par le dr Joel Fishman
pour Makor Rishon
Titre original : A Truce Agreement with Hamas following "A Failure Worse than the Second Lebanon War"
Traduction : Objectif-info
Dans la soirée du mardi 17 juin, le gouvernement égyptien a annoncé qu'un accord de trêve entre Israël et le Hamas à Gaza prendrait effet le jeudi 19 à 6 heures locales. Cet arrangement signifie essentiellement qu'Israël reconnaît indirectement une organisation terroriste dédiée à sa destruction, et qu'il négocie avec elle. Dans les jours qui ont précédé, il y a eu des débats et des échanges de critiques acerbes pour savoir si Israël devait ou pas entrer à Gaza avec des force militaires massives pour mettre fin aux actes de terrorisme, en particulier aux tirs de fusées et de mortiers contre la population civile du Néguev occidental et d'Ashkelon. Le 16 juin, le ministère des affaires étrangères publiait un rapport avertissant le public que "le fait même que Hamas ait effectué un coup de force contre l'Autorité palestinienne, une entité plus pragmatique dirigée par Abou Mazen, montre qu'il n'est pas désireux de participer au processus de mise en œuvre d'une paix de compromis entre Israël et l'Autorité palestinienne qui a été entamé en 1993 avec les accords d'Oslo."
Il est probable que tout arrangement avec le Hamas sera provisoire et qu'il ne durera qu'aussi longtemps qu'il leur conviendra. En échange d'une suspension d'une durée indéterminée des hostilités, Israël a programmé l'abandon de son avantage militaire relatif, alors que son ennemi se prépare au prochain round, entraînant ses troupes, construisant des fortifications, introduisant en contrebande de nouvelles armes. Le modèle qui se trouve à la base de cette transaction est la trêve d'Huddaybia signée en 628 par le prophète Muhammad avec la tribu des Qoraish de La Mecque, à un moment où il était relativement faible. Un peu plus tard, ayant réuni autour de lui davantage de partisans, il rompit le traité et infligea une défaite à cette tribu. Selon le site Web Israël Forum, "cette trêve est devenue un modèle et une référence dans la loi islamique pour tous les accords passés avec des infidèles, qui ne doivent jamais durer plus de dix ans (sous réserve d'une extension de dix ans, pas plus)." Comme Mao l'écrivait de son temps, dans une vision plus large, l'objectif principal de tout mouvement de guérilla, est tout simplement de continuer d'exister. À cet égard, l'État d'Israël aura donné un avantage au Hamas, contre rien.
Les conséquences des choix politiques alternatifs, une trêve ou une action militaire à Gaza, n'ont pas fait l'objet d'un débat public sérieux, et on a noyé le poisson sur certaines des questions les plus importantes. En outre, les médias d'information ont tendance à présenter les derniers évènements essentiellement dans une perspective immédiate, comme s'ils étaient parfaitement nouveaux, ce qui est trompeur.
Il y a une année environ, le 20 juin 2007, Israël perdait Ze'ev Schiff, l'un de ses analystes militaires les plus subtils. Douze jours avant sa disparition, l'un de ses derniers articles, "Une défaite israélienne à Sdérot," est paru dans Ha'aretz. Bien qu'une année soit passée depuis, son article a gardé toute sa valeur. Si Schiff était aujourd'hui vivant, il pourrait écrire le même article avec des modifications mineures. Voici quelques conclusions auxquelles Schiff avait abouti :
1. Israël a essuyé une défaite à Sdérot ;
2. L'ennemi a réduit au silence une ville toute entière et interrompu le déroulement de la vie ordinaire ;
3. Les habitants de Sdérot ne sentent pas le pays derrière elles ;
4. Le gouvernement n'a pas réussi à transformer le bombardement de Sdérot en une cause relevant de la défense nationale, ce qui renforce l'impression que ce gouvernement est incapable de conduire la nation en cas de confrontation militaire majeure ;
5. L'ennemi qui a défait Sdérot est une organisation terroriste qui est militairement faible ; pourtant en dépit de sa faiblesse, elle a réussi imposer à Israël un rapport de dissuasion, de façon comparable au Hezbollah ;
6. Israël se retrouve en compétition militaire avec le Hamas. C'est un grave revers national, qui … est pire que l'échec subi durant la deuxième guerre du Liban ;
7. Contrairement à la tradition établie par David Ben Gourion, l'ennemi a fait du territoire israélien le théâtre du combat.
