L'Irak et la Turquie : une coopération régionale qui pourrait changer la région
Un chemin de fer et une autoroute reliant Basra et Istanbul apporteraient la prospérité aux deux pays
Le 16 juin 2008, le site www.tolerancy.org affichait un éditorial du Dr Hussain Sinjari, ancien ministre du gouvernement régional du Kurdistan, propriétaire et éditeur du journal irakien progressiste Al-Ahali et président de Tolerancy International, une ONG irakienne qui œuvre pour la tolérance entre les différents groupes arabes religieux et ethniques. Dans son éditorial, Dr Sinjari évoque la récente visite du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan en Irak et le rapprochement entre la Turquie et l'Irak, et suggère de construire une voie ferrée et une autoroute reliant les deux pays. Extraits:
"En raison des longues décennies de dictature (…), notre pays est presque devenu une terre en friches. (…) Il faut changer cette malheureuse situation, et pour ce faire, nous avons besoin de ce type de coopération régionale stratégique (…) "
"La dernière visite d'un Premier ministre turc dans notre pays date de 1990. Aujourd'hui, dix-huit ans plus tard, un autre Premier ministre turc est venu à Bagdad (…) La création du Haut conseil de coopération stratégique entre les deux pays, co-présidé par les deux Premiers ministres et devant se réunir trois fois par an pour évoquer les questions cruciales de l'énergie, l'industrie militaire, la sécurité et la politique, a été un moment historique.
Cette visite historique est le fruit d'efforts du président irakien Jalal Talabani et du Premier ministre irakien Nouri Al-Maliki. Elle est intervenue suite au succès évident des dernières opérations militaires et sécuritaires en divers endroits d'Irak, dont Basra, Bagdad, Ramadi, Mossoul et d'autres lieux, où des groupes criminels avaient coutume de terroriser la population.
La visite d'Erdogan n'aurait pas été possible sans l'efficacité des mesures de sécurité. Arpentant Bagdad de jour comme de nuit, l'auteur de cet article a été témoin de l'amélioration [de la situation]. J'ai été récemment surpris de découvrir des centaines de familles se relaxant à Abu Nawas, une célèbre avenue de cafés et de restaurants sur la rive du Tigre, connue pour son poisson grillé mesgouf. La sécurité est maintenue dans la région par une société privée, le groupe Sandi, qui patrouille dans les bars et les restaurants, procède à des vérifications de véhicules, protège la population des terroristes et assure le maintien de l'ordre.
La Turquie semi-européenne - avec son parlement démocratiquement élu, ses médias libres et critiques, ses organisations civiles actives, les progrès accomplis dans les domaines de l'agriculture, de l'industrie, de l'éducation et du tourisme - formera un partenariat régional unique avec l'Iraq, qui détient les plus importantes réserves de pétrole au monde et les meilleures ressources humaines du Moyen-Orient. En raison des longues décennies de dictature, au cours desquelles notre richesse nationale a été gaspillée en armement, à la libération de la Palestine, en mensonges de propagande et en autres pratiques destructrices, notre pays est presque devenu une terre en friches. Il faut remédier à cette situation malheureuse, et pour ce faire, ce type de coopération régionale stratégique, nous permettant de rebâtir et de reconstruire, nous est nécessaire."
"Le peuple kurde vit le long de la frontière entre l'Irak et la Turquie, et peut beaucoup aider à former un pont entre les deux pays."
"Le peuple kurde vit le long de la frontière entre l'Irak et la Turquie, et peut beaucoup aider à former un pont entre les deux pays. L'insurrection armée doit prendre fin ; la population doit défendre ses droits et exprimer son mécontentement par des moyens civils acceptables. L'Etat n'est pas innocent non plus: sa politique doit être revue, afin de prêter davantage attention aux revendications et aux besoins de la population.
Les Turkmènes en Irak et les Arabes en Turquie sont des exemples de cette diversité qui peut et doit devenir une source de force et de richesse.
Si l'Irak souffre terriblement de ce que son voisin à l'Est, l'Iran, ait décidé de suivre la voie du nihilisme de Saddam, notre voisin au nord, la Turquie, tend la main de l'amitié, de la confiance, représentant pour nous un espoir et une promesse de prospérité."
"Accorder la priorité à la construction d'un chemin de fer et d'une autoroute modernes reliant Basra et Istanbul"
"J'ai ici une proposition à faire aux gouvernements d'Irak et de Turquie: accorder la priorité à la construction d'un chemin de fer et d'une autoroute modernes reliant Basra et Istanbul. Ces deux projets à grande échelle attireront les investissements des grandes sociétés, et de petites entreprises verront le jour le long de la voie ferrée et de l'autoroute.
Cette nouvelle artère reliera l'Irak à l'Europe via Istanbul, et la Turquie à la région du Golfe via Basra, et il ne faut pas réfléchir longtemps pour entrevoir la prospérité qu'elle pourrait générer - non seulement pour la population turque et irakienne, mais également pour l'Europe et la région du Golfe !
A l'heure de la mondialisation, une plus grande "diplomatie de tolérance" est nécessaire. Cette nouvelle approche consiste à trouver un terrain d'entente et des intérêts communs sans considération de foi, idéologie, ethnicité ou langue. L'Irak, la Turquie et d'autres pays devraient sonder les bénéfices d'une acceptation et d'une reconnaissance mutuelles. En suivant cette ligne de conduite, le Haut conseil de coopération stratégique servira d'exemple à d'autres qui se trouvent invalidés par une idéologie nocive."
TEXTE REPRIS DU SITE MEMRI.ORG