3.2.07

IRAN : ANALYSE DE L' ARTICLE DE DOUSTE-BLAZY DANS LE MONDE

03.02.2007

Il est urgent d’agir au Moyen-Orient, par Philippe Douste-Blazy

| Philippe Douste-Blazy | Irak, Liban, Iran, Israël-Palestine : jamais, par le passé, la montée en puissance des risques au Moyen-Orient n’a paru si explosive. C’est pourquoi nous devons impérativement faire de 2007 une « année utile » en recréant les conditions d’une stabilisation de la région.


En Irak, le pays s’enfonce chaque jour plus profondément dans la guerre civile. Des doutes majeurs pèsent sur les chances de succès de la « nouvelle stratégie de victoire » américaine. Car le problème n’est pas tant le niveau des forces engagées, que le postulat de base sur lequel repose toujours ce « nouveau plan » : la conviction qu’il existerait une sortie de crise militaire en Irak. Or la réponse ne peut être que politique.

L’audience de l’insurrection serait en effet « dopée » par l’intensification des opérations militaires. Les insurgés ne rentreront dans le rang que si l’on fixe un horizon pour le départ des troupes étrangères.

IRAN-RESIST | Dès le départ, le ton est donné par la théorie que nous avons exposée dans l’article consacré à Michel Makinsky, un des membres du Lobby universitaire du régime des mollahs. Cette théorie prétend que la violence déployée par le Hamas est le résultat du boycott de ce mouvement terroriste. La même théorie clame que c’est le discours guerrier de Bush qui est à l’origine du refus de Téhéran d’accepter le dialogue. La faille de ces raisonnements est évidemment la nature du régime des mollahs et du Hamas, leurs projets politiques et leurs bilans terroristes.

Cette théorie ne peut convaincre que les néophytes ou les esprits partisans. Le Ministre des affaires étrangères de la France est personnellement un néophyte qui défend les points de vues très partisans du Quai d’Orsay. Il en résulte un article qui fonde son raisonnement sur le déni d’un rôle régional joué par le régime des mollahs. Le problème est que le ministre est loin de posséder l’art de désinformation d’un Michel Makinsky et pour ne pas avoir à condamner l’ingérence des mollahs en Irak et au Liban, il a choisi de la nier purement et simplement. Malheureusement sa démonstration le pousse à nier aussi l’existence même du Hezbollah ! Son article est exempt du mot Hezbollah !

Dans son introduction qui donne le ton de sa démonstration si clairement partisane, le ministre dit : « Jamais, par le passé, la montée en puissance des risques au Moyen-Orient n’a paru si explosive ». Cette réflexion est le résultat du déni de l’existence du Hezbollah : le ministre a zappé la guerre de l’été 2006 ! Nous allons donc annoter son article au fur et à mesure :

Quant aux violences intercommunautaires, leur apaisement ne sera possible que si chaque communauté accepte de dialoguer avec les autres et se voit offrir un accès équitable aux institutions et aux ressources irakiennes, ce qui impliquera sans doute, le moment venu, de réviser la Constitution.

Déni de l’existence d’un terrorisme islamique en Irak et déni de l’existence de réseaux de fourniture d’armes de guerre telles que des RPG 7 et RPG 29 aux auteurs des « violences intercommunaitaires »...

Au Liban, la situation a rarement été aussi volatile. Après trois mois d’une crise politique grave où chacun a campé sur ses positions, l’opposition semble vouloir faire le choix de l’escalade, au risque de renvoyer le pays aux pages les plus sombres de son histoire. La solution viendra pourtant de compromis forgés par le dialogue entre les Libanais eux-mêmes (c’est-à-dire un compromis avec le Hezbollah – ndlr). C’était aussi l’un des objectifs de la conférence de Paris (hélas nous l’avions prédit – ndlr) voulue par le président de la République, qui a, par son succès, montré à quel point les amis du Liban souhaitent convaincre ses habitants - sans distinction - de refaire leur unité. Il s’agit d’empêcher que le Liban ne redevienne le terrain d’affrontements de ses voisins et de lui permettre de bénéficier pleinement de la solidarité internationale.

Déni de la guerre de l’été 2006 (le ministre n’évoque rien qui puisse incriminer le Hezbollah ou rien qui puisse le contraindre à citer le nom du Hezbollah)...

Déni qui le transforme en porte-parole du Hezbollah : le ministre parle de l’opposition alors qu’il s’agit d’une fronde menée par le régime des mollahs et que cette opposition a cherché à déstabiliser le gouvernement...

