26.6.08

QUI VA ARRETER L'IRAN ?

Les dernières manœuvres des forces aériennes israéliennes sont-elles annonciatrices d’une attaque contre l’Iran ? un article de Martin Birnbaum.

Le Président Bush a déclaré «l'acquisition d’armes nucléaires par l'Iran est inacceptable» et pour qu’il n’y ait pas de malentendu, le Vice-Président Cheney dit «les Etats-Unis ne permettront pas à l'Iran d'acquérir des armes nucléaires». Juste avant son voyage en Israël le Président Sarkozy déclare au journal israélien Yedioth Aharonoth «La France fera tout afin d'empêcher l'Iran d’acquérir des armes nucléaires et… ceux qui réclament d’une manière indigne la destruction d’Israël se trouveront confrontés à la France…». Pour ne pas être en reste, Mme Merkel déclare à la Knesset «Pour moi, en tant que chancelière allemande, la sécurité d'Israël ne sera jamais négociable».

Le temps des déclarations induit par le soixantième anniversaire de la renaissance d’Israël passera rapidement car les préoccupations, surtout de l’Europe, sont aujourd’hui uniquement liées au prix du pétrole et aux effets consécutifs sur le renchérissement des matières premières, comme aux conséquences sur la croissance des économies du continent.

Les tenants de la Real Politik rappellent que l’Iran a comme principal partenaire commercial pour l'importation et l'exportation, l’Europe. Selon les données de l’Union Européenne, en 2006, ses importations en provenance de l’UE se sont montées à plus de 14 milliards d’euros, alors que la valeur des exportations de l’UE (avec l'Allemagne, la France et l'Italie menant la danse) s'élevait à presque 12 milliards d’euros. L'Iran est le quatrième plus grand fournisseur de pétrole de l'Europe. Et les mêmes soulignent qu’une détérioration des relations (sanctions contraignantes, voire une attaque militaire contre l’Iran) conduirait à une augmentation faramineuse du prix du pétrole et à la récession dans les économies occidentales.

L'Europe est donc celle qui tient à flots l’économie iranienne en considérant que cela a comme effet le maintien en état de sa propre économie. Tous les pays d’Europe disposent d’ambassades à Téhéran, tous les aéroports d’Europe accueillent et font partir des vols vers Téhéran et… aucune voix ne s’est élevée contre la participation de l’Iran aux Jeux Olympiques. Pendant le régime d’apartheid, pendant 28 ans, on a interdit à l'Afrique du Sud de participer aux Jeux Olympiques et/ou à la coupe du monde de football. L'Iran, dictature des mollahs, régime religieux de ségrégation, pourrait être considéré comme étant bien plus nocif. L’Europe ? Elle fait très peu ou rien pour isoler explicitement l'Iran. Pas plus que la Russie qui, prétendant ne pas avoir des indications précises et fiables sur le programme nucléaire de l’Iran, attend que l’on trouve le «smoking gun».

Au plan pratique, attendre une «preuve irréfutable» veut dire en réalité que l’on consent à l’existence d’un Iran disposant de l'arme nucléaire. Il n’est pas difficile de comprendre, dans ce cas, qu’un prix du pétrole excessif et une croissance économique réduite ne sont pas nécessairement le mal le plus grand par rapport à un Proche-Orient lancé dans une course aux armements nucléaires.

