Nucléaire : la bourde de Chirac ?
"Un Iran doté de l'arme nucléaire serait inacceptable", dit Chirac. Pendant ce temps, Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad célèbre la Révolution Khomeyniste en annonçant la "stabilisation" de son programme nucléaire.
Ce qui signifie que Téhéran peut désormais communiquer sur le début de l'installation de 3 000 centrifugeuses sur le site d'enrichissement d'uranium de Natanz.
Chirac hausse la voix.
Décidément, cette campagne électorale 2007 est réjouissante à plus d’un titre. Le Président de la république, théoriquement hors jeu pour cette compétition, y va lui aussi de ses écarts de langage.
De mémoire de diplomate, jamais un président de la république n’a été aussi loin, en temps de paix, pour accuser un autre pays.
« Où l'Iran enverrait-il cette bombe? Sur Israël ? Elle n'aura pas fait 200 mètres dans l'atmosphère que Téhéran sera rasée ».
Certes, Chirac n’est pas en contradiction avec ses propos. Il faut se rappeler une déclaration du Président à Landivisio, le 19 Janvier 2006 (Lire en bas de page des extraits de ce discours).
Sitôt cette déclaration achevée, on apprenait le départ vers l’Iran de quelques bâtiments de la flotte française, dont certainement quelques uns de nos sous-marins lanceurs d’engins balistiques. L’Iran l’avait, à l’époque, très mal pris.
Depuis janvier, Chirac ne se fait aucune illusion sur le régime d’Ahmadinejad. L’accélération soudaine de la recherche nucléaire iranienne ces dernières semaines ne l’a pas rassuré, c’est le moins qu’on en puisse dire.
Il se doute aussi qu’un changement à la tête de l’Iran (certains députés commencent à parler de destitution à propos d’Ahmadinejad) ne bouleverserait pas les données de manière substantielle. Un ancien diplomate iranien, Sadeq Kharrazi, affirme qu’il n’y pas de divergence entre Khameneï et Ahmadinejad sur la question du nucléaire.
Le problème n’est pas tant le probable arsenal nucléaire iranien, dangereux certes, mais plutôt l’ouverture de cette exigence de la part de plusieurs pays, ce que l’on appelle la prolifération.
La Jordanie, ainsi que certains pays du Golfe n’ont pas caché leur souhait de se doter du nucléaire à des fins civiles.
L’autre problème, moindre à vue humaines, qui va agiter la classe politique ce week-end est que, plutôt que d'assumer ses propos, le Président cherche à les minimiser. Ce faisant, mais personne n’est à l’abri, Jacques Chirac donne l’impression de s’emmêler les pinceaux.
Il a déclaré dans un autre entretien à la presse qu'un Iran possédant l'arme atomique ne serait pas "très dangereux".
"La position de la France n'a pas changé : elle demande à l'Iran de respecter ses engagements dans le nucléaire au titre du Traité de non-prolifération (TNP) tout en réaffirmant son droit au nucléaire civil".
"Une formule que je retire"
Le chef de l'Etat français s'est exprimé lors d'une interview accordée lundi au Nouvel Observateur, au New York Times et à l'International Herald Tribune avant de reconvoquer mardi les journalistes pour corriger ses dires. Jacques Chirac "a jugé nécessaire de revenir sur ses propos" le lendemain, rapporte Le Nouvel Observateur.
Il a d'abord dit aux journalistes qu'il était persuadé avoir parlé "off the record", c'est-à-dire que ses déclarations ne seraient pas publiées, indique le Herald Tribune, avant de concéder avoir utilisé "un raccourci", selon Le Nouvel Observateur.
"Plus encore, a-t-il ajouté d'après l'hebdomadaire, c'est une formule que je retire."
"Qu'aurait-on dit de Ségolène Royal si elle avait commis cette très grave faute diplomatique ?", a demandé Jack Lang, conseiller spécial de la candidate socialiste à l'Elysée.
Il est piquant de voir Jack Lang sauter sur cette occasion à moindre frais. Au sujet des bourdes diplomatiques, il est vrai que Douste et Chirac commencent à faire fort. Mais la championne préférée de Lang n’est pas en reste.
La vérité est peut-être tout simplement plus effrayante. Chirac sait ce que ne cessent de dire certains spécialistes, notamment israéliens : l'Iran pourrait bien posséder la bombe avant la fin de 2007.
Dans cette perspective, tout reste ouvert. Quand nous disons "ouvert", c'est bien entendu une façon de parler.
Paul Lémand © Primo Europe, 1° février 2007
Landivisiau - l'Ile Longue / Brest (Finistère) - Jeudi 19 janvier 2006.
Mais la fin du monde bipolaire n'a pas fait disparaître les menaces contre la paix. Dans de nombreux pays se diffusent des idées radicales prônant la confrontation des civilisations, des cultures, des religions (…) Notre monde est également marqué par l'apparition d'affirmations de puissance qui reposent sur la possession d'armes nucléaires, biologiques ou chimiques.
D'où la tentation de certains Etats de se doter de la puissance nucléaire, et ceci en contravention avec les traités (…) L'intégrité de notre territoire, la protection de notre population, le libre exercice de notre souveraineté constitueront toujours le cœur de nos intérêts vitaux. Mais ils ne s'y limitent pas (…) La dissuasion nucléaire, je l'avais souligné au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, n'est pas destinée à dissuader des terroristes fanatiques. Pour autant, les dirigeants d'Etats qui auraient recours à des moyens terroristes contre nous, tout comme ceux qui envisageraient d'utiliser, d'une manière ou d'une autre, des armes de destruction massive, doivent comprendre qu'ils s'exposent à une réponse ferme et adaptée de notre part. Et cette réponse peut être conventionnelle. Elle peut aussi être d'une autre nature (…)
Nous sommes en mesure d'infliger des dommages de toute nature à une puissance majeure qui voudrait s'en prendre à des intérêts que nous jugerions vitaux. Contre une puissance régionale, notre choix n'est pas entre l'inaction et l'anéantissement. La flexibilité et la réactivité de nos forces stratégiques nous permettraient d'exercer notre réponse directement sur ses centres de pouvoir, sur sa capacité à agir (…)
Cette formule ne doit cependant pas laisser planer le doute sur notre volonté et notre capacité à mettre en oeuvre nos armes nucléaires.
TEXTE REPRIS DU SITE PRIMO EUROPE