Les dénis de Douste-Blazy apportent du crédit aux réclamations du Hezbollah (rebaptisé Opposition). « Refaire l’unité » est une reformulation des revendications du Hezbollah et en se livrant à cet exercice, le ministre risque de fâcher un important allié arabe de la France, c’est-à-dire l’Arabie Saoudite.

Cet exercice de déni est comme toujours accompagné d’un exercice de langue de bois et de reformulation. La France reste donc fidèle à son approche sinueuse et immanquablement, elle continue à appliquer la politique qui, selon les Saoudiens, est à l’origine de la déstabilisation du Moyen-Orient.

C’est d’ailleurs ce que nous avions écrit en termes moins diplomatiques que le ministre des affaires étrangères de l’Arabie Saoudite en déclarant que « la France était devenue une partie du problème » en instaurant un langage qui convient très bien aux mollahs.

Les mollahs ont besoin du Hezbollah, la Russie aussi (pour affaiblir les USA) et il est de plus en plus évident que la France a aussi besoin du Hezbollah. En fait, tout le monde a besoin du Hezbollah sauf les USA et les peuples de cette région. Tous les ETATS de la région en ont besoin, soit pour se montrer menaçant grâce à lui, soit pour utiliser sa menace pour exiger un soutien des Etats-Unis. Mais dans le cas de la France, ce pays ménage le Hezbollah pour rester en bons termes avec les mollahs. C’est d’ailleurs le point contradictoire du raisonnement français qui finalement conduit à être contreproductif :

- Le point essentiel de l’article de Douste-Blazy, pour son volet Libanais, reste le déni de l’existence du mouvement qui a lancé une guerre contre un pays voisin grâce aux armes (russes) fournies par le régime des mollahs.

Déni qui contredit les services de renseignement français ! Ce déni structure le reste de l’article car il nie l’existence d’un lien entre le régime des mollahs et cette guerre.

D’ailleurs, le régime des mollahs n’a pas fait tout ça pour qu’on le nie et que l’on le prive des retombées de son activisme !

Les efforts de Douste-Blazy, qui d’ailleurs répète docilement les directives du Quai d’Orsay, vont donc dans le sens opposé aux attentes de Téhéran. Mais la tâche est difficile pour Paris, la France ne peut pas admettre un lien entre les affaires libanaises et le nucléaire iranien : si elle le fait, elle devrait immédiatement prendre position contre l’ingérence des mollahs au Liban. Ainsi, elle se grillerait avec les mollahs et mettrait en péril ses intérêts en Iran. Elle est de ce fait contrainte de produire des discours ou des articles comme celui-ci qui n’ont ni queue ni tête et qui nient intensivement l’existence de liens entre les évènements du Liban et le nucléaire iranien.

Le reste est un enchaînement involontaire digne d’une comédie burlesque : à ce déni géopolitique, très Chiraquien, s’ajoute le déni ou le refus de reconnaître que Téhéran a manipulé la Troïka en jouant la carte des « querelles internes entre réformateurs et conservateurs ».

En revanche, pour cacher son incapacité à contrôler la situation, la France se réfugie dans une explication fondée sur une soi disant querelle interne entre les durs et les modérés et ce faisant, elle apporte du crédit à une invention du régime pour faire durer les négociations... L’article est donc dénué de sens et il est l’exposé pur et simple d’une incapacité du Quai d’Orsay à trouver une parade aux manoeuvres des mollahs.

Concernant la crise nucléaire iranienne, certains développements récents pourraient pousser Téhéran à réfléchir : le désaveu électoral subi par le camp présidentiel, les critiques dont fait l’objet en Iran même la gestion du dossier nucléaire, sans oublier l’impact déjà perceptible des sanctions et, plus encore, l’isolement économique croissant du pays. La balle est aujourd’hui dans le camp iranien. Mais beaucoup dépendra aussi de la capacité de la communauté internationale à maintenir son unité, qui est son principal atout pour convaincre l’Iran de faire les bons choix.

Comme on le constate, le ministre espère une évolution grâce à cette « querelle interne », alors qu’il serait plus avisé d’admettre le besoin de reconnaissance du rôle régional des mollahs. Ce que la France aimerait faire, mais ne peut le faire car les mollahs exigent cette reconnaissance des Etats-Unis et non pas de la France : c’est pourquoi, la France est devenue une partie du problème car elle se place en élément décisif pour la résolution alors qu’elle ne l’est pas et continue de déblatérer sur le sujet. Nous en voyons des exemples dans ce qu’il suit :

Nous devrons ainsi être fermes sur nos principes et nos demandes, mais aussi rester ouverts au dialogue et prêts à lever les sanctions si l’Iran accepte de suspendre ses activités sensibles. Seule la solution négociée que défend la France est en mesure de répondre aux intérêts de tous. L’Iran a beaucoup à gagner des offres de coopération faites par les Six, s’il suspend ses activités nucléaires sensibles, et tout à perdre d’une escalade. Les autorités iraniennes doivent comprendre qu’en rejetant une solution diplomatique elles risquent d’ouvrir elles-mêmes la voie à d’autres options.

