24.6.08

L'ILE-DE-FRANCE CONCENTRE LES DEUX TIERS DES POINTS NOIRS

J.-M. L.

http://www.lefigaro.fr/

En Seine-Saint-Denis, qui abrite les sept villes les plus violentes de France, les auteurs d'agressions sont de plus en plus jeunes.

La scène se déroule au pied d'une barre HLM du 93 au cœur des années 1990. Ce jour-là, le commissaire du quartier se rend à l'invitation du receveur des postes qui inaugure une nouvelle agence commerciale. «C'est le chef des keufs !», entend-t-il en descendant de sa Mégane. Une troupe d'ados menaçant le prend pour cible, le ton monte. Pour éviter que l'incident ne tourne à l'émeute, le policier préfère re­brousser chemin, sans même se rendre à son invitation. «J'en ai retrouvé certains plus tard en ­garde à vue, se souvient-il. À l'époque, déjà, la police ne leur faisait plus peur.»

Et, en quinze ans, la situation dans les cités s'est encore détériorée. Sur les 50 circonscriptions de police de France les plus exposées aux agressions, 37 se trouvent en Ile-de-France. La Seine-Saint-Denis rafle les sept premières places du classement des villes les plus violentes.

On dénombre à Saint-Denis près de dix agressions par jour, deux fois plus que partout ailleurs en banlieue. «Et les auteurs sont de plus en plus jeunes», déplore un responsable local du syndicat Unsa-Police. Selon lui, «la vio­lence entre ados dans certains collèges et lycées du département vire à la prédation».

Michèle Alliot-Marie expérimente depuis peu, dans le dépar­tement, des unités territoriales de quartier (UTQ), sorte de police de proxi­mité à vocation opérationnelle. Et elle s'apprête à y injecter, en lieu et place des CRS, des compagnies de sécurisation «fidélisées» aux quartiers qu'elles seront chargées de protéger. Mais le chemin de la reconquête sera long.

Des contrastes importants

Sans surprise, le Val-d'Oise suit son turbulent voisin. À Sar­celles, la circonscription de Villiers-le-Bel, les coups et blessures volontaires représentent plus de 70 % des actes de violence. «Pour la pre­mière fois, les émeutiers tiraient pour tuer», ont constaté les policiers lors des émeutes de novembre 2007.

La violence du quotidien n'épargne pas non plus l'Essonne, no­tamment Évry et Juvisy-sur-Orge, régulièrement citée dans la chronique des faits divers. En avril dernier, l'agression d'un chauffeur de bus par un garçon de 19 ans, sans antécédent, y avait suscité un vif émoi.

La tension est aussi perceptible à Villeneuve-Saint-Georges, dans le Val-de-Marne, où deux tiers des actes commis sont purement ­gratuits. Là, «le centre commercial de la Sablonnière devient le lieu de rassemblement de nombreuses bandes qui veulent en découdre», confie un commissaire de police. Le 30 juin 2007, le jeune Youssef, 19 ans, y avait été frappé à mort à coups de battes de base-ball.

En comparaison, il fait plutôt bon vivre dans les Yvelines, à Marly-le-Roi, Saint-Germain-en-Laye ou Versailles ! Les Hauts-de-Seine font également figure de privi­légiées, à Neuilly, Sèvres, Saint-Cloud et Clamart, qui couvre Le Plessis-Robinson, l'une des rares communes franciliennes à avoir armé sa police municipale.

Face à de tels contrastes, la tentation est grande de remettre l'ensemble des forces de l'ordre de la capitale et de sa région sous l'au­torité unique du préfet de police de Paris, pour une meilleure coordination des forces de sécu­rité en Ile-de-France. Bruno Beschizza, le patron de Synergie-Officiers, le dit, en tout cas : «Pour répondre au défi des violences, il faut un véritable plan Marshall et une approche des problèmes qui ne soit pas seulement policière». À Stains, l'une des villes les plus sinistrées de Seine-Saint-Denis, aucun ministre ne s'est rendu au pied des barres depuis 2002.
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