Mais si le monde (l’Europe en premier) peut attendre, deux pays ne le peuvent pas : les Etats-Unis et Israël. Autant pour des raisons liées à leurs propres relations qu’à celles venant de la communauté internationale. En effet, «Soixante ans après la reconnaissance diplomatique d’Israël par les Etats-Unis, tandis qu’Israël fait des efforts pour obtenir la paix avec la Syrie et contribuer avec l’Autorité palestinienne à la création d’un état palestinien, la perspective d’une République Islamique d’Iran disposant d’armes nucléaires pourrait confronter les Etats-Unis et Israël au défi le plus sérieux de l'histoire de leurs rapports. Pour l'Amérique, c'est un défi important qui pourrait détruire le régime international de non-prolifération et susciter une course aux armements nucléaires au Moyen-Orient de portée et de danger sans précédents. Pour l'Israël, la menace est encore plus forte. L'idée qu'un régime qui prône ouvertement sa destruction cherche à acquérir les moyens pour arriver à ce but ne peut conduire, légitimement, sa population et son gouvernement qu’à considérer qu’il s’agit d’une menace existentielle» (Washington Institute for Near East Policy’s Presidential Task Force on the Future of U.S.-Israel Relations – 2008). Cela étant, embourbés comme ils sont en Irak, les Etats-Unis ne semblent pas être disposés à se lancer dans une nouvelle opération militaire, cette fois-ci, contre l’Iran. Et si c’est Israël qui s’en charge, le monde entier considérera que cela a été fait avec le consentement américain. D’où une certaine dégradation des relations entre les deux pays, dégradation qui a commencé à se faire jour avec la publication du fameux rapport du renseignement américain qui laisse croire que l’Iran a abandonné le programme nucléaire militaire en 2003… Rapport que les services de renseignement israéliens ont mis en pièce jusqu’à faire Ehoud Barak déclarer au Monde «Le rapport des services secrets américains était faux, point final, et je suis confiant : nous le démontrerons avec le temps».

L’Europe convient que l'Iran est une menace et que leurs efforts tranquilles vers l’énergie nucléaire est une feinte. Mais que faire ? Depuis bientôt sept ans l’Europe parle gentiment à l’Iran avec l’espoir qu’il abandonnera son programme fortement soupçonné d’être militaire. Elle espère que par une sorte de miracle, l’on obtiendra un plan d'action ferme en dehors du Conseil de Sécurité de l’ONU (la Russie et la Chine bloquant toute action sérieuse). Peut-être.

Malheureusement toutes les discussions habituelles (avec ou sans l'ONU) ressemblent à «jouer du violon tandis que Rome brûle» (tel Néron) sauf que cette fois-ci Israël va brûler si quelque chose n'est pas fait. Le monde libre, les héritiers des Lumières, doivent-ils attendre pour voir si Mahmoud Ahmedinejad est sérieux quand il parle «de rayer Israël de la carte» ?

Oui, dit le Prix Nobel El-Baradeï. Et il met sa démission de responsable de l’AIEA en jeu… «Ce que je vois en Iran aujourd’hui c’est un danger grave et urgent. Si une frappe militaire est effectuée contre l'Iran actuellement… elle me rendrait incapable de continuer mon travail» (déclaration à la chaîne de télévision Al-Arabiya). AIEA qui n’a rien su du programme nucléaire iranien pendant dix-huit longues années avant d’être dévoilé par des dissidents iraniens. Ou du programme nucléaire libyen, découvert par la CIA et des «services» européens. Ou du marché noir crée par A.G. Khan, père du programme nucléaire militaire du Pakistan qui a fourni la Corée du Nord, l’Iran, la Libye en utilisant des sociétés européennes et des cadres suisses au-dessus de tout soupçon…

Et comme il n’est pas à une contradiction près, il ajoute «Une frappe militaire, à mon avis, serait plus mauvaise que n'importe quoi… elle ferait que la République islamique soit encore plus déterminée pour devenir une puissance nucléaire. Si une frappe militaire est lancée, elle signifiera que l’Iran, s’il ne vise pas déjà les armes nucléaires, se lancera d’une manière accélérée vers leur acquisition avec la bénédiction de tous les Iraniens, peut-être même avec celle de certains pays de l'Ouest». Voilà l’homme qui est censé assurer la communauté internationale du respect, par tous les pays signataires, du pacte de non-prolifération… Confronté au refus des dirigeants iraniens de s'expliquer sur la militarisation présumée de leur programme, Mohamed ElBaradei a uniquement regretté leur silence bien que des rapports des services de renseignement, venant de dix pays, accusent Téhéran de mener des études sur la mise au point d'armes nucléaires, en particulier sur le façonnage d'ogives et l'adaptation du missile Shahab-3.