En réalité, la France ne fait preuve d’aucune fermeté : elle avait décidé d’envoyer Douste-Blazy en visite clandestine à Téhéran, elle reçoit en cachette des émissaires des mollahs et ne fait preuve d’aucun principe...

Conclusion politiquement correcte et suggestion très incorrecte :

Entre Israéliens et Palestiniens, jamais la paix n’a paru si éloignée. Et, pourtant, jamais non plus les parties en présence n’ont eu davantage intérêt à la reprise du dialogue. C’est d’abord l’intérêt d’Israël, qui a vu depuis l’été 2006 sa vulnérabilité exposée, la validité des retraits unilatéraux comme garantie de sa sécurité remise en cause, et surtout sa stratégie exclusivement militaire déconsidérée par l’épreuve des faits. C’est évidemment aussi l’intérêt des Palestiniens, minés par des divisions qui les privent d’un représentant capable de parler en leur nom et de les engager tous dans la paix. Ils doivent d’urgence se rassembler dans un gouvernement d’union nationale avec lequel la communauté internationale pourra travailler. Le statu quo débouchera tôt ou tard sur une guerre ouverte entre Palestiniens qui balayera ce qui reste de l’Autorité palestinienne et provoquera le chaos bien au-delà des territoires.

Il est intéressant de voire une référence constante à un gouvernement d’union nationale, il pourrait s’agir d’une proposition faite aux mollahs qui pourrait être soutenue par la France : un gouvernement d’union nationale en Iran incluant les modérés et les pragmatiques ! Mais comme toujours la France continue à soutenir des initiatives dont l’objectif serait le maintien des mollahs au pouvoir et ce faisant, elle risque d’être rejetée par ces alliés arabes.

En Irak, au Liban, ou avec l’Iran, les crises ont des ressorts propres qu’il convient de traiter. Mais la toute première urgence aujourd’hui est de se concentrer sur ce qui est toujours le "centre nerveux" des crises au Moyen-Orient : le conflit israélo-palestinien. Bien entendu, toutes les tensions ne disparaîtront pas avec lui comme par un jeu de dominos. Mais le conflit israélo-palestinien est depuis soixante ans une plaie ouverte et douloureuse, un abcès qui cristallise les frustrations et nourrit les extrémismes.

Conclusion politiquement correcte : oui le centre nerveux des crises au Moyen-Orient est le conflit israélo-palestinien, mais suggestion très incorrecte : la France nie le rôle occulte des mollahs et de ce fait ne pourra pas résoudre ce problème fondamental.

Le problème central du conflit est le déni du rôle de Téhéran et ceci ne risque pas de bouger tant qu’il n’y aura pas de changement de président en France. Le déni de l’existence de ce facteur de déstabilisation du Moyen-Orient et l’insistance de la France est au coeur de cet article du ministre qui en dit long sur l’immobilisme de la France. A ce titre les dernières lignes de l’article se passent de commentaires :

La paix entre Israéliens et Palestiniens n’est sans doute pas une condition suffisante pour stabiliser le Moyen-Orient. Mais elle en est encore une condition nécessaire. Les termes d’une solution sont connus. Ce qui fait défaut, c’est le courage, la force de la volonté politique. La communauté internationale doit agir et déjouer le scénario d’un chaos annoncé qui risque d’emporter toute la région dans une escalade incontrôlable.

C’est en faisant la preuve de notre capacité collective à relancer la paix entre Israéliens et Palestiniens que notre voix sera entendue, écoutée et respectée pour régler les autres crises qui minent le Moyen-Orient.

Jusqu’au bout, le chef de la diplomatie Française nie l’existence d’une force nuisible qui agirait en dehors de la communauté internationale. Dans ces conditions c’est à nous qu’il faut du courage. La France nie avec véhémence l’existence du terrorisme, niant son existence, elle ne peut pas accuser de coupable, ni trouver de solution. La France est devenue une partie du problème !

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Pour en savoir + sur la diplomatie iranienne de la France :
- IRAN : LA FRANCE PRISE AU PIÈGE DE SA PROPRE DIPLOMATIE
- (18.01.2007)