17.6.08

PATRICK SAINT PAUL OU L'IMAGINATION AU POUVOIR

L’envoyé spécial du Figaro à Gaza, Patrick Saint-Paul, est un garçon plein d’imagination. La preuve en est son article du 13 juin 2008, intitulé « Dans les tunnels de Gaza, aux mains du Hamas ».

Soyons juste : il lui arrive aussi de mentionner la réalité. Ainsi, son titre ne comporte aucune inexactitude : les tunnels de Gaza sont bien aux mains du Hamas. Là s’arrête le rapport au réel de l’envoyé spécial aux pays des merveilles. La suite oscille entre l’interprétation et l’allusion subliminale.

Paul Saint Grimm ou Mollah Paul Abou Fantasiah ?

Il arrive que les faits relatés soient exacts, mais comme dans les jeux pour enfants, ils sont dissimulés dans le paysage. Ainsi, dans la phrase « … plus de 350 souterrains ont été creusés pour échapper au blocus d'Israël et importer des denrées d'Égypte », il n’est pas compliqué de les trouver et de repérer l’intrus.

L’intrus, le commentaire personnel de St Paul, est souvent introduit par un de ses comparses : la préposition « pour ». Ainsi les tunnels passant sous la frontière avec l’Egypte sont-ils rebaptisés brise-glace de l’inhumain blocus israélien et les armes et drogues qui y circulent sont-elles considérées comme des produits de première nécessité.


Pour entrer dans le tunnel, passons par la cuisine !

Nuançons : un reportage de Patrick Saint Paul n’est pas à proprement parler une fiction. C’est plutôt un conte de fées déduit artificiellement d’un compte de faits.

Ce n’est pas clair ? Démonstration : « Au lendemain de la prise du pouvoir par le Hamas dans la bande de Gaza, le 15 juin 2007, Israël a imposé un strict blocus à ce territoire : tous les points de passage vers Israël et l'Égypte ont été fermés et seules les denrées de toute première nécessité ont été autorisées à y transiter au compte-gouttes. » Un observateur de la situation dénué de préjugé (nous parlons d’un habitant d’une autre galaxie, cela va sans dire) trouverait parfaitement normal qu’au moment où son voisin élit une faction engagée à le détruire, un Etat renforce ses frontières. D’aucuns ont même construit une ligne Maginot, inefficace, certes, mais dont le principe était identique : empêcher l’ennemi d’envahir le territoire national.

On n’a pas souvenir, d’ailleurs, que la France d’entre les deux guerres ait fait parvenir, fût-ce au compte goutte, des produits de première nécessité outre-Rhin…

L’antisionisme a ceci de commun avec le virus de la grippe qu’il s’adapte et mute avec rapidité. Pour le virus de la grippe, des vaccins sont mis au point chaque année. L’antisionisme, lui, oppose un strict blocus à l’accès aux médias qui ne laisse même pas passer une statistique de première nécessité.

La technique est toujours la même, qui s’appuie sur la pédagogie de la répétition. Ainsi « l’occupation israélienne » a-t-elle muté en « blocus israélien » pour produire les mêmes symptômes : indignation vertueuse contre les agresseurs (comprendre Israël, pas les terroristes), identification avec la victime ontologique et finalement haine du Juif.

La paille et l’Epître

Israël a, depuis sa création, vécu entouré du blocus arabe : l’Israélien souhaitant quitter le pays n’avait le choix qu’entre les airs et la mer. Aujourd’hui, la paix froide avec l’Egypte et tiède avec la Jordanie ne constitue pas un encouragement massif au tourisme de proximité. Les Gazaouites ont les airs, la mer et l’Egypte.

Quant à Israël, s’ils veulent y retourner, ce sera en partenaires commerciaux et certainement pas en bombes humaines, quelles que soient les pressions internationales et sanctipavloviennes qui visent à pousser les Israéliens au suicide.

Mais voici qu’Hosni Moubarak a pris l’initiative de fermer sa frontière et même, crime impardonnable, de la renforcer d’un mur. UN MUR ! Qu’attendent l’ONU, la Cour Internationale de Justice, la CAPJPO pour condamner le Président égyptien ?