Alors ? Les Etats-Unis ne feront rien. Au moins pas pendant les huit derniers mois de la présidence Bush. Et à voir l’insistance qu’ils mettent à forcer Israël à accepter la création d’un état croupion, potentiellement terroriste, aux ordres de l’Iran (comme le Liban aujourd’hui, comme Gaza hier déjà), on peut supposer qu’ils s’opposeraient à une action israélienne propre. La France ne fera rien. Elle n’a plus les moyens d’entretenir son armée, des cohortes de chars d’assaut sont en train de rouiller, manquant de combustible pour les faire tourner (sur quel théâtre d’opérations ? contre quel adversaire ?) et son aviation comme sa marine sont en réalité des vestiges d’une gloire ancienne. L’Allemagne ? Allons, donc.

Reste Israël. Plusieurs questions se posent si l’on envisage une action préventive israélienne. (a) Dispose-t-elle de renseignements suffisants pour choisir le minimum de cibles qui feront un maximum de dégâts avec un minimum de dommages collatéraux pour la population ? (b) A-t-elle les moyens technologiques pour que l’action soit couronnée de succès ? (c) Que se passera-t-il «le jour d’après» ?

Tout d’abord, on comprend qu’une action israélienne transformerait un problème mondial (le non respect par l’Iran des conditions posées par le traité de non prolifération, qu’il avait signé en poursuivant un programme caché pendant plus de 18 années, en un différend israélo-iranien. En laissant de côté le fait qu’Israël se trouve, en réalité, en légitime défense vue la menace potentielle iranienne et la rhétorique journalière du clown halluciné qui, attendant le 12ème imam, veut faire disparaître Israël. Comme de la menace permanente des supplétifs de l’Iran armés jusqu’au dents par ce pays : Le Hezbollah, disposant de plus de 30.000 fusées à courte portée stockées dans un nouveau système de bunkers en comparaison duquel le mur de l’Atlantique n’était qu’un château de sable… et le Hamas qui vient d’obtenir une «trêve» dont le but essentiel est de se refaire l’arsenal et de former une nouvelle chair à canons.

Néanmoins, le premier résultat d’une action israélienne sera que le monde entier trouvera une nouvelle raison pour être contre Israël.

- (a) Encore que… on a vu le silence assourdissant des principaux pays arabes qui a suivi trois évènements majeurs : la destruction du tiers de l’infrastructure du Liban suite à la guerre initiée par le Hezbollah, le meurtre (crédité au Mossad), en Syrie, du principal assassin de cette organisation (ayant figuré sur la liste de tous les services occidentaux, y compris de la DGSE, pendant plus de 20 ans) et la destruction d’un site nucléaire syro-nord-coréen par l’aviation israélienne. Mais les réactions de la rue arabe qui seront accompagnées de toutes les gauches du monde en train de devenir, elles aussi, islamo-fascistes, seront redoutables…

- (b) Israël est probablement le pays qui en sait le plus sur ce qui se passe en Iran. Aussi parce que pour une partie de sa population la langue perse et ses multiples dialectes n’a pas beaucoup de secrets. Il est fort probable que sa liste de cibles dispose d’une fiabilité suffisante pour infliger un maximum de dégâts, pas nécessairement à tous les sites nucléaires connus, surtout pas à ceux qui sont enterrés sous des montagnes (comme Natanz où l’on fait l’essentiel de l’enrichissement de l’Uranium). Probablement surtout aux sites clandestins peu ou pas du tout connus du monde. Non plus à ceux qui sont en train d’être assurés d’une défense anti-aérienne et anti-missiles supposée à toute épreuve que la Russie installe à grande vitesse (systèmes Pantsir, S-300, j’en passe et des meilleurs). Un certain doute peut subsister quant aux renseignements détenus par Israël mais ce pays a toujours laissé une part à l’improvisation !

