(Copie à Xavier Darcos)
in PRIMO EUROPE
Monsieur le Directeur des programmes, M6
J’ai assisté dimanche 11 mai 2008 à une émission de M6 sur le conflit israélo-arabe devenu par une habile jonglerie "israélo-palestinien". J’ai été déçu, voire révulsé par les inexactitudes, les commentaires tendancieux et les faits sortis de leur contexte.
Ce serait sans intérêt si M. de la Villardière ne recommandait pas de présenter ce documentaire fallacieux dans les collèges et lycées pour expliquer le conflit aux jeunes élèves. Cette menace retient toute notre attention car elle entraînera inévitablement un déchaînement de violence contre une fraction au moins de la population scolaire: les quelques jeunes juifs osant encore affronter l'Ecole de la République qui les oublie de plus en plus souvent.
La recherche historique demande la vérité des faits, l’utilisation de termes précis et appropriés pour éviter confusions et interprétations. C’est le contraire de ce que pratique ce documentaire :
- Reprendre le mot Nakba, que les Palestiniens utilisent pour faire pendant à la Shoah, est une erreur volontaire. Il n’y a aucune commune mesure entre les deux évènements.
- Les Israéliens n’ont pas "chassé" les Arabes. Ben Gourion, dans sa Proclamation d’Indépendance, a demandé aux habitants arabes du nouvel Etat d’Israël de rester et de contribuer à son édification.
- C’est sur les ordres des sept pays arabes "frères" et sur leurs promesses trompeuses de pouvoir revenir bien vite que les populations arabes ont fui.
Pour expliquer un conflit, trois étapes sont indispensables: les causes, les faits et les conséquences.
Dans l’enquête présentée par M6, les causes et leurs conséquences sont ignorées, ce qui fausse totalement la compréhension de ce conflit.
Dans toute l’histoire de l’humanité, chaque guerre a eu ses réfugiés, ses exodes, ses morts, mais aussi sa conclusion logique: la paix. Seul le Moyen-Orient fait exception. Au lieu d’ânonner la responsabilité d’Israël, peut-être devrait-on au contraire faire réfléchir les enfants sur cette spécificité
Le commentaire prolifique sur ces réfugiés finit par être partial. La situation précaire dans laquelle ils se trouvent est compréhensible. Mais toutes les guerres ont provoqué des millions de réfugiés à travers le monde. Quasiment tous ont retrouvé une vie normale et les jeunes générations se sont fait ou refait une place au soleil dans les pays d’accueil, tous sauf les Palestiniens.
La France elle-même a eu ses réfugiés à la suite de la guerre d’Algérie. A ma connaissance, aucun ne se considère plus comme tel. Encore une fois, ce parallèle serait plus profitable aux élèves que la présentation manichéenne qui rend Israël seul responsable, au risque d’enflammer les jeunes en mal d’identification.
Le documentaire donne clairement l’impression que la violence paie, que l’on se doit de féliciter Leïla Khaled pour les avions explosés et les passagers civils assassinés. Cette conception de la violence utile mise en valeur en classe serait fondamentalement contraire à nos valeurs éducatives.
Concernant la Guerre des six jours, l’impasse est faite sur le fait que si Jérusalem a été délivrée de l’occupation jordanienne, c’est à cause de l’entrée en guerre du Roi Hussein, entraîné dans cette aventure par Nasser en dépit des recommandations israéliennes le suppliant de ne pas intervenir.
Causes, faits, conséquences : les Israéliens ont subi l'agression et en ont assumé les conséquences. N’importe quel pays en aurait fait autant. Le documentaire prétend éclairer les téléspectateurs, mais il ne respecte pas la première règle indispensable : choisir des documents équitables, respectant la réalité sans prendre position.
Pour marquer cet anniversaire, ces 60 ans de "violence", on ne trouve aucune mention des refus réitérés des sept pays arabes entourant Israël de reconnaître cet Etat officiellement établi par l'ONU, de l'article 14 de la Charte du Hamas qui stipule la nécessité de le détruire, des provocations, des occasions ratées parce qu’Israël est bien trop utile comme bouc émissaire des insatisfactions des citoyens arabes pour que leurs dirigeants veuillent résoudre ce conflit autrement qu’en prétendant vouloir le détruire intégralement.
La seule constante idéologique des voisins d’Israël est leur volonté de jeter non pas les Israéliens, mais les Juifs à la mer, selon un mot d’ordre publié depuis 1947 et même bien avant (1929, 1936). Sachant que les élèves des collèges et lycées ont déjà tendance à s’identifier aux protagonistes de ce conflit, est-il vraiment utile de leur donner des occasions de haine supplémentaires ?
Le désengagement de Gaza, qui aurait pu amorcer l'embryon d’Etat auquel les Palestiniens aspiraient, n’est même pas mentionné. A l’inverse, le documentaire rend les Israéliens responsables des tirs de Kassam qu’ils reçoivent à Sderot ou à Ashkelon.
Les médias semblent ignorer le droit international qui stipule que tout Etat est tenu de mettre ses citoyens à l’abri du besoin et de la peur. En cas de non respect de ces clauses, l’Etat est disqualifié.
Au lieu de stigmatiser le mur de séparation qui a évité tant de morts inutiles et de haine ajoutée à la douleur, il serait bon de mentionner qu’il fait tomber le nombre des attentats suicides de plus de 200 à zéro.
Toutes les raisons évoquées ci-dessus nous laissent convaincus que la projection de ce document dans les établissements scolaires est un véritable brûlot, un geste d'irresponsabilité et de parti pris évident qui fera de nos enfants les victimes de la partialité de journalistes en mal d'auditoire. Votre chaîne porterait, nous tenons à vous le signaler, la responsabilité totale pour toute agression d'un jeune élève juif après une éventuelle projection en classe.
Ce film représente à nos yeux un danger manifeste car il est faux, tendancieux, maladroit et de parti pris, dans un conflit qui agite déjà largement nos banlieues.
Enfin Mr Schwartz l'ayant lui-même affirmé à la radio (je l'ai entendu) "j'ai favorisé les palestiniens", quelle crédibilité accorder désormais à tout documentaire paraissant sur M6 cette chaîne que je me vois dans l'obligation de ne plus croire et de quitter ?
R. SBERRO
Professeur et conseiller pédagogique.