Baverez, ou l’échec français, Bogdan Calinescu
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31 Mars 2006
Texte repris du site Libres.org.
Après l’énorme succès de La France qui tombe (Perrin, 2003), Nicolas Baverez publie, chez le même éditeur un recueil de ses chroniques intitulé Nouveau monde. Vieille France (2006). http://www.amazon.fr/exec/obidos/ASIN/2262024189).
Considéré comme le « déclinologue en chef » (voir Le Monde du 25 février 2006), Baverez n’a pas froid aux yeux. Pratiquement toutes les semaines, il brosse, dans Le Point, l’image d’un pays qui se dirige inexorablement vers sa perte. Il faut reconnaître qu’il a raison - les événements récents autour du CPE le confirment, une fois de plus -, et aussi que les arguments ne manquent pas. Au plan économique, le pays est en chute libre, pas (ou peu) de croissance, chômage de masse endémique, absence de créations d’entreprises, fuite à l’étranger des entrepreneurs. Côté « social » (lorsque ce mot disparaîtra du vocabulaire de nos politiques et décideurs c’est que la France sera presque guérie), depuis 20 ans, les inégalités n’ont cessé de se creuser et le nombre de pauvres d’augmenter (très intéressantes les comparaisons avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne où, contrairement à ce qu’on dit, la pauvreté a diminué), l’école est sous le choc permanent de son infarctus idéologique, la recherche fout le camp à l’étranger, aux Etats-Unis et au Canada, tandis que les jeunes – diplômés ou pas – partent en quête de travail à Londres, aux Etats-Unis, ou bien en Australie. Et ce n’est pas tout, car la France a complètement décroché sur le plan international en étant marginalisée dans le conflit palestinien, en se couvrant de ridicule en Côte d’Ivoire, et en encaissant (avec l’Europe) l’échec des négociations avec l’Iran sur le nucléaire.
Les institutions ne se portent pas mieux. La France a le « privilège » de posséder un Parlement sans pouvoirs et un exécutif déconsidéré. Les politiques, en particulier Chirac, ne représentent plus les Français et sont empêtrés dans des affaires de corruption qui n’en finissent plus ; la politique du pays est faite par les hauts fonctionnaires - énarques pour la plupart - qui sont totalement coupés des réalités. La droite n’est plus une droite, la gauche est aussi marxisante qu’en 1981, et les extrêmes surfent sur le malaise de la population.
On connaissait l’étatisation de la France et des Français, aujourd’hui on prolétarise. Car le pays a, en 2005, un PIB par habitant inférieur de 20 % à celui de l’Irlande, et se retrouve douzième sur quinze en Europe pour ce qui est de la richesse par habitant. Cette situation est expliquée avec pédagogie par Baverez. Toujours bien structurée, son analyse est claire et les formules sont efficaces. Il manque toutefois une chose essentielle : on ne sait presque jamais quelles sont les sources de l’auteur. Pour le lecteur novice, l’avalanche de statistiques risque de décourager, voire de le rendre sceptique tant elles sont cruelles pour la France. Dommage aussi, la construction du livre, qui est un peu aléatoire, on peut tomber sur un article qui analyse les résultats du référendum de mai 2005 et, quelques pages plus loin, lire un autre qui a été écrit quelques semaines avant le référendum. Souvent, des paragraphes se retrouvent dans plusieurs articles comme si l’auteur avait fait du copier-coller, et la sensation de déjà lu nous fait perdre le fil de la démonstration.
Mais quels remèdes préconise l’auteur ? Si nous sommes d’accord avec lui pour libéraliser le marché du travail, créer une protection sociale professionnelle (et concurrentielle), les autres solutions nous paraissent totalement anachroniques. Baverez croit au politique, or, tout vrai libéral se méfie du politique. Malgré son constat très pertinent, il est intéressant de noter que son souhait est le sauvetage de l’industrie française grâce à la volonté politique et au renforcement des institutions internationales, en particulier européennes, voire la création d’une grande Europe politique. L’industrie française ? Des dizaines de milliards ont été dépensés en vain, ce qui a eu aussi pour effet un (trop) lent développement des services, qui représentent la vraie solution au chômage de masse. L’Europe politique ? Mais Baverez a sûrement remarqué le rejet des politiques, un peu partout, dans les pays riches et démocratiques, un désintérêt croissant pour la chose publique. Ce sont les évolutions de l’économie libérale qui en sont les responsables, et la place de plus en plus importante prise par la société civile et l’individu dans la gestion des affaires. Un peu partout, l’Etat se retire et laisse la place au management et au privé (même pour ce qui est de ses fonctions régaliennes). Moins les politiques s’impliqueront dans la gestion des affaires, mieux on se portera.
Bogdan Calinescu
Mis en ligne le 06 avril 2006, par M. Macina, sur le site upjf.org