. La forme d’instrumentalisation la plus aboutie, la négation de l’Holocauste, a connu un renouveau en raison des efforts du président iranien Mahmoud Ahmadinejad. Un autre type d’instrumentalisation croissante : l’holocauste « inversé », une méthode qui permet de représenter Israël, les Israéliens et les Juifs, comme des nazis. L’instrumentalisation de l’Holocauste contribue ainsi à « diaboliser » les juifs et/ou Israël.

Parmi les autres formes d’instrumentalisation de l’Holocauste la banalisation est d’une nature différente.
Des expressions courantes telles que : « l’holocauste de l’avortement, l’holocauste des animaux, l’holocauste environnemental, l’holocauste du tabac et l’holocauste des droits de l’homme » tendent à se généraliser. La banalisation est un instrument désormais employé par des militants motivés sur un plan idéologique, qui comparent un phénomène qu’ils opposent à la destruction des juifs à l’échelle industrielle pendant la Deuxième guerre mondiale par les Allemands, les Autrichiens et leurs alliés. Aucun de ces phénomènes ne présente quelque ressemblance avec le génocide des années 40, qui ciblait tous les juifs, les diabolisait, les excluait de la société, les torturait pour finalement les détruire.
Quelques exemples de cette banalisation de la Shoah illustrent ces grandes différences : le Cardinal Joachim Meisner, archevêque de Cologne en Allemagne, a comparé les femmes qui avaient recours à l’avortement avec les responsables d’assassinats de masse que furent Hitler, Staline ou Hérode.
Autre exemple, le Pape Jean-Paul II a écrit dans un de ses livres que l’avortement et l’assassinat de six millions de Juifs était le résultat, déguisé par la démocratie, de l’usurpation par les hommes de la « loi divine ».

Une autre catégorie de la banalisation de l’Holocauste, qui a un écho important, est la comparaison de l’abattage des animaux au génocide des Juifs. C’est dans cette catégorie que l’on trouvera les abus les plus pervers de l’histoire de l’Holocauste.
Une organisation extrémiste de la défense du droit des animaux « People for the Ethical Treatment of the Animals », PETA a fait circuler une exposition « L’Holocauste dans votre assiette » dans de nombreux pays.
Certaines photos juxtaposent des images de déportés dans des camps de concentration avec des animaux dans des fermes, d’autres montrent des tas de morts nus à côté de carcasses de porcs entassées. La fondatrice et directrice de la PETA, Ingrid Newkirk, une américaine, écrivait déjà en 1983 que les animaux étaient comme les hommes, déclarant : « le rat est un cochon, et le cochon est un garçon » et « six millions de personnes sont mortes dans les camps de concentration, six milliards de poulets mourront cette année dans les abattoirs ». L’essence de cette manipulation est de considérer les animaux comme des êtres humains, est d’entraîner après d’autres formes d’instrumentalisation, développant ainsi de fausses comparaisons. Finalement, après de nombreuses protestations, Newkirk et son association présentèrent leurs excuses.

Parfois, c’est aussi un élément précis de l’histoire de la Shoah qui est emprunté pour alimenter cette banalisation. En 1989, Al Gore écrivit un éditorial dans le « New York Times » intitulé « Une nuit de cristal écologique », pointant le danger d’un désastre environnemental pour l’humanité.
En 2007, dans les colonnes du « Boston Globe », ceux qui refusaient la réalité du réchauffement de la planète furent comparés à des négateurs de la Shoah. L’animateur de talk show américain Dennis Prager réagit en affirmant que selon les libéraux, il convient de suivre les déclarations des Nations Unies plutôt que de rester prisonniers des traditions. Des opposants aux mesures environnementales instrumentalisent également l’Holocauste.
En 2004, Andrei Illarionov, conseiller du Président russe Vladimir Poutine, a comparé le protocole de Kyoto, qui appelle à une réduction des émissions de dioxyde de carbone, à Auschwitz.
En 2005, le sénateur démocrate américain Richard J. Durbin a comparé les abus commis contre les prisonniers de Guantanamo aux techniques employées par les « nazis, les soviétiques et les Khmers Rouges ». Après avoir été attaqué violemment par les Républicains, il s’est excusé en particulier à l’égard des victimes de l’Holocauste et des troupes américaines. (1) Inutile de le préciser, s’il disait vrai, tous les prisonniers de Guantanamo seraient décédés.

Parfois, des personnes célèbres banalisent l’Holocauste en l’utilisant dans certaines situations.
Par exemple, Michel Rocard, ancien Premier ministre socialiste français, affirma un jour que lui-même et ses amis politiques au sein du Parti socialiste, se comparaient à « ceux qui avaient porté l’étoile jaune », ajoutant que « cette comparaison est certes répugnante mais décrit bien l’atmosphère qui régnait alors ». (2)
La publicité et la grande distribution contribuent à leur tour à la banalisation de la Shoah, dans le monde occidental et le monde musulman. L’exemple de la marque Zara, une chaîne espagnole de magasins de vêtements qui compte plus de mille boutiques, y compris en Israël. A l’automne 2006, un sac à main représentant une croix gammée avait été mis en vente. Après plusieurs plaintes, la société dû retirer le produit de la vente.

Plus on s’éloigne de l’Holocauste, plus les exemples de banalisation semblent proliférer. Ils doivent être combattus un par un, ce qui représente une activité à part entière. Une consolation mineure : contrairement à la plupart des manipulations sur l’Holocauste, la banalisation ne vise pas les Juifs et/ou Israël mais utilise des éléments de l’Holocauste à des fins idéologiques, politiques ou commerciales.


Manfred Gerstenfeld est Président du Conseil du « Jerusalem Center for Public Affairs et prépare actuellement un ouvrage sur les instrumentalisations contemporaines de l’Holocauste.


(1) Shailagh Murray, « Durbin apologizes for remarks on abuse », Washington Post, 22 juin 2005.
(2) “Michel Rocard règle ses comptes avec le socialisme à la française”, Le Monde, 5 octobre 2005.