Les fusées sont tombées en plus grand nombre sur Sdérot depuis ce premier écrit de Ze'ev Schiff, et davantage de mortiers ont touché la région environnante. Plusieurs missiles Grad ont frappé Ashkelon. Les gens quittent certains secteurs proches de la frontière avec Gaza. Il est remarquable que la description de la défaite fournie par Schiff ait été étroitement associée dans son esprit à l'abandon par le gouvernement du traditionnel "noyau de valeurs" de la société israélienne. Il qualifiait également la situation de "déshonneur national."
Le gouvernement d'Israël a été lent à agir efficacement contre le terrorisme du Hamas, en particulier le lancement de fusées et de mortiers contre les villes juives et les établissements agricoles. L'incapacité commune du gouvernement et de l'armée de relever le défi de la guerre politique est l'une des raisons de cette lenteur. Bien que l'armée ait assez bien réussi à résoudre les problèmes de logistique et apporté des solutions novatrices comme dans le cas de Djénine en 2002, elle a fait l'erreur de "se cantonner à une approche purement militaire." L'armée et la direction politique du pays ne sont pas parvenues à défendre la légitimité d'Israël, en particulier son droit souverain de protéger sa population civile. Cet échec est de plus en plus évident au fur et à mesure qu'Israël se trouve impliqué dans une situation de conflit prolongé.
Dans le passé, l'État d'Israël soutenait le principe de la responsabilité dans ses rapports avec les régimes qui autorisaient l'emploi de leur territoire comme base opérationnelle du terrorisme. Il est aujourd'hui évident que l'État a abandonné sa politique traditionnelle consistant à faire payer à l'adversaire le prix du terrorisme contre les populations civiles israéliennes. Le fait qu'Israël n'ait pas défendu avec vigueur ses exigences légitimes dans la guerre des mots et des idées constitue une grave lacune de la part du gouvernement.
Dans les circonstances actuelles, une opération militaire massive à Gaza aurait été une grave erreur. La population est fortement armée et la zone est densément peuplée. De plus, il n'y a aucune raison impérieuse qui justifie qu'Israël prenne le risque d'essuyer des pertes importantes pour le compte du régime faible et discrédité d'Abou Mazen. Si l'on veut obtenir des résultats durables à Gaza, il est nécessaire de provoquer un changement de régime fondamental, dans l'esprit de l'occupation américaine de l'Allemagne et du Japon après la seconde guerre mondiale. Il faudrait qu'une nouvelle loi fondamentale remplace la Charte du Hamas. Il serait nécessaire de reconstruire et de reformer les institutions de la société civile et politique issues du Hamas et de créer une entité totalement nouvelle, dissociée de l'Autorité palestinienne et des Frères Musulmans. Il faudrait pour cela une action de remise en ordre soutenue ; une réforme de la législation, la reconstruction d'un ordre judiciaire et du système d'éducation, des purges politiques, la censure de la presse et des prêches dans les mosquées, la réécriture des manuels scolaires. Une telle entreprise placerait sur les épaules d'Israël la responsabilité de la santé publique, du bien-être de la population civile de Gaza et de la satisfaction de ses besoins alimentaires, un lourd fardeau qui excède ses capacités et ses ressources.
Il est probable que le nouvel accord sur une trêve ne se traduise pas par une cessation des hostilités. Dans la mesure où cet arrangement va permettre à l'ennemi de se préparer au prochain round, Israël doit aussi se préparer au pire des scénarios. La seule option qui reste, de fait, est celle de la dissuasion. Israël doit lancer une campagne d'information permanente et efficace pour sauvegarder son droit de se défendre et de vilipender l'ennemi. Il doit s'efforcer sans relâche de saper le soutien de la population de Gaza au régime du Hamas et, dans la mesure du possible, de passer des accords avec le monde arabe. Il est inconcevable qu'une organisation terroriste impliquée dans le meurtre de civils israéliens bénéficie des dispositions juridiques accordées par le droit international. Dès lors, Israël doit se préparer à résister à une forte pression internationale. En liaison avec une campagne vigoureuse d'information, Israël doit se préparer à utiliser des mesures de représailles et de dissuasion puissantes. Il faut utiliser certaines options militaires, comme les tirs d'artillerie et de missiles, les opérations aériennes, sans exclure les éliminations ciblées, pour convaincre l'autre côté que toute attaque contre les civils israéliens aurait des suites coûteuses et douloureuses.
Dr Joel Fishman est membre d'un centre de recherches de Jérusalem.
Objectif-info.fr.