Il y a fort à parier qu’un mur visant à empêcher les bandes armées de racketter la population égyptienne ne soulèvera pas la même unanimité qu’un ouvrage identique servant à protéger la vie des civils israéliens. Personne ne fait mine de s’en rendre compte, sauf le touriste intergalactique de passage. Lequel a déjà envoyé un message à ses congénères pour les avertir que le terrien est une créature totalement illogique, qui arrache les ailes à la mouche et conclut, lorsqu’elle n’obéit pas à son ordre de s’envoler, qu’elle est devenue sourde.

Ou qui explique sans rire qu’après la fermeture par les Egyptiens de leur frontière avec Gaza, « à Rafah, le travail dans les tunnels est le seul qui rapporte. Des milliers de personnes y sont employées et tout le monde vit grâce aux tunnels. Mais, à cause d'Israël, nous sommes forcés de vivre comme des vers de terre.»

A cause d’Israël ! Cherchez l’erreur, elle est dissimulée dans le paysage apostolique.

Le JEU des 7 erreurs ou le reportage selon Saint Paul

« Le rôle du Hamas se réduit à gérer les pénuries. Ainsi, le gouvernement des islamistes distribue depuis deux mois des tickets de rationnement, indispensables pour obtenir quelques litres de carburant à la pompe. »

Il y a quelques jours, le Hamas proposait de transporter gratuitement les civils dans les véhicules de sa police, démontrant ainsi que tous les citoyens de Gaza n’étaient pas égaux devant la pénurie. Le fait qu’il organise maintenant le rationnement ne change rien à la situation.

Si ce n’est médiatiquement parlant : les tickets de rationnement évoquent les heures noires de l’Occupation et l’auteur de cette Epître aux Parisiens espère bien que ses lecteurs s’identifieront avec les malheureuses victimes de ce blocus sans s’interroger sur ceux qui en portent la responsabilité.

Et s’il venait à des rebelles la tentation de rendre à César la violence qui a fait en trois ans autant de victimes du Hamas qu’en trente ans de Tsahal, une jolie morale fleurie les fera rougir de honte et demeurer cois : « La seule réussite à l'actif du Hamas est d'avoir déjoué les pronostics en ramenant l'ordre et la sécurité à Gaza, où les bandes armées mafieuses faisaient la loi. »

Bandes mafieuses, les miliciens du Hamas qui tuent des jeunes filles dans la rue au nom de la vertu islamique ? Là encore, une goutte de faits dans un océan de mauvaise foi noie rapidement le poisson de la logique…

Qui veut la guerre peut prétendre préparer la paix

Résumons : Saint Patrick, animé des intentions les plus pacifiques, milite pour réduire la misère des Gazaouites. Il pourrait prôner l’engagement du Hamas à cesser de vouloir exterminer les Juifs, mais il n’y a pas pensé.

Ce qu’il propose ? Qu’Israël ouvre largement ses frontières avec Gaza pour permettre aux auteurs d’attentats-suicides d’assurer le bien-être matériel de leurs familles.

Et que le Hamas à qui l’aide intégrale de l’UNWRA pose quelques problèmes logistiques, reçoive à nouveau intégralement les subsides internationaux.

Rappelons que l’UNWRA, qui gère uniquement les réfugiés palestiniens de pères en fils depuis 60 ans, a un budget annuel supérieur à celui de la commission de l’ONU en charge de tous les autres réfugiés de la terre (dont la qualité n’est, elle, pas héréditaire).

Imaginons un instant que les Palestiniens soient traités par le monde entier et Saint Paul en particulier comme des adultes responsables. Imaginons un instant qu’ils veuillent réellement un Etat et qu’ils soient prêts, pour cela, à renoncer à l’extermination de leurs voisins et à concentrer leurs efforts sur leur propre bien-être.

Imaginons un instant qu’ils utilisent les terres agricoles laissées par les Israéliens pour produire de quoi nourrir leur population…

Aie ! Catastrophe : 800 journalistes sur le carreau ! Mon rêve est bien leur cauchemar, CQFD.

Liliane Messika
Primo