- (c) La deuxième question peut recevoir une réponse positive sans aucune ambigüité. Certes, la distance à parcourir pour une flotte aérienne est de l’ordre de 1.500 km si elle décolle des bases israéliennes. Mais beaucoup moins pour des missiles de croisière pouvant prendre leur envol à partir de sous-marins judicieusement positionnés dans le Golfe Persique ou la Mer d’Oman.


Le monde entier a été surpris par le bombardement du site nucléaire syrien en septembre 2007. Ce qui a retenu l’attentions des spécialistes militaires c’est le fait que l’escadrille de F-15 qui a effectué le raid n’a été détectée à aucun moment ni par la Syrie, ni par la Turquie, pays de l’OTAN disposant de systèmes de détection les plus perfectionnés… La Turquie n’a appris le raid, qui pourtant a survolé son territoire, que par le fait que des réservoirs supplémentaires y ont été largués par les avions israéliens. Ce qui rappelle le bombardement du siège de l’OLP à Tunis par la même aviation plus de 25 ans auparavant quand elle a traversé la Méditerranée d’Est en Ouest, sur toute sa longueur sans que la Grèce, l’Italie la France ou l’Espagne aient vu quelque chose… En clair, Israël semble disposer de ce qui est nécessaire pour rendre son aviation parfaitement invisible à ceux qui ne doivent pas la voir.

On vient d’apprendre, par une «fuite d’un officiel américain» (?!) qu’Israël a effectué un exercice militaire important pendant la première semaine de juin ; aussi que les sources américaines indiquent qu’il s’agissait, apparemment, d’une répétition pour une attaque potentielle sur les sites nucléaires iraniens. Plus de 100 avions de combat F-16 et F-15 des forces aériennes israéliennes ont participé à l'exercice effectué au-dessus de la Grèce (membre de l’OTAN) et la Méditerranée Orientale. L’exercice a également inclus des hélicoptères de sauvetage et des avions ravitailleurs, tous ayant fait un parcours d’environ 1.500 km. Comme par hasard, la distance qui sépare Israël du site nucléaire de Natanz où l’on enrichit l’Uranium. Trois observations : (a) le pourquoi de la fuite américaine quand l’exercice n’était connu que de la Grèce (une quarantaine d’avions israéliens F-15 et F-16 se trouvaient sur la base aérienne Souda, dans l'île de Crète pour la durée de l'exercice) ; (b) le commentaire acerbe immédiat de la Russie à travers son Ministre des Affaires Etrangères qui, n’ignorant pas l’incapacité des équipements russes à détecter les mouvements de l’aviation israélienne, clame «ni Israël ni les Etats-Unis n'ont produit la preuve que l'Iran développait des armes nucléaires et que dès lors le sujet doit être traité par la diplomatie et des discussions avec Téhéran» ; (c) l’évidente surprise des mollahs qui, tout en sortant les antiennes habituelles sur «l’entité sioniste» semblent commencer à comprendre que laissée seule et ne prenant pas au sérieux les paroles de Messieurs Bush, Sarkozy ou de Mme Merkel, Israël se prépare au pire, pour eux.

Résumons : à juste titre, la communauté internationale est inquiète des activités nucléaires de l'Iran. Et la question qui reste posée au monde est de savoir ce qu’il faut faire pour arrêter la marche de l’Iran vers la bombe. Israël semble le savoir et se prépare pour. Et selon un autre «officiel» américain commentant le même exercice aérien : «Ils ont voulu que nous le sachions, ils ont voulu que les Européens le sachent et ils ont voulu que les Iraniens le sachent aussi».


© Martin Birnbaum
pour LibertyVox

Image à la Une: Ahmadinejad


© Martin Birnbaum pour LibertyVox

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