5.2.07

IRAN NUCLEAIRE : LE CADET DES SOUCIS DE CHIRAC

«Où l’Iran enverrait-il cette bombe ? Sur Israël ? Elle n’aura pas fait 200 mètres dans l’atmosphère que Téhéran sera rasée».

Voilà enfin résumée la pensée profonde du Président Chirac.

A travers cette formulation lapidaire, corrigée pour la forme plus que pour le fond dans un second communiqué, il est possible de décoder son approche de la politique étrangère de la France, cette «politique arabe» qu’il a su si bien marquer de son sceau spécifique depuis quarante ans qu’il est aux «affaires».

Chirac est un «immobiliste». Le remarquable ouvrage de Christophe Boltanski et Eric Aeschimann, «Chirac d’Arabie» (lire), le démontre parfaitement. Il s’oppose en cela à d’autres visions, celle de l’administration Bush, de Tony Blair et même de Nicolas Sarkozy.

Bush a refusé le statu quo au Moyen-Orient. Et certainement pas pour des raisons économiques ou pour mettre la main sur un pétrole irakien qu’il aurait pu, de toute façon, acquérir sans peine auprès d’un régime corrompu. A l’opposé, la France, soutenue par des manifestants bêlants à travers le monde, ne s’était opposée à la guerre d’Irak que pour des raisons économiques.

Quatre ans après, la plupart des commentateurs ont déjà sifflé la fin de la partie et décrivent l’Irak d’aujourd’hui comme la preuve de l’échec total de l’entreprise américaine et comme celle de la clairvoyance du duo Chirac-Villepin de 2003. Or, le Moyen-Orient est toujours aussi mouvant et instable, capable de retournements imprévus. Mais surtout, les dictateurs voisins sont désormais tétanisés à l’idée de subir le sort de leur collègue irakien. Cette donnée constitue un nouveau paramètre, quasiment absent avant 2003, et qui, s’il influe, ne pourra le faire que dans un sens positif pour la démocratie et les libertés des peuples de la région, et la survie d’Israël.

Les résultats sont-ils si négligeables quand on observe le comportement de la Syrie, de la Libye, de l’Egypte ou de l’Arabie saoudite ? Certes, ce n’est pas le Pérou, mais il existe incontestablement, depuis l’intervention américaine en Irak, un frémissement dans ces pays, dans leurs sociétés ainsi que parmi leurs chefs.

L’Iran, lui-même, est en proie à des dissensions politiques internes. L’hétérogénéité du pouvoir y fait qu’Ahmadinejad, le Président illuminé par l’arrivée prochaine du Mahdi, est progressivement isolé par les autres instances du pouvoir. Cela est la conséquence des menaces de sanction qui pèsent sur un Iran qui combinerait l’élaboration d’un programme nucléaire militaire et les déclarations belliqueuses envers l’Occident, voire éradicatrices envers Israël.

Or comment réagit Chirac ? Faisant fi d’une analyse fine du principe de dissuasion, qui n’est pas applicable avec n’importe qui, il envoie à l’Iran le signal que l’Occident ne vit pas cette bombe iranienne comme une menace existentielle, tout au plus comme comportant le risque collatéral de voir Israël atomisé.

Cela est bien peu de choses pour un dirigeant occidental qui ne voit en Israël qu’une parenthèse de l’Histoire.

Cela est bien peu de choses pour quelqu’un qui ne voit dans les Juifs que des Israélites.

Cela est bien peu de choses pour celui qui ne manque pas une occasion de rendre hommage aux Juifs morts.

Nous n’avons malheureusement pas affaire, dans ce cas, à une «bourde» à la Ségolène. Cette déclaration, même si elle a échappé à un dirigeant vieillissant contrôlant mal ses annonces, traduit tout de même très bien ce qui a toujours été la pensée de «Chirac d’Arabie» : un monde figé et immobile, sans le grain de sable israélien, avec les démocraties pour le développement mondial, les dictatures pour les ressources naturelles et les matières premières, et les peuples premiers pour faire joli.

Jean-Paul de Belmont © Primo-Europe, 4 février 2007
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Auteur : Jean-Paul de Belmont
Date d'enregistrement : 04-02-2007